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La complémentaire santé en entreprise

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DEPUIS JANVIER 2016, l’employeur doit faire bénéficier tous ses salariés d’une couverture complémentaire santé. Dans quelles conditions doit-elle être mise en œuvre ? Quelles obligations s’imposent à lui ? Quelles garanties, quel organisme choisir ? Présentation de la mise en place de la complémentaire santé en entreprise.

Depuis le 1er janvier 2016, tout employeur est tenu de mettre en place une couverture complémentaire des frais de santé, improprement dénommée « mutuelle », visant à compléter les prestations servies par le régime de base obligatoire de la sécurité sociale (loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, art. 1, J.O. du 16-06-13, texte n° 1). De nombreuses structures l’avaient déjà fait antérieurement, sous la pression de leur convention collective de branche, ou par simple volonté de développer une politique sociale attractive. A contrario, cette obligation ne concerne pas les particuliers employeurs.

L’objectif est louable et la pertinence économique indéniable, tant les contrats collectifs présentent, pris dans leur globalité, un coût moindre que les couvertures individuelles. Mais l’opération est juridiquement technique et remplie de difficultés pour l’employeur, dans la mesure où il est la pierre angulaire entre le salarié et l’organisme assureur.

Si l’employeur ne respecte pas ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles en matière de complémentaire santé, il est susceptible d’engager sa responsabilité dans le cadre d’un litige devant le conseil de prud’hommes (CPH). En cas de contrôle Urssaf, un redressement de cotisations est également encouru si le caractère collectif et obligatoire du régime n’est pas respecté. L’employeur est seul, autrement dit sans l’organisme assureur, face à ces risques. Il doit donc faire preuve de la plus grande vigilance dans la sécurisation de ses pratiques en la matière, tant lors de la mise en place de la complémentaire santé que dans la gestion de celle-ci (ce point sera développé dans notre prochaine numéro).

Ce premier dossier a donc pour objet de présenter les différentes démarches à accomplir en vue d’une mise en place régulière et sécurisée du régime, tout en ne négligeant pas les structures déjà employeur au 1er janvier 2016. Dans cette dernière hypothèse, il s’agit de penser à un audit de l’existant et de se poser notamment les questions suivantes : ai-je un acte fondateur sécurisé ? Correspond-il à mon contrat d’assurance ? L’organisme assureur choisi a-t-il vocation à évoluer ? L’information des salariés a-t-elle été bien réalisée ?

Pour tous, le suivi constant du régime mis en place est impératif afin de s’assurer de sa conformité aux règles d’exonérations sociales et de la minimalisation du risque prud’homal. Les échanges avec l’organisme assureur, au moins annuels, par exemple, à l’occasion de l’actualisation de la tarification ou des garanties, sont également un moment privilégié pour l’analyse des pratiques.

Justement, en pratique, la mise en place de la complémentaire santé d’entreprise ne s’effectue pas nécessairement dans l’ordre prévu par le législateur, et peu importe, à condition qu’in fine l’ensemble soit sécurisé. C’est ainsi l’ordre pratique, plus opérationnel, qui sera logiquement suivi : définir les bénéficiaires du régime mis en place, puis les garanties applicables au salarié, choisir l’organisme assureur, définir les modalités de financement du contrat, rédiger l’acte fondateur des garanties et informer les salariés.

I. Les bénéficiaires

A. La couverture de tous les salariés

Que la convention collective de branche instaure ou non une couverture des frais de santé obligatoire, qu’elle ne la prévoit que pour une catégorie de salariés, ou encore que l’entreprise ne relève d’aucune convention collective, tous les salariés doivent être couverts par des garanties complémentaires de frais de santé (code de la sécurité sociale [CSS], art. L. 911-7).

1. Une couverture sans condition d’ancienneté

Depuis la généralisation de la complémentaire santé dans l’ensemble des entreprises en 2016, tous les salariés de droit privé doivent être couverts. De ce fait, il n’est plus possible de prévoir une clause d’ancienneté de 3 ou 6 mois. Tout salarié qui se verrait exclu de la couverture au motif d’une ancienneté insuffisante serait ainsi fondé à engager la responsabilité de son employeur et à solliciter directement auprès de lui le remboursement des frais de santé engagés.

