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Le choc résidences autonomie – résidences services seniors

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La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement de 2015 devait donner un nouvel élan aux anciens logements-foyers, devenus résidences autonomie. Malgré les millions d’euros débloqués par les pouvoirs publics, ces établissements souffrent encore d’un manque de moyens, d’une vétusté du bâti. De statut public, ils doivent affronter la concurrence des résidences services seniors, portées essentiellement par des groupes privés commerciaux.

UN NOUVEAU NOM, UN NOUVEAU SOUFFLE. La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV) du 28 décembre 2015 était pleine de promesses pour les résidences autonomie, jusque-là dénommées « logements-foyers ». Engagement tenu ? Pas vraiment. Pas complètement. Pourtant, à l’origine, ce changement d’appellation n’était pas un simple « ripolinage » mais traduisait la volonté de renforcer le rôle de ces 2 200 établissements (110 000 places installées) – qui accueillent des personnes âgées majoritairement autonomes – en matière de prévention de la perte d’autonomie. Sous réserve de la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM)(1) avec le conseil départemental, et en lien avec les priorités définies par la conférence des financeurs, l’attribution d’un forfait autonomie permet à ces structures de financer, en tout ou partie, des actions de prévention individuelle ou collective (nutrition, développement du lien social, activités physiques, prévention des chutes…) au profit des résidents et, le cas échéant, de personnes extérieures.

Une sous-consommation des crédits

Au moment de la loi « ASV », le besoin de financement généré par ce forfait autonomie avait été estimé à 40 millions d’euros par an, soit 320 € par personne âgée. Il devait permettre de financer environ 0,5 équivalent temps plein (ETP) par établissement. Un forfait autonomie jugé, alors et aujourd’hui encore, sous-dimensionné par les acteurs du secteur. Selon le premier bilan d’activité des conférences des financeurs publié en novembre 2017 par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), 16,4 millions d’euros – sur les 25 millions versés aux départements au titre du forfait autonomie – ont été consacrés, en 2016, à plus de 48 000 actions individuelles ou collectives dans les résidences autonomie au profit de plus de 186 000 personnes âgées (dont 50 000 n’étaient pas hébergées en résidence autonomie). En 2017, « compte tenu des dépenses réellement effectuées en 2016, inférieures aux montants délégués », dixit la CNSA, le financement, initialement prévu à 40 millions d’euros, a été de 32,9 millions d’euros. Idem pour 2018, le concours prévisionnel fixé à nouveau à 40 millions d’euros pourrait être revu à la baisse en cas de sous-consommation des crédits 2017 par les départements.

« Depuis qu’il a été mis en place, le forfait autonomie ne règle rien, ni en macro-économie, ni en micro-économie. Aujourd’hui, la place consacrée aux résidences autonomie dans la réflexion politique et les moyens consacrés sont très en deçà des besoins nécessaires pour que ces structures jouent pleinement leur rôle », considère Didier Sapy, directeur de la Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées (Fnaqpa). « L’Ehpad [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] a pris, à notre grand regret, un chemin de plus en plus sanitaire, laissant une place béante aux structures non médicalisées telles que les résidences autonomie sur les attentes fortes de lien social, de rupture de la solitude des personnes âgées, de prévention de la perte d’autonomie. Malheureusement pour l’instant, cela ne se traduit pas en termes de moyens. »

Autre enjeu de taille pour les résidences autonomie : la rénovation du parc immobilier. Datant majoritairement des années 1960, 1970 et 1980, de nombreux établissements nécessitent de lourds travaux de rénovation. En application de la loi « ASV », la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a délégué des crédits à la Caisse nationale de l’assurance vieillesse (Cnav) afin de financer « les travaux de réhabilitation, de modernisation, de mise aux normes ou d’agrandissement ou de restructuration ayant comme objectif l’amélioration du cadre de vie, du confort et de la sécurité des résidents ». Depuis 2015, la CNSA a abondé le plan d’aide à l’investissement (PAI) des résidences autonomie versé par la CNAV à hauteur de 32,9 millions d’euros. En 2018, 7,1 millions d’euros ont été mobilisés pour ce chantier. « Il s’agit de la dernière tranche du PAI de 40 millions d’euros annoncé dans le cadre de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement », précise la CNSA. Et ensuite ? Selon la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la CNAV pour la période 2018-2022, signé le 1er juin dernier, l’Etat s’est engagé à renouveler l’attribution d’un plan d’aide à l’investissement aux résidences autonomie. Reste à savoir quel sera le montant de l’enveloppe. Par ailleurs, au PAI de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie s’ajoutent les aides et les prêts des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), « très précieux mais très vite consommés car les besoins sont énormes », explique Didier Sapy.

