Les pouvoirs publics mettent en avant l’emploi accompagné comme une sorte de substitut, alors que nous considérons qu’il est un complément de l’emploi protégé. Depuis quatre ans, aucune place en Esat n’a été créée et il n’y a aucune analyse ni quantitative, ni qualitative des besoins sur les territoires. Les Esat ont disparu des discours officiels comme sur une photo de laquelle on veut faire disparaître un personnage. Or les Esat sont des structures qui ont toujours fait preuve de souplesse, qui se sont adaptées. Beaucoup d’observateurs européens trouvent que la France a un dispositif remarquable mais en France le discours est dépréciateur.
Nous sommes tous pour l’inclusion. Mais il faut donner du contenu au concept et à la pratique de l’inclusion. Les pouvoirs publics ont une conception pauvre de l’inclusion qui risque de se retourner contre les bénéficiaires. L’inclusion doit être adaptée aux personnes. Elle doit être mobile, dynamique, accompagnée de droits (droit à l’éducation, à l’emploi…). J’entends derrière ce discours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et du secrétariat d’Etat aux personnes handicapées, une très grande hostilité à l’égard des structures et des services spécialisés. Il y a un discours très anti-structures spécialisées alors qu’elles participent à l’inclusion, elles concourent à la prise en charge, à l’accompagnement de qualité.
Ce discours est très aveugle, très unilatéral, très en dehors des réalités familiales, des réalités des enfants et adultes handicapés, des réalités des droits. Si on renonce aux services et aux structures spécialisés, c’est tout le principe de la compensation de la loi de 2005 qui s’effondre. On revient à une pseudo-inclusion, à l’abandon social, à des situations qui remontent à des décennies en arrière. C’est profondément irresponsable. C’est une politique qui va dans le mur et qui sera très préjudiciable aux personnes handicapées. On ne remarque pas un esprit de dialogue et de prise en compte des réalités de la part du gouvernement.
Comment les pouvoirs publics peuvent-ils penser que les 120 000 travailleurs handicapés accompagnés en Esat, dont 93 % d’entre eux sont des handicapés mentaux ou psychiques, vont être recrutés par les entreprises au nom de l’emploi accompagné ? Cela ne pourra concerner comme en Allemagne que quelques milliers d’entre eux. Une étude de l’OCDE montre que lorsqu’il n’y a pas de structures de travail protégé, la très grande majorité des personnes handicapées mentales ou psychiques sont au chômage. La Suède, le Danemark, les Pays-Bas ou l’Allemagne ont un nombre d’emplois protégés très supérieur à celui de la France. En Angleterre, on a supprimé des milliers de postes d’emploi protégé au nom de l’inclusion. Ces personnes handicapées n’ont pas été recrutées en milieu ordinaire et sont restées sans emploi. La France est en train de marcher dans les pas de l’Angleterre alors que celle-ci connaît un échec général sur les réponses au handicap. Ce qui est dommage car en France nous avons un dispositif de réponses de l’enfance à l’âge adulte qui est l’un des meilleurs d’Europe.
Educateur, docteur en psychologie, chargé d’enseignement à l’Ecole nationale de la santé publique, Gérard Zribi est président fondateur de l’Association nationale des directeurs et cadres d’Esat (Andicat), et directeur général d’une association gestionnaire d’établissements et de services spécialisés.