A titre d’exemple, afin de se mettre en conformité, les partenaires sociaux de la convention collective de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 (CCN 66) ont ainsi supprimé l’exigence d’une ancienneté de 3 mois antérieurement instaurée (avenant n° 328 du 1er septembre 2014, art. 3.1. ; avenant n° 338 du 3 juin 2016, art. 1er). Mais, à l’inverse, les signataires de la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif (CCN 51) du 31 octobre 1951 ont conservé une clause d’ancienneté de 3 mois, contraire à la généralisation imposée par le législateur, et donc inapplicable (avenant n° 2015-01 du 27 janvier 2015 relatif à la généralisation de la couverture des frais de santé [création d’un titre XIII bis à la convention collective], art. 2.1.).

2. Une couverture différenciable

Au sein de la collectivité des salariés, des couvertures différenciées peuvent être instaurées, à la condition toutefois qu’elles répondent aux catégories objectives prévues par le code de la sécurité sociale (CSS, art. R.242-1-1). La couverture des salariés cadres peut ainsi être différente de celle des non-cadres. La différenciation peut également être réalisée selon les tranches de rémunération prévues en matière de retraite complémentaire Agirc-Arrco, ou encore selon les classifications conventionnelles, par exemple en distinguant la couverture des employés et ouvriers, de celle des agents de maîtrise et de celle des cadres. Il convient néanmoins d’être particulièrement vigilant dans l’utilisation de ces catégories. Non seulement elles sont limitativement énumérées par l’article R. 242-1-1 du code de la sécurité sociale, mais toute différentiation reposant sur un ou plusieurs motifs discriminatoires est prohibée. En revanche, s’agissant de la complémentaire santé, et au contraire de la prévoyance, tous les salariés de l’entreprise doivent être couverts, quelle que soit la catégorisation retenue.

La différenciation des garanties présente l’avantage de permettre l’adaptation de leur niveau et de leur coût en fonction des besoins exprimés par les salariés. Tous n’ont pas, ni le même budget à consacrer à leur complémentaire santé, ni les mêmes attentes. L’acte fondateur des garanties (voir page 38) peut donc créer, en adéquation avec les contrats d’assurance souscrits, différentes catégories.

Une vigilance toute particulière doit néanmoins être désormais apportée à la mobilisation des catégories cadres/non-cadres (CSS, art. R. 242-1-1 1°) et à celles organisées autour des tranches de rémunération retenues pour les cotisations Agirc-Arrco (CSS, art. R. 242-1-1 2°). La fusion de l’Agirc et de l’Arrco à compter du 1er janvier 2019 s’accompagne en effet, non seulement d’une fusion des deux catégories, mais également d’une modification des tranches de rémunération applicables (accord national interprofessionnel [ANI] instituant le régime Agirc-Arrco de retraite complémentaire du 10 janvier 2017). Ce sont dès lors l’ensemble des régimes frais de santé organisés autour de ces critères qui se trouvent fragilisés, même si, parfois, les classifications de la branche permettront de sécuriser les exonérations de cotisation sociales (CSS, art. R. 242-1-1 3°). Espérons qu’une circulaire de la direction de la sécurité sociale (DSS) intervienne prochainement et que, dans cette attente, les organismes de recouvrement ne feront pas œuvre d’un rigorisme excessif.

B. La possibilité d’exclure des salariés de la complémentaire santé

Si la complémentaire santé d’entreprise est une solution pertinente pour l’essentiel des salariés, elle n’est guère adaptée à la couverture des salariés à temps très partiel, embauchés pour de courtes durées ou multi-employeurs. Pour les intéressés, elle peut représenter une part importante de leur rémunération et occasionner de nombreux changements d’organisme assureur. Pour leurs employeurs, le suivi des nombreuses demandes de dispenses, les multiples affiliations et désaffiliations, ou encore les formalités liées au maintien des garanties, sont particulièrement lourds administrativement.

C’est la raison pour laquelle le législateur permet à l’employeur, sous d’étroites conditions, d’exclure certaines catégories de salariés du régime frais de santé de l’entreprise et de remplacer leur affiliation par un « versement santé » (CSS, art. L. 911-7-1). Il s’agit de répondre aux difficultés opérationnelles rendant la couverture de certains salariés difficile, mais aussi de permettre aux intéressés de ne pas être pénalisés par un emploi discontinu ou d’une faible durée hebdomadaire. Cette exclusion peut concerner les salariés en contrat à durée déterminée ou contrat de mission d’une durée inférieure à 3 mois et ceux dont le temps de travail hebdomadaire est inférieur à 15 heures (CSS, art. D. 911-7).

