« LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE DU 20 SEPTEMBRE vient d’accorder l’Assemblée nationale et le Sénat sur les termes dans lesquels la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi « Elan ») va être adoptée définitivement par les deux chambres très prochainement. L’article 45 bis de cette loi (numérotation de discussion parlementaire, qui évoluera à la publication au Journal officiel) porte une définition législative de l’habitat inclusif pour les personnes âgées et pour celles handicapées, la création d’un forfait inclusif ainsi que l’annonce de textes d’application réglementaires. Le nouvel article L. 281-1 du code de l’action sociale et des familles prévoit également que ce « mode d’habitation regroupé sera assorti d’un projet de vie sociale et partagée défini par un cahier des charges national fixé par arrêté des ministres chargés des personnes âgées, des personnes handicapées et du logement ».
Pour les militants de longue date du secteur du handicap – et notamment le réseau des Associations des familles de personnes traumatisées crâniennes et cérébro-lésées (AFTC), qui ont été pionnières dans le développement de solutions d’habitat partagé et accompagné (en Gironde, dès 1997, et en Isère, en y travaillant dès 2005 pour un fonctionnement fin 2011) –, cette consécration législative est une belle reconnaissance. Et la promotion des solutions inclusives, avec la nouvelle et forte impulsion apportée par Sophie Cluzel et son secrétariat d’Etat directement rattaché au Premier ministre, doit être saluée.
Pour autant, prenons garde à une institutionnalisation excessive de l’innovation sociale, au risque de l’anesthésier. Pour en sourire ensemble – cette distanciation par l’humour est toujours utile –, lequel d’entre nous serait enclin à voir son « projet de vie sociale et partagée » établi précisément par arrêté interministériel ? Nous ne doutons pas des excellentes intentions administratives et comprenons que l’engagement d’argent public soit assorti de règles nécessaires au contrôle de son bon emploi. Mais le secteur du handicap, et notamment le réseau national animé par l’UNAFTC, s’est toujours attaché à des valeurs cardinales en matière d’habitat partagé et accompagné qui méritent d’être rappelées dans le moment décisif que nous vivons aujourd’hui :
• l’habitat est privatif, et son encadrement législatif et réglementaire ne doit pas dériver vers un registre hybride d’une normalisation comme un quasi-établissement social : l’habitat partagé et accompagné a toujours soigneusement écarté les notions de règlement intérieur ou de règlement de fonctionnement ;
• l’action militante comporte, certes, naturellement des propositions d’activités et un soutien de toutes les modalités de rétablissement des liens sociaux des colocataires, mais il y a lieu aussi de soigneusement protéger une possibilité de refus, une liberté effective de non-adhésion ;
• enfin, à titre d’exemple, un « comité des sages » a été mis en place par l’AFTC Isère pour ajuster souplement l’accordement des caractères, voire réguler les difficultés quotidiennes du « vivre ensemble ». Ce qui peut faire difficulté de voisinage, pour les personnes handicapées ou âgées, ressemble à ce que peut rencontrer tout un chacun (musique, tabac, alcool). Ce « comité des sages » a très bien fonctionné depuis treize années et fonctionne très bien encore. Mais il eût été bien difficile de formaliser sa composition et son fonctionnement dans un texte réglementaire !
Bref, il y a lieu de saluer sans réserve l’impulsion donnée en direction de l’habitat inclusif, mais l’énergie des administrations centrales et des caisses pourrait sans doute – avec un cahier des charges restant très ouvert et conçu plutôt comme un guide et une incitation, à l’image de celui élaboré pour les « territoires 100 % inclusifs » – se focaliser plutôt sur les mesures qui nous permettraient pleinement de booster l’habitat partagé et accompagné sur le terrain :
• structurer des modalités d’attribution de prestations de compensation du handicap – aides humaines en urgence, pour permettre des continuités après une hospitalisation ;
• revisiter le plafond de l’allocation personnalisée d’autonomie qui, en l’état, ne permet pas un schéma équilibré de mutualisation des besoins d’aide et d’accompagnement ;
• revisiter la pratique des bailleurs sociaux qui pratiquent des plafonds de loyers inférieurs en habitat partagé ;
• préserver les montants des aides au logement (allocation de logement sociale, aide personnalisée au logement) des décotes parfois appliquées pour les logements regroupés. »