PRÈS DE TROIS ANS APRÈS LA PROMULGATION DE LA LOI « ASV », et alors que le cahier des charges de l’autorisation a, lui, été publié dans la foulée le 24 avril 2016, celui de l’agrément des services à la personne a pris plus de temps. Certains interprètent d’ailleurs ce retard par des difficultés d’arbitrage entre la direction générale de la cohésion sociale et la direction générale des entreprises. Pourtant, il était nécessaire car la loi d’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 a opéré une modification dans les activités des services à la personne. Si auparavant, les structures en prestation de services auprès des publics fragiles (personnes âgées, handicapées) avaient un droit d’option entre deux régimes juridiques – l’agrément qui relève du droit du travail ou l’autorisation qui relève du code de l’action sociale et des familles –, depuis cette loi, toutes les activités auprès des publics fragiles ne relèvent plus de l’agrément d’où la nécessité de la refonte du cahier des charges.
Avec ce nouveau cahier des charges pour l’agrément, qui abroge le précédent datant du 26 décembre 2011, le champ d’application s’élargit sur la garde d’enfants en situation de handicap jusqu’à l’âge de 18 ans. Cette nouveauté constitue une petite révolution pour certains comme l’explique Jérôme Perrin, responsable « aide et accompagnement » à Adessadomicile : « C’est un garde-fou pour les structures qui se lançaient dans la garde d’enfants en situation de handicap en ayant aucune contrainte. Elles avaient pour seule obligation de faire une déclaration auprès de la Direccte [direction régionale des sntreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi]. » Effectivement, elles devront à présent se plier aux exigences du cahier des charges pour obtenir l’agrément des services à la personne. Et si ces exigences suffisent pour Jérôme Perrin, ce n’est pas le cas pour Régis Granet. Selon le directeur juridique de la Fédération française des services à la personne et de proximité (Fedesap), cette extension du périmètre d’activité vers la garde d’enfants en situation de handicap de moins de 18 ans pose problème car les exigences du cahier des charges en termes de formation ne sont pas suffisantes : « Désormais, nous n’intervenons plus auprès des publics vulnérables et fragiles dans le cadre de l’agrément, si ce n’est en qualité de mandataire, ce qui explique que les obligations de formation, d’encadrement et de mode organisationnel soient moins exigeantes, et cela se comprend, sauf que de la garde d’enfants concernant des adolescents handicapés va pouvoir se faire aujourd’hui sous ce libellé. On se pose donc la question de savoir quels sont les limites et le périmètre de la garde d’enfants pour ce public. »
Ce cahier des charges instaure donc des obligations moins exigeantes en termes d’organisation, d’administration et également de formation. Sur ce dernier point, la majorité des fédérations sont troublées par les modifications qui y sont apportées. Ainsi au niveau des encadrants, soit ces derniers sont diplômés (niveau 4), soit ils ont une expérience professionnelle dans le secteur d’un an, alors que dans l’ancien cahier des charges l’expérience professionnelle requise était de trois ans. Un décalage qui interpelle notamment Régis Granet : « On peut légitimement penser que si on exigeait une expérience de trois ans et que maintenant elle est abaissée à un an, cela signifie que l’on demande moins de compétences. Sur ce point, il y a néanmoins une incohérence car si les exigences en termes d’expérience sont à la baisse, le diplôme (niveau 4) demandé reste le même, ce n’est pas logique. »
La formation pour la garde d’enfants ne fait pas exception et l’une des nouvelles exigences choque le secteur, il s’agit d’une des conditions alternatives au diplôme ou à l’expérience professionnelle : la seule présentation à l’examen d’un à deux modules du diplôme « accompagnant éducatif petite enfance » ou du CAP « petite enfance » suffit, la réussite à ces épreuves n’est pas évoquée, ce qui peut laisser perplexe. Outre cette alternative, une autre interpelle Jérôme Perrin, celle qui indique « soit attester dans le délai d’un mois après la prise de fonction du suivi d’un cursus d’adaptation à l’emploi dans le domaine de la petite enfance ». Le responsable d’Adessadomicile questionne : « Qui paye ? Est-ce le salarié ? Il aurait été plus simple de justifier dès le départ de personnes diplômées de la petite enfance que de recruter quelqu’un pour l’envoyer en formation dans le mois qui suit. Si vous embauchez, c’est que vous avez un besoin immédiat, ce n’est pas réaliste. »
Le cahier des charges prévoit également pour la garde d’enfants en situation de handicap de moins de 18 ans que les intervenants justifient « d’une sensibilisation et d’une connaissance des grandes familles de handicap ». Ce dernier point interpelle notamment Jérôme Perrin : « C’est bien de mettre la garde d’enfants en situation de handicap dans le cahier des charges, mais derrière il faut pouvoir justifier de professionnels qui soient formés et accompagnés. Je trouve cette sensibilisation très légère. »
Par ailleurs l’une des autres surprises de ce cahier des charges réside dans le fait que la possibilité de formation en alternance sur les métiers de la prestation à domicile n’apparaît plus, un silence sur le sujet qui inquiète. « Techniquement, nous pouvons estimer que nous ne pouvons plus recruter de salariés en alternance sur ces postes, alors que c’est la valeur ajoutée de notre secteur. Nous recrutons ainsi des personnes sans diplôme pour les former à un métier et les diplômer », regrette le directeur juridique de la Fedesap.