Mais cette exclusion ne se présume pas. Elle doit être expressément prévue par un accord de branche ou, à défaut, par un accord d’entreprise. Ce dernier ne peut en revanche être conclu qu’à la condition que la convention collective de branche n’instaure aucune couverture complémentaire des frais de santé. Par exemple, ne sont pas concernés par cette faculté d’exclusion les employeurs relevant des CCN 51 et CCN 66, ou encore de la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010. A des conditions encore plus restrictives, il est également possible de mettre en place ces exclusions par décision unilatérale de l’employeur (CSS, art. L.911-7-1, III).

Les salariés visés par l’exclusion ne peuvent pas prétendre bénéficier de la couverture des frais de santé mise en place par leur employeur. A la différence des dispenses, ils ne sont pas à l’initiative de leur non-affiliation au régime. En revanche, s’ils sont couverts à titre individuel par une complémentaire santé, ils bénéficient de droit d’un versement santé pour toute leur période d’emploi. Ce versement est calculé en fonction du montant de la contribution patronale au financement des garanties de frais de santé des salariés, de la durée du contrat de travail et de la durée du travail du salarié concerné (CSS, art. D. 911-8)(1). Ce versement santé est exonéré de cotisations de sécurité sociale, mais soumis à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS), ainsi qu’au forfait social pour les entreprises d’au moins 11 salariés (loi de financement de la sécurité sociale pour 2016). Pour le salarié, le versement santé est soumis à l’impôt sur le revenu (loi de finances pour 2014).

C. La possibilité de couvrir les mandataires sociaux

Dans l’hypothèse où le mandataire social dispose d’un contrat de travail en plus de son mandat, il doit être affilié à la complémentaire santé correspondant à son statut de salarié.

Mais, s’il est seulement titulaire d’un mandat social, il peut néanmoins bénéficier de la complémentaire santé d’entreprise et du régime social de faveur associé à la contribution patronale (circulaire n° DSS/SD5B/2013/344 du 25 septembre 2013). Pour cela, il doit être affilié au régime général en tant qu’assimilé salarié, par exemple, dirigeant de SAS, gérant minoritaire de SARL… (CSS, art. L. 311-3). En outre, une délibération de l’organe collégial de direction compétent, le conseil d’administration le plus souvent, doit le prévoir. Les mandataires affiliés en tant que travailleurs indépendants auprès du régime général ne sont donc pas en mesure de bénéficier du régime applicable à leurs salariés.

II. Le choix des garanties

La définition des garanties complémentaires frais de santé est un point essentiel, tant il impacte le quotidien des salariés. Il s’agit concrètement de définir quelle sera l’étendue des remboursements de leurs frais médicaux, d’hospitalisation, dentaires, ou encore d’optique. La liste n’est pas exhaustive. Ce travail est effectué par l’employeur avec les organismes assureurs pressentis ou un courtier, après consultation des salariés ou de leurs représentants, voire conjointement avec eux dans le cadre d’une négociation collective.

En tout état de cause, les garanties obligatoires mises en place doivent être identiques pour tous les salariés ou, au moins, pour tous ceux appartenant à une même catégorie objective (CSS, R. 242-1-3). Dans un régime distinguant les non-cadres et les cadres, les garanties peuvent ainsi être plus importantes pour ces derniers, ou inversement.

A. Le panier de soins minimal

Le panier de soins constitue un socle minimal de garanties permettant notamment la prise en charge du forfait journalier hospitalier, des soins dentaires prothétiques et soins d’orthopédie dentofaciale à hauteur d’au moins 125 % des tarifs de l’assurance maladie, mais aussi des frais d’optique, dans la limite de faibles forfaits (décret n° 2014-1025 du 8 septembre 2014, J.O. du 10-09-14)(2). La complémentaire santé mise en place ne peut pas descendre en dessous.

En tout état de cause, il est conseillé de ne pas s’aligner strictement sur ce simple minimum. Une telle position occulterait l’intérêt économique que présente pour les salariés, par la mutualisation des risques au sein de la communauté, l’adhésion à la couverture d’entreprise à la place d’une couverture individuelle. Pour l’essentiel, le panier de soins minimal implique pour les intéressés de souscrire à une surcomplémentaire, ce qui n’est guère satisfaisant. La complémentaire santé mise en place ne doit pas être simplement perçue comme une contrainte de l’employeur, mais comme l’opportunité de mettre en place un élément de rémunération adapté aux besoins de la population des assurés couverts.

