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Le secteur associatif face au défi de son financement

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Le Forum national des associations et fondations, qui s’est tenu le 17 octobre à Paris, a été l’occasion d’un rendez-vous entre responsables d’associations et acteurs de l’économie sociale et solidaire, cabinets de conseil et organismes bancaires. Les perspectives de financement du secteur associatif ont été mises sur la table, à l’heure où les subventions publiques sont en baisse.

AU COURS DES CONFÉRENCES PONCTUANT LE FORUM NATIO­NAL DES ASSOCIATIONS ET FONDATIONS, un constat revenait comme un refrain : « Le financement public des associations est en baisse. » Devant l’assistance du Palais des congrès à Paris, Viviane Tchernonog, chercheuse au CNRS, présentait sa dernière étude sur l’évolution des difficultés des associations : « Beaucoup d’entre elles dépendent de financements publics. Il y a un impact important de la nature des ressources sur le ressenti des difficultés. »

Dans un volet consacré aux ressources des associations de 2005 à 2017, l’étude résume : « La comparaison dans le temps de la structure des financements montre une privatisation croissante et rapide des financements qui va de pair avec un amoindrissement notable du poids des financements publics dans les budgets associatifs. » Les financements publics – commandes et subventions – sont bien en baisse : alors que les subventions constituaient 34 % des ressources associatives en 2005, elles n’en représentaient plus que 20 % en 2017. Les financements privés – dons et mécénat, participation des usagers, cotisations – sont dans le même temps devenus majoritaires dans les budgets associatifs, à hauteur de 56 % en 2017.

Face à cet assèchement des ressources, comment se maintenir ? Pour les nombreux cabinets de conseil (Fideliance, Hexagone…), banques (BNP Paribas, Caisse d’épargne, Crédit mutuel…), organismes de dons et fondations présentes au Forum, cette situation est une aubaine. Dans le dossier collectif « Quand les associations remplacent l’Etat ? » paru en 2018 dans la Revue française d’administration publique, les auteurs s’interrogent sur ce « brouillage avec le secteur privé lucratif ». Comme pour le projet « Big Society » de David Cameron au Royaume-Uni étudié par les chercheurs, ce brouillage peut « amplifier le processus de privatisation et de marchandisation du social ». Du côté des dirigeants associatifs, la recherche de financements privés n’est pourtant pas toujours vue d’un mauvais œil. « L’hybridation des ressources est pour nous une manière de gagner en indépendance par rapport à nos partenaires », soutient la directrice de l’économie sociale et solidaire de l’Association de la fondation étudiante pour la ville (Afev), en charge d’un projet de création d’une entreprise sociale soutenu par France Active.

Mutualisation et terrain concurrentiel

La pression pour changer de modèle est d’autant plus prégnante qu’un autre problème subsiste, en tête du classement des difficultés rencontrées par les associations sans salarié, d’après l’étude de Viviane Tchernonog, celle « à renouveler les structures dirigeantes ». Aux yeux des cabinets d’audit, une issue se fait valoir : le regroupement des structures associatives. « Nous sommes à peine au balbutiement des fusions entre associations. Dans le futur, on va mutualiser, car on est face à cette difficulté de trouver des dirigeants, et à une baisse des financements publics qui ne va pas s’arrêter là », croit Jean-Pierre Vercamer, responsable audit secteur associatif au cabinet de conseil Deloitte, également commissaire aux comptes depuis une trentaine d’années. « On a déjà des fondations abritantes et des fondations abritées… Il ne faut pas avoir peur d’avoir aussi des associations abritantes et des associations abritées ! On prend un thème, par exemple “l’enfance”, pour l’association abritante ; et cela se décline avec toutes les associations abritées », précise l’expert-comptable.

L’urgence se fait sentir avec le déploiement de l’économie sociale et solidaire (ESS), au sein de laquelle les associations sont de plus en plus mises en concurrence avec les mutuelles, coopératives et entreprises. La loi « Pacte » (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), inspirée par la mission « Entreprise et intérêt général » et votée en première lecture à l’Assemblée nationale, met l’accent sur les impacts sociaux de l’entreprise. Au cœur des enjeux : l’agrément « utilité sociale », défini dans la loi « économie sociale et solidaire » de 2014. Il labellise les structures ayant un but autre que le seul partage des bénéfices, placées sous une « gouvernance démocratique », luttant contre l’exclusion, pour les personnes en situation de fragilité, pour le développement durable… Un biais facile à exploiter pour des entreprises commerciales ? « On voit se développer de plus en plus, sur les territoires, des concurrents : les entreprises commerciales qui obtiennent l’agrément. Il y a un élargissement du champ des entreprises agissantes dans l’ESS », constate Renaud Botron, délégué départemental à la vie associative dans les Deux-Sèvres.

Contre le « social washing », les mesures d’impact ?

Coline Siguier, conseillère technique vie associative et ESS à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), abonde : « De plus en plus d’entreprises lucratives s’inscrivent dans l’ESS, il faut faire attention. » Et de citer en exemple une « publicité Danone, qui assure que l’entreprise fait dans le social, s’occupe des pauvres… ça donne presque envie de travailler chez eux ! », sourit-elle. « Il y a la pression ambiante du “social washing”, avec des entreprises qui usent du marketing et viennent concurrencer le secteur associatif », développe Renaud Botron. « S’emparer de la notion d’utilité sociale et des mesures d’impact social est une façon pour les associations de rattraper cela. »

De plus en plus imposées aux associations par leurs financeurs, les mesures d’impact social font pourtant grincer des dents. « Les associations vont être de plus en plus obligées de remplir à la fin de l’année des bilans d’impact social… », soupire Paul Bucau, chargé d’animation de réseau et de formation au Réseau national des maisons des associations (RNMA). « Qui désigne les critères des mesures d’impact ? De grands cabinets de conseil, des think tanks… Nous, acteurs associatifs, devons avoir notre part dans ce débat-là, pour ne pas le subir ! » Les critères d’évaluation, façon de rendre des comptes aux financeurs, manqueraient d’adéquation avec les valeurs associatives. « Les mesures d’impact placent le focus sur les entreprises et start-up sociales, qui partagent des valeurs de performance. Les associations sont mises en mode silencieux alors qu’elles représentent 4 % du PIB », regrette le responsable au sein du RNMA. Son équipe est en train de travailler sur « une évaluation centrée non pas sur ce qu’on va produire à la fin, mais sur les méthodes de travail, comment elles peuvent amener de nouvelles idées… En résumé : être financé avant tout pour ce que l’on est, pas pour ce que l’on fait. »

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