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L’Ehpad en quête d’un nouveau modèle

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Réinventer l’Ehpad… Plus qu’une ambition, c’est une nécessité stratégique et économique pour le secteur du grand âge, qui doit s’adapter à l’évolution des besoins et des attentes des résidents. Sur les territoires, les expérimentations d’Ehpad « hors les murs » se multiplient, faisant évoluer le modèle de l’établissement vers celui de la plateforme d’expertise gérontologique.

QUELLE SERA L’OFFRE DE DEMAIN POUR LES PERSONNES ÂGÉES en perte d’autonomie ? Dans le cadre de l’actuelle concertation nationale « Grand âge et autonomie », l’atelier n° 8 doit phosphorer sur ce sujet. Ces travaux ont notamment pour mission de proposer « des scénarios d’évolution » de l’offre en établissement comme à domicile, d’identifier « les freins à la diversification de l’offre d’hébergement et de prise en charge » et d’explorer « les voies d’une meilleure intégration des services aux personnes âgées, sur le modèle de plateformes, et sur la pertinence du modèle de l’Ehpad [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] pour porter cette évolution ». A plusieurs reprises, ces derniers mois, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a exprimé sa volonté de définir « des modèles beaucoup plus évolutifs, plus agiles, plus souples », « des modèles alternatifs, progressifs, dans lesquels l’Ehpad pourrait être parfois une plateforme d’appui pour des services multiples ».

Missionnés en octobre 2017 par la ministre, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) et le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) sont chargés de réaliser une évaluation prospective, à l’horizon 2033, des besoins en termes quantitatifs et qualitatifs de prise en charge médico-sociale et sanitaire des personnes âgées, de réfléchir aux formes innovantes de maintien à domicile relevant du secteur social ou médico-social (résidences-autonomie ou non, résidences services) et au développement des formes émergentes d’habitat (Ehpad hors les murs, habitat inclusif/alternatif). Ces travaux – dont les conclusions, prévues à l’origine pour juillet 2018, ne devraient pas tarder – viendront nourrir la réflexion prospective sur l’évolution du modèle de l’Ehpad.

Lieux de ressources

Une réflexion qui ne démarre toutefois pas d’une feuille blanche. Ehpad « hors les murs », « à domicile », « plateforme de services », « centre ressources » : depuis 2010, plusieurs expérimentations ont été menées sous différentes formes, au plan national, pour réinventer le modèle de l’établissement.

Si les appellations changent, la philosophie des projets reste la même. A savoir : faire évoluer les établissements actuels vers des Ehpad ouverts sur leur environnement (notamment en direction du champ du domicile) et fonctionnant dans une logique de plateformes multiservices sur leurs territoires. Véritable lieu de ressources et d’expertise en gérontologie, ce modèle de l’Ehpad « hors les murs » jouera un rôle renforcé pour, notamment, faciliter le maintien à domicile, éviter les ruptures dans la prise en charge et contribuer au soutien aux proches aidants.

Sur certains territoires, les autorités de tutelle – conseils départementaux et agences régionales de santé (ARS) – se sont déjà engagées sur cette voie, avec des initiatives originales. Parmi les précurseurs, on peut citer le conseil départemental de l’Oise, dès 2012.

Dans la continuité des appels à projets « Ehpad centre ressources » en Limousin en 2012 et en Aquitaine en 2013 et 2014, qui ont eu des « résultats positifs », l’ARS Nouvelle Aquitaine a lancé en 2017 un appel à candidatures pour accompagner 24 projets, avec une enveloppe de 2,4 millions d’euros sur trois ans. Objectif : « Faire émerger, à partir des Ehpad, des initiatives novatrices apportant une évolution de leurs prestations, par des actions à visée préventive et/ou thérapeutique, et en développant des approches en termes d’efficience et de pertinence du système de santé, en lien avec les acteurs de santé du territoire (ambulatoires, sanitaires et libéraux) », détaille l’agence sur son site Internet. Plus récemment, dans le cadre de son plan d’accompagnement à la transformation des Ehpad, lancé en juillet dernier, l’ARS Pays de la Loire entend mener « une réflexion régionale sur l’Ehpad de demain et les plateformes ressources gérontologiques » avec la constitution d’une boîte à outils pour les promoteurs et la définition d’une stratégie régionale d’expérimentation. « La multiplicité des défis auxquels vont être confrontés les Ehpad dans les années à venir (transition démographique, évolution du public et de ses aspirations, défi financier) implique de repenser le modèle d’Ehpad de demain, en renforçant son ancrage sur les territoires, en l’ouvrant vers le domicile et en accompagnant le changement par une politique d’accompagnement innovante des ressources humaines en Ehpad », argumente l’ARS.

A son tour, l’agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) a lancé, en juillet dernier, un appel à candidatures (clôturé le 5 octobre) pour expérimenter l’Ehpad « hors les murs ». « Les fragilités repérées dans la prise en charge de nuit à domicile, le manque de coordination des acteurs ainsi que l’épuisement et la fragilité des aidants – qui, dans 57 % des cas, sont âgés entre 60 et 79 ans – nécessitent la mise en place de nouvelles réponses telles que l’Ehpad “hors les murs” », a estimé l’ARS lors d’une conférence de presse, le 9 octobre dernier, présentant les principaux axes de son projet régional de santé 2018-2023. Cette future expérimentation de l’Ehpad « hors les murs » s’inscrit « dans le cadre du passage d’une logique de “structure” à une logique de “prestations” ». L’agence régionale aspire à positionner l’Ehpad « en tant que pivot » afin d’organiser la prise en charge des personnes âgées dépendantes souhaitant rester à domicile, et donc « de fluidifier leur parcours de soin et de prise en charge, notamment par le biais d’une externalisation de certaines prestations », explique l’organisme dans son cahier des charges de l’appel à candidatures.