Pour certains, cette baisse des exigences en termes de formation ne sert pas le secteur des services à la personne : « Si on fait un beau cahier des charges, avec un tas de points dans lesquels il faut informer le bénéficiaire – par exemple, dès qu’on a un devis de 100 € on doit informer des statuts, des coordonnées de l’association, des prestations, de la période d’intervention –, il ne faut pas négliger la formation et la qualification des personnels d’intervention car c’est là que se joue la qualité du service. » Et de préciser : « Au-delà de la qualité du service administratif que l’on peut apporter, et qui me semble logique et pertinent, à un moment donné, il faut mettre en face des obligations pour avoir du personnel qui soit formé et qualifié. Il n’y a aucune obligation en ce sens dans le cahier des charges. D’une certaine façon, on dévalorise les personnes qui interviennent à domicile », commente Jérôme Perrin. Une analyse que ne partage pas Vincent Vincentelli, responsable de la réglementation sectorielle à l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA) qui se veut pragmatique sur le sujet : « On est sur un système de qualification minimum. A mon sens, il revient à la responsabilité de chaque service de prendre acte de ce minimum pour les situations les plus simples de garde et d’accompagnement. Il leur revient d’aller bien au-delà de ce cahier des charges pour tenir compte de la spécificité des publics auprès desquels ils interviennent. »
Dans son ensemble, ce cahier des charges de l’agrément, le troisième du nom après ceux de 2007 et 2011, est dans la continuité des anciens. Un constat qui peut laisser certains acteurs du secteur un peu sur leur faim. C’est le cas notamment de Vincent Vincentelli, qui regrette que le point 62 n’ait pas été revu. Cet article stipule que « le mandataire ou le référent qu’il désigne assure le conseil et l’accompagnement des intervenants » et ce, alors que le service mandataire a pour fonction le placement du personnel pour le compte du particulier employeur, les démarches administratives et le conseil à la fonction d’employeur. Le responsable de la réglementation sectorielle à l’UNA s’interroge : « En tant que mandataire, notre unique interlocuteur est le particulier employeur. Nous devons l’accompagner, l’informer des risques, des bonnes pratiques en matière de gestion de ses salariés et du droit du travail, nous devons lui permettre d’être soulagé en matière de gestion administrative et non agir directement auprès de l’intervenant. Je pose donc la question de savoir de quel droit, sauf à risquer la requalification, un service mandataire peut assurer un conseil auprès des intervenants. » La nouvelle édition du cahier des charges n’a pas apporté plus de précision.
A contrario, d’autres points sur le mode mandataire ont été complétés pour sécuriser la personne et pour diminuer les situations à risque. Il est ainsi indiqué que « le mandataire vérifie que l’intervention sur ce mode est adaptée à la réalité de la situation de la personne et que son état lui permet d’assurer les responsabilités inhérentes à son statut d’employeur ». Concrètement, cela signifie que toutes les personnes désorientées ne peuvent pas faire appel à un mandataire, ce qui constitue une réelle avancée selon Régis Granet.
Dans tous les cas, les acteurs du secteur s’accordent à dire que ce document, qui comptabilise 90 points, est globalement positif même s’il n’est pas dénué de confusion et d’imprécision dans ses modifications. Des erreurs qui auraient certainement pu être évitées si des concertations avec les professionnels avaient eu lieu avant la rédaction finale et la publication au Journal officiel. Un cahier des charges qui fait donc à présent foi pour obtenir l’agrément des services à la personne.
• Le nouveau cahier des charges abroge le précédent datant du 26 décembre 2011.
• Il élargit le champ d’application à la garde d’enfants en situation de handicap jusqu’à l’âge de 18 ans.
• Des exigences de formations revues à la baisse.
• Des professionnels qui regrettent le manque de concertation avant la rédaction finale du texte.
• Les structures exerçant des activités de garde d’enfant de moins de 3 ans, en mode prestataire ou mandataire.
• Les structures exerçant des activités de garde et d’accompagnement d’enfants en situation de handicap de moins de 18 ans.
• Les structures exerçant, en mode mandataire ou en prestataire par la mise à disposition, toutes les activités d’assistance dans les actes de la vie quotidienne ou l’aide à l’insertion sociale aux personnes âgées et aux personnes handicapées ou atteintes de pathologies chroniques.