Si la grande majorité des 2 200 résidences autonomie sont gérées par les communes via leurs centres communaux d’action sociale (CCAS), elles sont la propriété de bailleurs sociaux. Or, selon l’étude « Résidences autonomie : quels besoins ? quelles attentes ? » réalisée, pour la CNAV, par Pierre-Marie Chapon, géographe et expert du vieillissement, et rendue publique en décembre 2017, la communication est « parfois complexe entre gestionnaires et propriétaires lorsqu’il s’agit de bailleurs sociaux », ce qui constitue un frein pour l’engagement des travaux. « Plus les structures sont habilitées [à l’aide sociale], plus elles ont réalisé de travaux et sont en capacité d’en prévoir. Car qui dit habilitation à l’aide sociale, dit aussi contrôle plus fort des tutelles, en particulier du conseil départemental. Cela implique également une garantie sur le loyer et sur son évolution et donc une capacité à provisionner pour pouvoir réaliser des travaux », notait l’étude.

La concurrence des résidences services seniors

Pour les représentants du secteur, la revalorisation des moyens alloués au forfait autonomie et à la rénovation du bâti des résidences autonomie est d’autant plus urgente que ces structures se retrouvent confrontées à la concurrence des résidences services seniors de deuxième génération, reconnues par la loi « ASV ». Selon une étude du cabinet Xerfi, intitulée « Les résidences seniors à l’horizon 2021 – Stratégies des acteurs, défis à relever et perspectives par région » et publiée en janvier 2018, le cap des 700 résidences seniors en France sera franchi d’ici 2019. Ce marché progressera au rythme de l’ouverture de 80 nouvelles résidences par an en moyenne, entre 2019 et 2021. « Les résidences services seniors cherchent aujourd’hui à se positionner sur la classe moyenne et la classe moyenne inférieure et à avoir une partie de leur parc de logements accessibles financièrement avec un prix d’appel en termes de loyers de 900 € par mois », explique Didier Sapy. « Mais les résidences autonomie n’auront pas de concurrence sur la vocation sociale car des populations se tourneront toujours vers ces établissements dont le loyer est de 700 €, 800 €, 900 € mais avec des possibilités d’aide sociale. La véritable concurrence des résidences seniors est en termes d’attractivité sur l’envie de la clientèle. Les résidences autonomie doivent redevenir attractives au niveau de la conception du bâti et de ­l’environnement de vie. Ces structures doivent devenir des résidences services à vocation sociale », ajoute-t-il.

Selon Jean-Pierre Riso, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa), le développement des résidences services seniors de deuxième génération ne doit pas se faire « au détriment des résidences autonomie qui ont une légitimité de prévention, de maillage des territoires, de réponse à des besoins de proximité ». Rappelant que les obligations et les contraintes qui pèsent sur les résidences autonomie sont « très supérieures » à celles des résidences services seniors qui, elles, ne sont pas soumises à la loi 2002-2 et au régime de l’autorisation, Jean-Pierre Riso reconnaît que la concurrence est difficile car les prix ne sont pas beaucoup plus élevés dans les résidences services seniors.

Une offre multiple

« Il n’est pas obligatoire qu’il y ait sur tous les territoires des résidences services seniors. Quand il y a une bonne réponse entre le domicile, la résidence autonomie, l’Ehpad, il est utile et nécessaire de ne pas surcharger l’offre parce que ça déséquilibre. On cherche plus la complémentarité que la concurrence frontale. En aucun cas les résidences autonomie ne doivent disparaître au profit des résidences services. L’offre doit être protéiforme, multiple mais surtout répondre à la réalité des besoins et des capacités financières des personnes âgées. », insiste Jean-Pierre Riso. Et de poursuivre : « La plupart des résidences autonomie sont portées par les CCAS et la plupart des résidences services le sont par des groupes commerciaux. Quand on se demande ce que l’on veut demain en termes de politique publique d’accompagnement des personnes âgées, on peut imaginer une forme de régulation des pouvoirs publics pour s’assurer que sur l’ensemble des départements il puisse y avoir le choix du type d’établissements. »

Alors que la prévention de la perte d’autonomie est une priorité de la stratégie nationale de santé 2018-2022, que le conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a formulé des propositions pour « une société inclusive, ouverte à tous », la question de la place des résidences autonomie pourrait revenir sur le devant de la scène. « Dans la concertation nationale “grand âge et autonomie”, il y a une réflexion consacrée à l’évolution de l’offre dans une approche globale. Les résidences autonomie devront y être incluses. On ne peut pas balayer d’un revers de la main les résidences autonomie et les personnes qui y vivent », juge Didier Sapy.

Les motivations des résidents

Selon l’enquête de Santé publique France, réalisée en 2016, auprès de plus de 500 responsables de résidences autonomie et presque 8 000 résidents, les facteurs déterminants dans le choix des résidents à entrer dans une résidence autonomie sont principalement liés à l’envie de garder une certaine indépendance et de bénéficier d’un environnement sécurisant (pour 57 % d’entre eux). Viennent ensuite dans des proportions moindres, le fait de bénéficier d’une présence de jour comme de nuit (34,6 %), de se sentir moins isolé (33 %) et de ne pas être un poids pour leur famille (31,3 %). Le besoin de préserver sa santé concerne 28,4 % des résidents et 27 % d’entre eux exprime le souhait d’avoir un logement adapté pour minimiser les risques d’accident ou de chute. Enfin, la nécessité de bénéficier d’animations ou d’activités conviviales est citée par 18,2 % des résidents interrogés.

Notes

(1) Sur les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, voir ASH n° 3082 du 2-11-18, p. 20.

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