AU BOUT D’UN COULOIR DU CENTRE DE FORMATION ASKORIA, à Rennes, une exposition photographique présente Balbutio, nouvelle création de la compagnie ZigZag : du théâtre d’improvisation pour personnes en situation de handicap. « Il n’y a pas de répétition : c’est brut de décoffrage, brut d’impro », sourit Gilles Legoff, éducateur et photographe pour la compagnie. « Les personnes s’emparent de l’espace, des objets qui s’y trouvent. Elles sont sur scène ce qu’elles sont dans la vie. » Pas de cadre contraignant : les comédiens sont simplement soutenus dans leur jeu par un pianiste professionnel et des « accompagn’acteurs ». Sur les photographies, les bras sont ouverts, les bouches poussent des cris, les visages sont capturés en noir et blanc, ou pétillent dans des rais de couleurs.
Au Salon des expérimentations et innovations solidaires, plusieurs projets artistiques novateurs sont mis en lumière. Sur une vidéo projetée dans un amphithéâtre, des enfants dialoguent en agitant les têtes de grandes marionnettes. Le conseil départemental d’Ille-et-Vilaine présente son dernier projet artistique dédié à la protection de l’enfance. Le spectacle « Ma place à table », mis en place par la compagnie des Frères Pablof, s’adresse aux enfants d’assistants familiaux. Après avoir dressé un plan de table, les deux artistes ont demandé aux enfants de s’asseoir « à leur place » comme dans leur famille d’accueil, avant de leur faire s’approprier des marionnettes. Une manière « un peu décalée de les faire s’exprimer. Les enfants parlent au travers des personnages, dans les mots des auteurs », assurent les membres du conseil départemental. En amont, il y a bien eu la nécessité de « définir des objectifs clairs et communs entre le département, la protection de l’enfance, et les équipes artistiques », soulève Camille Le Jeannou, chargée de mission au service culturel du département.
L’association Tout Atout, habituée à superviser des travaux artistiques avec des jeunes, reconnaît que même chez « ceux qui n’ont pas forcément d’appétence artistique, les artistes que l’on fait intervenir les guident et déclenchent des choses périphériques… C’est cela qui va intéresser les travailleurs sociaux. » Une fresque murale le long des rails. Des lanternes pour une place publique en cours d’aménagement par la ville de Rennes. Un journal trimestriel. Pour tous ces ateliers, un seul mot d’ordre : le public doit être mixte, composé de jeunes simplement intéressés, et de jeunes en rupture familiale, en situation de handicap, ou toxicomanes. « On ne se substitue pas à l’action sociale », insiste Jérôme Thiébaut, coordinateur, « mais le contact est permanent avec les travailleurs sociaux, et les projets créent des vocations ». La curiosité artistique peut ainsi accélérer une dynamique d’insertion ou, au moins, aider à « la reprise de confiance » quand arrive « le temps de la valorisation » du travail achevé.