En mai 2017, l’annonce de la suppression, effective au 1er janvier 2019, du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) – remplacés par un allègement des cotisations patronales ciblé sur les bas salaires – avait provoqué des sueurs froides dans le secteur de l’aide à domicile. Après une étude d’impact commandée par la Fedesap (Fédération française des services à la personne et de proximité)(1) qui a mis en évidence les effets négatifs d’une telle réforme, plusieurs fédérations du secteur avaient entamé des négociations avec le gouvernement, qui auront duré un an.
« Sans compensation réelle, c’était plus d’un tiers des 5 500 Saad [services d’aide et d’accompagnement à domicile] et de leurs 500 000 salariés qui étaient menacés, puisque 85 % du coût d’une prestation est composé de masse salariale », souligne la Fedesap dans un communiqué.
« Dans le dispositif d’exonération précédent, il n’y avait pas de dégressivité. Les allègements de charges spécifiques pour les Saad étaient les mêmes, quel que soit le niveau de rémunération. Dans le nouveau dispositif “Fillon” renforcé, proposé par le gouvernement pour remplacer le CICE, les allègements se concentrent fortement au niveau du Smic puis décroissent très vite. Avec la Fédésap et l’UNA [Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles], notamment, nous demandions un plateau de non-dégressivité jusqu’à 1,3 ou 1,4 Smic », explique Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa (Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées).
Le 2 octobre, à l’issue d’une dernière réunion avec le ministère de l’Action et des Comptes publics, la plupart des fédérations se sont déclarées satisfaites. Elles ont notamment obtenu un effort supplémentaire de 60 millions d’euros de la part du gouvernement, qui comptait pourtant mener cette réforme à budget constant. Ce dernier a inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 un seuil de non-dégressivité des nouveaux allègements à hauteur de 1,2 Smic, en lieu et place de celui de 1,1 Smic initialement prévu. « La dernière courbe proposée par Bercy permet de maintenir de larges exonérations sur les salaires allant du Smic à 1,3 Smic », se félicite Florence Arnaiz-Maumé.
Un constat pourtant loin de réjouir Adessadomicile. « Pour des aides à domicile qui interviennent pour des missions classiques, leur salaire – autour de 1,1 ou 1,2 Smic – sera exonéré de charges patronales, comme c’était le cas avant. Mais un problème va se poser pour des personnels plus qualifiés, avec de l’ancienneté, qui répondent aux besoins de personnes plus dépendantes. Leurs rémunérations sont en moyenne supérieures à 1,4 Smic, souligne Laurent Royer, responsable financier d’Adessadomicile. Il faudra compter entre 10 et 20 % d’augmentation des coûts salariaux dans nos structures. Si le prix des prestations n’est pas renégocié, les associations risquent de disparaître. » Même souci du côté des Saad « familles », qui emploient des techniciens de l’intervention sociale et familiale (TISF). Ceux-ci ont conventionnellement des rémunérations supérieures aux autres salariés des services à domicile, et souvent une ancienneté plus élevée.
Et si, pour l’heure, la compensation est jugée satisfaisante, notamment par l’UNA, elle ne règle pas, selon Vincent Vincentelli, son responsable de la réglementation sectorielle, le « problème de fond », c’est-à-dire celui du financement des services et de la prise en charge de la dépendance. « Nous espérons obtenir auprès de Bercy, dans les deux prochains mois, un taux significatif de revalorisation des prestations, avance Florence Arnaiz-Maumé. Nous avons également un enjeu fort avec les groupes de travail CNSA [Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie] et DGCS [direction générale de la cohésion sociale], qui se réunissent actuellement sur une future réforme de la tarification des Saad. La mission “Libault” devrait également se pencher sur la question. » Affaire à suivre.