B. Les contrats solidaires et responsables

A l’inverse, les conditions des contrats dits « solidaires » et « responsables » impliquent de ne pas mettre en place des garanties trop avantageuses pour les salariés couverts (décret n° 2014-1374 du 18 novembre 2014, J.O. du 19-11-14). Comme leur nom l’indique, cette exigence instaurée en 2004 a pour finalité de responsabiliser les assurés sur leurs dépenses en matière de santé (CSS, art. L. 871-1). Aussi, une couverture qui excéderait les limites réglementaires permettant de préserver la politique de maîtrise des coûts de l’assurance maladie est sanctionnée par une réintégration de l’intégralité des cotisations patronales dans l’assiette des cotisations. En outre, le contrat est dit « solidaire » en ce qu’il ne fixe pas les cotisations en fonction de l’état de santé de l’individu.

Concrètement, les exigences du contrat responsable prévoient des remboursements obligatoires, tandis que d’autres sont interdits ou plafonnés. Certaines garanties planchers sont également prévues. A ce titre, le contrat responsable doit obligatoirement couvrir le forfait journalier hospitalier, certains dépassements d’honoraires ou encore certains médicaments dont le service médical rendu est faible ou modéré. Les organismes assureurs sont d’ailleurs enclins à faire respecter ce cahier des charges afin d’éviter une majoration de la taxe sur les conventions d’assurance qu’ils acquittent (de 7 % à 14 %). Il convient néanmoins pour l’employeur et son assureur d’être particulièrement vigilants dès lors qu’à la couverture complémentaire de base s’ajoutent des options. C’est en effet l’ensemble, formant un contrat d’assurance unique, qui est soumis aux exigences des contrats responsables.

III. Le choix de l’organisme assureur

Le contrat d’assurance des frais de santé est souscrit par l’employeur auprès d’un organisme assureur qui peut être une institution de prévoyance, une société d’assurance ou une mutuelle. Si chaque type d’organisme est soumis à un corpus de règles qui lui est propre (code des assurances pour les assureurs, code de la sécurité sociale pour les institutions de prévoyance et code de la mutualité pour les mutuelles), l’essentiel des dispositions est commun aux trois catégories.

La situation d’une complémentaire santé mise en place par une convention collective de branche doit ici être totalement distinguée d’une mise en place par un acte fondateur interne à l’entreprise.

A. La liberté de choix de l’organisme en présence d’un régime de branche

Jusqu’en 2013, l’essentiel des conventions collectives de branche instaurant une complémentaire santé obligatoire l’assortissait de clauses de désignation imposant aux entreprises de la branche de souscrire leur contrat d’assurance auprès d’un organisme assureur identifié (CSS, art. L. 912-1 anc.). Le plus souvent, il s’agissait d’une institution de prévoyance. Certaines allaient même jusqu’à imposer aux employeurs déjà assurés de changer d’opérateur d’assurance.

Faisant suite à un avis de l’Autorité de la concurrence en ce sens, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale contraire à la Constitution (Cons. const., 13 juin 2013, décision n° 2013-672 DC). En revanche, il a également expressément précisé que sa décision n’était pas applicable aux « contrats en cours ». Alors même que, de toute évidence, les contrats d’assurance étaient visés, la Cour de cassation a au contraire considéré que les conventions collectives contenant des clauses de désignation étaient ici concernées (Cass. soc., 11 février 2015, n° 14-13538 ; 1er juin 2016, n° 15-12276 et 15-12796). La volonté de conserver à tout prix l’effectivité des clauses de désignation est ici manifeste.

Désormais, le régime des clauses de désignation est le suivant :

• pour les régimes complémentaires de frais de santé postérieurs au 13 juin 2013, ce qui représente la majorité d’entre eux, aucune clause de désignation n’a pu être instaurée ;

• pour les régimes antérieurs, le choix de l’opérateur d’assurance devant être réexaminé tous les 5 ans, les clauses de désignation sont devenues caduques au plus tard le 13 juin 2018.

Les clauses de désignation ont donc progressivement disparu mais ont été remplacées par des clauses de recommandation auxquelles de nombreux accords conclus postérieurement à 2013 ont eu recours (CSS, art. L. 912-1). L’opérateur d’assurance n’est alors plus imposé mais suggéré.

C’est ainsi que les partenaires sociaux de la CCN 66 ont recommandé cinq organismes assureurs à l’issue d’une procédure de mise en concurrence (avenant n° 328 du 1er septembre 2014, art. 3.6.). Il en est également ainsi pour la convention collective nationale des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs du 16 juillet 2003 (art. 18.8.).

