En matière d’éducation prioritaire, les résultats sont éloignés des objectifs. C’est ce que constate la Cour des comptes dans un rapport rendu public le 17 octobre dernier. « Politique indispensable pour améliorer l’équité et l’efficacité du système scolaire français », l’éducation prioritaire pâtit pourtant « d’une trop faible mobilisation et intensité » et « d’un défaut de ciblage », relèvent les magistrats.
« Contribuer à corriger [l’]inégalité [sociale] par le renforcement sélectif de l’action éducative dans les zones et dans les milieux sociaux où le taux d’échec scolaire est le plus élevé » constituait tout l’objectif de l’éducation prioritaire lancée en 1981, envisagée à l’origine « comme un dispositif non pérenne ». Pour cela, le législateur a privilégié « une vision territorialisée pour tenter de remédier à la concentration des difficultés », précise la Cour des comptes. En d’autres termes, il s’agit ici d’une « discrimination positive » totalement assumée à l’égard des territoires qui ont le plus besoin des ressources de l’Etat.
Mais pour analyser le dispositif, les magistrats n’ont pas pu se baser sur des chiffres solides car le dispositif d’évaluation est « incomplet et peu mobilisé ». Les indicateurs de performance sont en outre « très incomplets », une pique sans retenue à destination du ministère de l’Education nationale. Sans pilotage au niveau de l’Etat, les académies ont dû mettre en place leurs propres méthodes. Résultat, un « ensemble disparate et non coordonné de modalités d’évaluation et de suivi ». « Tout effort pour dresser le bilan de l’éducation prioritaire se heurte à la difficulté du manque de connaissances sur le passé scolaire des élèves ou sur des facteurs extra-scolaires », note encore la cour. Cependant, les magistrats arrivent toute de même à un bilan : « Les performances scolaires moyennes des élèves ne sont pas améliorées grâce à la labellisation [de l’éducation prioritaire]. »
Plusieurs causes expliquent ce manque de résultat. D’abord, les établissements de l’éducation prioritaire « restent confrontés au manque de mixité sociale ». Un biais paradoxal étant donné que l’éducation prioritaire a justement pour objectif d’éviter les effets de la concentration des difficultés. Facteur « aggravant » : « La labellisation peut susciter des comportements d’évitement de la part des familles ou des enseignants », relève la cour. Par ailleurs, « le levier que constitue la réduction de la taille des classes n’a pas été suffisamment utilisé », bien qu’il s’agisse d’un « levier dont l’efficacité est démontrée ». La Cour des comptes dénonce en outre le mode d’affectation des enseignants qu’elle qualifie de « frein systémique ».
Pour pallier tous ces défauts, les magistrats formulent 17 recommandations qui s’appuient sur deux piliers. D’abord, l’Etat devrait différencier plus nettement l’organisation de l’éducation prioritaire « avec des marges de manœuvre accrues en termes d’organisation et d’affectation des moyens ». La cour appelle également les pouvoirs publics à « intensifier les actions ayant un effet avéré sur la réduction des écarts de niveau scolaire », comme le dédoublement des classes et la scolarisation des plus jeunes.