Quelques opérateurs privés associatifs (l’association COS, Arpavie, la Mutualité française) et privés commerciaux (LNA Santé) se sont également engagés dans des expérimentations de ce dispositif de l’Ehpad « hors les murs ». Dans sa plateforme politique 2017-2022 intitulée « Quelle politique pour le grand âge en France ? », le Synerpa considère que « les professionnels et pouvoirs publics ont aujourd’hui tous les outils règlementaires pour créer, non plus l’Ehpad des années 2000, mais plutôt de véritables plateformes gérontologiques de ressources alliant Ehpad, accueil temporaire, de jour, de nuit, de week-end, accueil spécialisé, services d’aide, d’assistance et de soins à domicile, mais aussi services de télémédecine, d’hospitalisation à domicile [HAD], de soins de suite et de réadaptation [SSR], maisons de santé… »

A Bordeaux, dès 2010, l’association COS avait expérimenté l’Ehpad « dans et hors les murs » Villa Pia, projet intégré ensuite dans le cadre de l’expérimentation de parcours de santé pour les personnes âgées en risque de perte d’autonomie (Paerpa). Ce dispositif a été également mis en place au sein de l’Ehpad COS La Source, qui a ouvert ses portes en mars 2017 à Viroflay (Yvelines).

Le dispositif Ehpad « centre ressources » imaginé par LNA Santé (ex-Le Noble Age) visait à développer des interactions entre l’Ehpad et son territoire, dans le cadre d’une stratégie globale de santé coordonnée et d’une complémentarité des expertises en lien avec les autres acteurs du territoire : centre hospitalier, Hospitalisation à domicile, Ssiad, centre local d’information et de coordination, maison pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer, réseaux de santé, etc.). Aujourd’hui, LNA Santé poursuit sa réflexion sur son modèle d’Ehpad « hors les murs », en prenant notamment en considération le plan « Ma santé 2022 », présenté en septembre dernier. De son côté, en partenariat avec la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) Alsace-Moselle, le Groupe SOS expérimente, depuis 2016, son propre dispositif pour coordonner des services à domicile depuis ses Ehpad avec le projet « Seniors Connect+ ». Le principe est celui d’une plateforme qui propose « un accompagnement personnalisé de proximité » aux personnes âgées vivant à domicile.

Modalités de financement

Dans leur rapport, rendu en mars dernier, sur la mission d’information sur les Ehpad, Monique Iborra, députée (LREM) de la Haute-Garonne, et Caroline Fiat, députée (La France insoumise) de Meurthe-et-Moselle, recommandaient d’étendre les expérimentations d’Ehpad « hors les murs » en identifiant à cette fin un soutien financier dédié dans le budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). « Nous travaillons à l’élaboration d’un référentiel pour un Ehpad “hors les murs”, mais aussi sur l’habitat inclusif », avait indiqué Anne Burstin, directrice de la CNSA, lors d’une audition en mars devant la commission des affaires sociales du Sénat.

Mais si ce type d’Ehpad, encore au stade de l’expérimentation, fait déjà des émules, se pose toutefois la question des modalités de financement de ce modèle. « Aujourd’hui, il y a un gros problème de financement en Ehpad, mais si, demain, on veut aller vers l’Ehpad “hors les murs” et garder à domicile le plus longtemps possible des personnes en perte d’autonomie assez avancée, cela ne coûtera pas nécessairement moins cher qu’en Ehpad classique, contrairement aux idées reçues », a souligné Albert Lautman, directeur général de la Mutualité française, lors d’un colloque organisé à Paris, en septembre, par le think tank « Matières grises »

Une évolution de la règlementation actuelle serait également nécessaire pour inscrire dans un cadre légal les interventions « hors les murs » des personnels en Ehpad. Enfin, comme le souligne Bernard Bonne, sénateur (LR) de la Loire dans son rapport « Ehpad : quels remèdes ? », afin d’inciter un même gestionnaire d’établissement à développer plusieurs activités correspondant à plusieurs degrés de prise en charge et d’engager le secteur sur la voie des plateformes de services, il serait nécessaire de permettre, au sein d’un même contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), une fongibilité par nature des budgets abondés par les différentes structures signataires. Plusieurs verrous restent donc à faire sauter pour plus de souplesse et contribuer à l’émergence de ce nouveau modèle d’Ehpad très attendu.

Les atouts d’un leadership

« A plus d’un titre, l’Ehpad paraît avoir le potentiel pour être le pôle central du parcours de soins des personnes âgées, quels que soient leurs lieux de vie, degrés de dépendance et situations familiales. » Dans son étude « Ehpad : vers de nouveaux modèles ? « publiée en ligne en décembre 2015, le cabinet d’audit KPMG liste les « atouts déterminants » de ces structures : une densité géographique qui permet un bon maillage du territoire et une grande proximité des lieux de vie des personnes âgées ; des ressources humaines et des compétences médicales, paramédicales et médico-sociales pour mettre en œuvre un panel de services en interne et en externe, des services en présentiels et à distance ; des capacités logistiques et administratives (espaces d’activités et de formation, services accueil-information et de gestion des demandes, organisation et suivi des services, des prestations, des plannings d’interventions, facturation, contrats, comptabilité, qualité, appui à l’animation-communication, etc.) ; une habitude du travail en réseau avec les autres services sur le territoire (urgence, hôpital, services de soins et d’aide à domicile, etc.).

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