La solution est manifestement plus respectueuse de la liberté de choix de l’organisme assureur par l’entreprise, tout en permettant d’assurer une certaine solidarité au sein des branches et des facilités de gestion pour les employeurs désireux de simplifier les démarches liées à la complémentaire santé.

Pour mettre en œuvre des clauses de recommandation, le régime doit néanmoins présenter un haut degré de solidarité dont les contours concrets sont encore très flous (CSS, art. L. 912-1). Comme de nombreux autres, les partenaires sociaux de la CCN 66 ont ainsi décidé d’imposer une cotisation supplémentaire de 2 % afin d’alimenter un fonds de solidarité (avenant n° 328 du 1er septembre 2014, art. 1er).

En résumé, chaque employeur doit désormais garder à l’esprit que nonobstant les reliquats conventionnels du passé et incitations en tout genre, il dispose du libre choix de l’opérateur d’assurance auprès duquel il entend garantir ses engagements.

B. Le choix de l’organisme dans un régime d’entreprise

La situation est beaucoup plus simple s’agissant de régimes d’entreprise mis en place par un acte fondateur interne. Le principe est alors la liberté de choix de l’opérateur d’assurance. Le contrat peut donc être souscrit auprès de n’importe quelle mutuelle, société d’assurance ou institution de prévoyance. Si aucune des trois catégories d’acteurs ne présente un avantage normatif que les deux autres n’auraient pas, le choix est réalisé en fonction de paramètres extrajuridiques. Les uns privilégieront les liens historiques, territoriaux, professionnels entretenus avec tel ou tel opérateur. Les autres se focaliseront sur le rapport entre le niveau des garanties et le montant des primes, ou encore sur les modalités de gestion proposées (frais de dossier, plateforme…).

Sur un plan juridique, il est essentiel que ce choix de l’opérateur d’assurance emporte conclusion d’un contrat d’assurance strictement conforme aux prévisions de l’acte fondateur. A cette fin, il ne saurait être trop conseillé à l’employeur, préalablement à la conclusion du contrat d’assurance, de transmettre par écrit à son courtier ou à l’opérateur d’assurance pressenti le contenu de son acte fondateur en lui demandant de s’assurer de la stricte conformité du contrat d’assurance proposé. Tenu à une obligation d’information et de conseil, le professionnel en question pourra ainsi, en cas de contentieux prud’homal ou faisant suite à un redressement d’assiette de cotisations, voir sa responsabilité civile engagée en cas de manquement. De la même manière, il est essentiel pour l’employeur de communiquer à son contact assureur ou intermédiaire en assurances les références de la convention collective de branche applicable.

IV. Le financement de la complémentaire santé

Dans la rédaction de l’acte fondateur, l’article dédié au financement est essentiel. Il fixe les règles applicables en la matière dans les rapports liant l’employeur à ses salariés. Cette clause est essentielle lorsque l’employeur souhaite modifier l’importance de sa participation ou que l’organisme assureur augmente le coût des primes, du fait de la sinistralité, mais aussi d’évolutions législatives ou réglementaires.

A. Un financement par principe partagé

Le législateur prévoit une obligation pour l’employeur de financer la complémentaire santé de ses salariés à hauteur d’au moins 50 %. Lorsque les ayants droit sont couverts à titre obligatoire, la prise en charge partielle obligatoire de l’employeur concerne également la partie « famille »(1). La contribution patronale est néanmoins exonérée de cotisations de sécurité sociale (CSS, art. L. 242-1). En revanche, pour le salarié, elle est soumise à impôt sur le revenu en étant réintégrée dans le brut imposable.

La participation à hauteur d’au moins 50 % n’est cependant qu’un minimum que chaque employeur est libre de dépasser. La répartition peut ainsi parfaitement être de 70 % à la charge de l’employeur et 30 % à la charge du salarié et de ce fait être plus favorable au salarié. Cette répartition est d’ailleurs susceptible de différer en fonction des catégories objectives de salariés (CSS, art. R. 242-1-4). Par exemple, il est possible de prévoir un financement réparti pour moitié entre chaque partie s’agissant des cadres, et une prise en charge de 60 % par l’employeur pour la catégorie des salariés non-cadres. L’inverse est bien entendu possible. L’essentiel est simplement de respecter les catégories objectives définies par voie réglementaire. Au demeurant, ce type de différence peut nuire au bon climat social de l’entreprise.

