« CHANGER LE QUOTIDIEN DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP. » C’est l’ambition affichée du deuxième comité interministériel du handicap à travers une dizaine d’annonces, dont la plupart ne sont cependant pas nouvelles(1). Les plus emblématiques, exception faite du « choc de simplification administrative » de Sophie Cluzel, réclamé de longue date par les associations, sont certainement celles à destination des personnes sous protection juridique. « Certaines s’attachent au droit de se marier, de se pacser, de divorcer, sans requérir préalablement l’autorisation du juge », détaille Nicole Belloubet, garde des Sceaux. « La sécurité des personnes sous mesure de tutelle sera assurée par l’information du tuteur qui pourra faire valoir une opposition s’il le souhaite. Une autre mesure concerne le droit, sans autorisation du juge à partir du moment où il y a un accord entre le médecin, la personne sous tutelle et le tuteur, d’accéder à des soins médicaux comme l’extraction dentaire. Enfin, nous souhaitons que ces personnes puissent exercer leur droit de vote en faisant attention à assurer sa sincérité : la question des procurations sera encadrée. »
Des nouveaux droits qui consacrent, pour beaucoup d’associations, le statut de citoyen plein et entier, sans restriction d’accès pour les personnes qui souffrent d’altération des fonctions mentales, cognitives ou psychiques.
« Pour le moment, les personnes sous tutelle peuvent se voir retirer leur droit de vote, ce qui est la négation de leur existence physique », assène Roselyne Touroude, vice-présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam). « On ne peut pas d’un côté prétendre que les personnes handicapées sont des citoyens, et parallèlement leur retirer ce droit fondamental, inscrit dans la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée en 2010. Comment justifier cette procédure qui passe par le certificat d’un médecin, avec un juge qui statut en une minute ? S’il y a un permis de voter, il faut le faire passer à tout le monde. » Si, à droit constant, le principe est pour le majeur protégé la liberté de pouvoir voter, un jugement peut en effet l’en priver. Ce qui concerne dans la pratique « environ 300 000 personnes » sur les 365 000 mises sous tutelle, d’après la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées.
Selon Hadeel Chamson, délégué général de la Fédération nationale des associations tutélaires (Fnat), il s’agit d’une « mauvaise pratique massive des juges, par facilité ou par manque de temps. Même si ce qui a été toléré hier ne l’est plus aujourd’hui, il y a toujours un décalage entre les textes et l’évolution sociale. Il s’agit de mettre en cohérence le droit avec les pratiques du quotidien. »
Quant aux craintes de manipulation électorale, Roselyne Touroude fait remarquer qu’elles trouvent à s’appliquer à l’ensemble de la population, et que l’influence constitue « l’essence première de la politique ». Hadeel Chamson alerte néanmoins sur les dangers d’une autonomie « dogmatique », qui « primerait sur la réalité. Une fraction de cette population a un handicap particulier, et sa décision de vote doit être accompagnée. La personne doit pouvoir entrer dans un processus de décision assistée avec son mandataire judiciaire qui lui donne tous les éléments de compréhension du contexte. Il peut expliquer de façon adaptée, sans entrer dans les détails, les éléments importants, comme les enjeux politiques, qui vont fonder le vote. » Cette nouvelle attribution supposerait qu’on repense la mission du mandataire en diminuant sa charge pour permettre cet accompagnement. Une option balayée par la vice-présidente de l’Unafam, qui ne considère « pas envisageable » de laisser aux tuteurs le soin d’expliquer les enjeux politiques au représenté. « Cela concerne tous les citoyens, il faudrait par exemple dispenser de l’éducation civique en formation continue. »
Dans cette même optique de simplification du système de protection juridique des majeurs, l’exécutif veut également supprimer le contrôle du juge sur certains actes patrimoniaux, alléger le contrôle des comptes du majeur protégé, développer l’habilitation familiale, moins lourde que la tutelle. Le juge des tutelles serait, lui, remplacé par un juge des contentieux et de la protection. Un non-sens, pour le délégué général de la Fnat : « C’est une méconnaissance de la matière, la protection juridique n’est pas un contentieux lambda. Les compétences de ces juges vont s’élargir et ils vont être potentiellement happés par d’autres litiges. Il ne faut pas oublier qu’un juge des tutelles, c’est en moyenne 3 500 dossiers, ce qui laisse présager de sa capacité à aller au fond des choses avec cette approche quasi industrielle. »
Le véhicule législatif de ces nouveaux droits sera le projet de loi « justice », actuellement en cours de débat au Parlement. Si le droit de se dire « oui » pour les majeurs sous tutelle devrait être acté d’ici le début de l’année prochaine après une modification du code civil, le droit de vote, rendu possible grâce à l’abrogation d’une partie de l’article L. 5 du code électoral, sera effectif, « au plus tard, aux prochaines élections municipales de 2020 », a indiqué Sophie Cluzel.
• Attribution à vie de droits aux personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement. « L’accès au droit doit être le plus simple possible, la personne doit arrêter de prouver en permanence sa situation de handicap », a indiqué Sophie Cluzel. « Aujourd’hui, elle doit refaire neuf fois son dossier à la maison départementale des personnes handicapées pour obtenir son allocation. Si le handicap est avéré à plus de 80 %, il ne faudra plus le déclarer qu’une seule fois à l’administration et des droits seront ouverts à vie comme l’allocation aux adultes handicapés à partir de 20 ans ou la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé. »
• Garde d’enfants facilitée par un bonus inclusion handicap.
• Attribution de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé jusqu’aux 20 ans ou pour la durée des cycles scolaires.
• Fusion de la CMU-C et de l’aide au paiement d’une complémentaire santé.
• Obligation d’installation d’un ascenseur dès le 3e étage pour les immeubles neufs.
• Soutien aux nouvelles technologies à destination de l’autonomie.
• Gratuité ou tarifs sociaux dans les transports publics pour les accompagnants.
• Révision de la liste des produits et prestations remboursables, clarification des modalités de prise en charge des soins en ville ou en établissement.
(1) Voir « Handicap : le gouvernement annonce 10 nouvelles mesures, pas si neuves », sur