Si la contribution patronale doit en principe être identique pour tous les salariés appartenant à une même catégorie au sein de l’acte fondateur, deux dérogations sont néanmoins instaurées (CSS, art. R. 242-1-4) :

• l’employeur peut prendre à sa charge 100 % du coût de la complémentaire santé pour les salariés dont les salaires sont très faibles, c’est-à-dire ceux à temps partiel et les apprentis dont la contribution qu’ils devraient acquitter représenterait plus de 10 % de leur rémunération brute (le financement de la prévoyance est intégré pour apprécier ce seuil de 10 %) ;

• l’employeur peut moduler sa contribution en fonction de la composition du foyer, c’est-à-dire en fonction de la formule de garantie choisie (isolé, duo, famille…).

B. Un financement exonéré pour sa partie obligatoire

Le financement exonéré de cotisations de sécurité sociale correspond à la partie obligatoire de la complémentaire santé. Il peut s’agir de la couverture du seul salarié, mais aussi de celle de ses ayants droit si elle présente un caractère collectif et obligatoire.

En revanche, tout ce qui est facultatif et financé par l’employeur, qu’il s’agisse des options souscrites par certains (optique, dentaire, hospitalisation…) ou de la couverture facultative des ayants droit (conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité, concubin, enfants), est intégré dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Il s’agit d’un avantage en espèces octroyé à certains salariés, mais pas à d’autres. La part non collective et obligatoire du financement patronal est alors réintégrée dans l’assiette des cotisations, mais aussi dans les revenus imposables du salarié.

V. L’impératif d’un acte fondateur

L’acte fondateur fixe les règles applicables à la complémentaire santé entre les salariés et leur employeur. Cet acte juridique relève des relations d’emploi internes à l’entreprise. Il est obligatoire. En son absence, les contributions patronales finançant les garanties sont susceptibles d’être intégralement réintégrées par l’Urssaf dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale.

L’acte fondateur ne doit pas être confondu avec le contrat d’assurance souscrit par l’employeur auprès d’un organisme assureur. Seul le contrat d’assurance de groupe ne permet de bénéficier d’aucun régime social d’exonération.

D’un point de vue formel, l’acte fondateur peut prendre les traits d’une décision unilatérale de l’employeur (DUE), d’un référendum, ou encore d’une convention ou d’un accord collectif, de branche ou d’entreprise (CSS, art. L. 911-1). Pour les structures concernées, l’acte fondateur, après son adoption, est ensuite soumis à la procédure d’agrément prévue par le code de l’action sociale et des familles (art. L. 314-6).

A. La convention ou l’accord collectif

De nombreuses conventions collectives de branche mettent en place des complémentaires santé au bénéfice de l’ensemble des salariés couverts par leur champ. Il en est ainsi de la CCN 66 (avenant n° 328, 1er septembre 2014, avenant n° 338, 3 juin 2016), ou encore de la CCN 51 (avenant n° 2015-01 du 27 janvier 2015 relatif à la généralisation de la couverture de frais de santé [création d’un titre XIII bis à la convention collective] ; additif du 22 juin 2015 et additif n° 2 du 18 septembre 2017 à l’avenant), toutes les deux non étendues et donc applicables aux seuls employeurs membres d’une organisation patronale signataire.

Dans l’hypothèse d’un régime conventionnel de branche, beaucoup d’employeurs se conforment à celui-ci. Le contrat d’assurance souscrit est strictement conforme aux exigences de la branche, les salariés sont couverts selon les prévisions de l’accord et les garanties ne diffèrent pas. Dans cette hypothèse, l’entreprise n’a aucune obligation de mettre en place un acte fondateur distinct de la convention de branche.

Mais dans l’hypothèse où aucun régime conventionnel n’est mis en place dans la branche, ou alors que la complémentaire santé instaurée n’est pas exactement conforme à celui-ci, mais plus favorable, le relai d’un autre acte fondateur est nécessaire.

Un accord d’entreprise peut être ainsi conclu, mettant en place une complémentaire santé d’entreprise au bénéfice de l’ensemble des salariés. L’ensemble des modalités de négociation est mobilisable : avec un ou plusieurs délégués syndicaux s’ils existent, ou selon l’une des modalités de négociation dérogatoire prévues par le législateur depuis les ordonnances du 22 septembre 2017 (référendum, salarié mandaté, représentant du personnel).

Même dans l’hypothèse où une complémentaire santé est mise en place au niveau de la branche, rien n’interdit la conclusion d’un accord d’entreprise ayant le même objet. L’articulation des deux actes n’étant pas parfaitement claire au regard des dispositions du code du travail, il est conseillé à l’accord d’entreprise de contenir des stipulations (niveau et étendue des garanties, modalités de financement…) au moins aussi favorables que celles figurant dans la convention de branche. L’accord d’entreprise permet alors, par exemple, d’augmenter le niveau des garanties imposées à l’ensemble des salariés. Cette pratique est fréquente lorsque les garanties prévues par la branche sont minimales et s’approchent du panier de soins minimal.

Au-delà des aspects techniques, le recours à la négociation d’entreprise est intéressant en ce qu’il permet une association large de l’ensemble des parties prenantes sur un sujet socialement sensible, mais, le plus souvent, sur lequel les directions des ressources humaines sont prêtes à négocier.

B. Le référendum d’entreprise

Il ne s’agit pas du référendum organisé selon les modalités nouvelles issues des ordonnances du 22 septembre 2017 (C. trav., art. L. 2232-21 et s.). Ce référendum est beaucoup plus ancien. Il permet à l’employeur de s’adresser directement à ses salariés, en leur soumettant un projet qui devra pour entrer en vigueur, être ratifié à la majorité des salariés (CSS, art. L. 911-1). Le recours à cet acte demeure problématique dans la mesure où les salariés ne sont pas toujours d’accord sur les garanties proposées et peut engendrer des discussions interminables. Néanmoins, il convient d’insister sur le fait que c’est un vote à la majorité qui est retenu, et non à l’unanimité.

C. La décision unilatérale de l’employeur

La décision unilatérale de l’employeur (DUE) est couramment pratiquée en raison de son unilatéralisme, bien que son adoption soit précédée d’une information et consultation des instances représentatives du personnel. Elle permet à l’employeur, après avoir négocié et conclu le contrat d’assurance couvrant les frais de santé, de rédiger seul l’acte fondateur. Rien n’empêche cependant, et c’est d’ailleurs largement conseillé, qu’en amont les salariés et leurs représentants soient associés à la démarche.

Le succès de la DUE s’explique également par la possibilité laissée à chaque salarié présent dans les effectifs au moment de son adoption d’accepter ou de refuser la complémentaire santé mise en place (loi n° 89-1009 du 31 décécembre 1989, art. 11). Ce droit n’existe que pour cette catégorie d’acte fondateur, en raison de la modification unilatérale de la rémunération qu’il impose au salarié. Il est en pratique largement mobilisé.

D. La rédaction de l’acte

Si l’acte fondateur se distingue du contrat d’assurance, il doit lui être strictement fidèle. En ce sens, les garanties prévues par le contrat d’assurance ne sauraient différer de celles mentionnées dans l’acte fondateur. Il en est de même de la population des salariés couverts ou de toute autre clause qui se retrouverait dans chacun des deux documents. L’un et l’autre ne doivent pas différer. Si tel est le cas, une garantie est par exemple prévue par l’acte fondateur, mais non couverte par le contrat d’assurance, c’est à l’employeur qu’il incombera de procéder au remboursement. Seule une éventuelle action en responsabilité pour manquement à l’obligation précontractuelle d’information pourrait être envisagée à l’encontre de l’organisme assureur ayant omis d’aligner son contrat d’assurance sur le contenu de l’acte fondateur lui ayant été préalablement transmis.

Au-delà de cette importance d’une stricte correspondance entre l’acte fondateur et le contrat d’assurance, différentes clauses se retrouvent classiquement et leur insertion est largement recommandée.

1. Clause relative aux garanties mises en place

Il s’agit de fixer les engagements de l’employeur vis-à-vis de ses salariés. Il est usuellement pratiqué de mentionner le tableau des garanties en annexe, mais aussi d’indiquer que ces garanties seront susceptibles d’évoluer, notamment à la demande de l’organisme assureur ou afin de prendre en considération des évolutions législatives et règlementaires.

2. Clause relative aux bénéficiaires du régime

Il s’agit là d’expliciter les choix qui auront été faits quant à la population des salariés couverts : l’existence éventuelle de catégories objectives, la couverture des mandataires sociaux, l’absence de clause d’ancienneté…

3. Clause relative au caractère obligatoire de l’adhésion

C’est ici que les conditions d’adhésion au régime sont fixées. Le caractère obligatoire du régime pour les salariés est rappelé et la situation des ayants droit est évoquée.

Si seuls les salariés sont couverts à titre obligatoire et que leurs ayants droit ne le sont qu’à titre facultatif, la clause peut être formulée de la sorte : « Le caractère obligatoire du régime, auquel est liée la participation de l’employeur, sera limité à la couverture “salarié isolé”. Toutefois, les salariés pourront opter pour une extension du régime aux ayants droit, mais à leur charge exclusive. »

Si les salariés et leurs ayants droit sont tous couverts à titre obligatoire, notamment afin de permettre l’exonération sociale des contributions patronales, la clause peut être formulée ainsi : « Le caractère obligatoire du régime, auquel est liée la participation de l’employeur, concerne le salarié et ses ayants droit, communément appelée “couverture famille” ».

C’est également cette clause qui fixe les dispenses d’adhésion susceptibles d’être sollicitées par le salarié, et ses ayants droit si la couverture de ces derniers est obligatoire (ce point sera développé dans la seconde partie du dossier publiée dans notre prochain numéro). S’agissant d’une simple option laissée aux salariés, il est conseillé de prévoir ici toutes celles évoquées à l’article R. 242-1-6 du code de la sécurité sociale.

4. Clause relative au financement de la complémentaire santé

Il s’agit de fixer à la fois le coût des garanties mises en place par l’employeur, d’anticiper son évolution, ainsi que la répartition des cotisations entre l’employeur et le salarié.

Pour ce faire, et en fonction de conditions définies avec l’organisme assureur, notamment pour les ayants droit, la rédaction suivante peut être adoptée.

5. Clause relative à l’organisme assureur

Pour davantage de souplesse, cette clause peut se limiter à différentes mentions informatives (catégories d’organismes susceptibles d’être choisis ou respect des exigences des contrats responsables). En revanche, s’il est utile de faire figurer le nom de l’organisme assureur, il est conseillé de détailler non seulement les modalités de réexamen de sa désignation (CSS, art. L. 912-2), mais aussi le caractère indicatif de la mention. Susceptible de changer années après années, l’évolution sera d’autant plus aisée si elle n’implique pas une modification concomitante de l’acte fondateur.

L’information des salariés

Il est nécessaire d’informer par courrier les salariés, lors de la mise en place de la couverture, ou lors d’embauches ultérieures, des garanties complémentaires des frais de santé en vigueur.

A ce courrier, il est conseillé d’annexer :

• une copie de l’acte fondateur du régime ;

• un formulaire de demande de dispense d’adhésion qui doit être retourné si le salarié souhaite s’en prévaloir ;

• la présentation commerciale de la couverture mise en place qui aura été communiquée par l’organisme assureur ;

• le bulletin individuel d’adhésion du salarié au contrat collectif d’assurance (document transmis par l’organisme assureur).

• COTISATIONS DU RÉGIME OBLIGATOIRE

Les cotisations au présent régime sont exprimées en pourcentage du plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS).

A titre indicatif, au…………… (date), pour le régime obligatoire du salarié isolé, la cotisation est fixée à hauteur de …….. % du PMSS.

A titre indicatif, au …………… (date), pour la couverture facultative des ayants droit du salarié, les cotisations sont fixées à hauteur de :

……… % du PMSS pour le conjoint ;

……… % du PMSS par enfant.

La tarification étant susceptible de subir des évolutions, notamment en cas de déficit technique, les revalorisations éventuelles seront le cas échéant répercutées entre l’employeur et les salariés selon la clé de répartition définie ci-après.

• RÉPARTITION EMPLOYEUR/SALARIÉ

Le régime obligatoire de couverture des frais de santé est financé par l’employeur à hauteur de :

……… % (minimum 50 %) de la cotisation due pour le salarié pour la garantie « isolé ».

(Si l’employeur couvre également les ayants droit, ajouter :)

……… % (la participation peut être inférieure à 50 % pour cette garantie supplémentaire, sans impacter le financement de 50 % minimum de la garantie isolée) de la cotisation due pour le salarié pour la garantie de ses ayants droit.

En revanche, les cotisations supplémentaires finançant les couvertures facultatives sont à la charge exclusive du salarié.

Notes

(1) Sur les modalités de calcul avec des exemples, voir QR10 dans « Questions/réponses relatif aux contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de santé », DSS, 29 décembre 2015 -bit.ly/2NCRc01.

(1) Sur les modalités de calcul avec des exemples, voir QR10 dans « Questions/réponses relatif aux contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de santé », DSS, 29 décembre 2015 -bit.ly/2NCRc01.

(2) Pour plus de détail, voir ASH n° 3064 du 8-06-18, p. 35.

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