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« On ouvre la porte aux marchands de sommeil »

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Militant politique engagé contre le mal-logement, il fonde en 1990 l’association Droit au logement, dont il est depuis le porte-parole. Le DAL défend le droit constitutionnel garantissant à tout individu le droit d’avoir un toit.
La hausse des objectifs de vente de logements menace-t-elle le parc HLM ?

40 000 logements HLM vendus par an, personne n’y croit trop. En revanche, ils pourront être vendus sans contraintes, sans clause « anti-spéculative ». Actuellement, ce type de logement doit être vendu en priorité à un locataire de l’organisme, à un locataire HLM, ou à défaut à un particulier qui souhaite habiter le logement. Là, un particulier pourra acheter le logement pour le louer. Attention ! Cela ouvre la porte aux marchands de sommeil. Vente de logements sociaux dans les quartiers défavorisés ; achat par un particulier ; copropriétés dégradées et endettées : ce schéma s’était produit avec la loi « Méhaignerie » de 1986 qui avait lancé le processus de vente. On y revient. A mon avis, cela va accélérer leur business.

La lutte contre les marchands de sommeil est mise en avant par Julien Denormandie. Retenez-vous des aspects intéressants dans le projet de loi ?

Ce sont des mesures positives en apparence, mais dès que l’on gratte un peu, elles sont contre-productives. Il y a bien un durcissement des mesures contre les marchands de sommeil, sauf qu’il n’y en a pas pour protéger leurs victimes. Les marchands de sommeil vont devenir plus durs vis-à-vis d’elles. Ce sont beaucoup des femmes avec des gosses, des personnes âgées… Au commissariat, on leur dit souvent que ça relève du conflit privé, c’est difficile d’aller au bout des procédures. Julien Denormandie essaie de donner une coloration sociale à son projet de loi, mais ses mesures peuvent se retourner contre les victimes et risquent d’aggraver leur situation.

Que pensez-vous de l’instauration du « bail mobilité meublé « ?

C’est la mise en place d’une « génération-valise », à commencer par les jeunes : on emménagera d’un endroit à l’autre, ses affaires en permanence dans une valise. Le bail mobilité est étendu à toutes les personnes « en mobilité professionnelle ». Je change de boulot, je cherche un boulot, je fais mes études : la « mobilité professionnelle » est généralisée à beaucoup de locataires ! Cela va transformer l’offre de location : des bailleurs vont faire huit mois de location en bail mobilité, puis quatre mois d’Airbnb… Pour une rentabilité accrue. Là aussi, les marchands de sommeil vont faire leur beurre. Le bail mobilité meublé est une forme de location hôtelière, une attaque frontale contre le droit à un logement stable. C’est une grande régression des rapports locatifs. On va vers une fragmentation des contrats, une marchandisation du logement et une précarisation des ménages.

Quelles implications voyez-vous aux modifications de la loi « SRU « ?

Pendant dix ans, les logements vendus, qui servent à faire de l’argent, qui sont spéculatifs, seront considérés comme des logements sociaux… Ce n’est pas juste. C’est une mesure pour aider les maires qui veulent se débarrasser du logement social. Sans compter que la vente de PLS (prêt locatif social) à des sociétés sera désormais autorisée. Les investisseurs vont s’employer à remplacer les locataires car une fois libéré, le logement n’est plus sous le statut PLS, le loyer n’est plus encadré. Ils peuvent alors le vendre au prix du marché. Vous imaginez la plus-value ? Il faudra quelques années pour voir comment cela se met en place, car c’est une loi très technique. Mais une grande partie du logement social, celui des classes moyennes, va rejoindre le marché privé. Cela pourra arriver un jour au logement très social.

Vos propositions lors des différentes étapes d’élaboration du projet de loi ont-elles été prises en compte ?

Grâce à notre mobilisation, on a obtenu l’abandon de la pénalisation des squatteurs, alors que c’était un totem de la droite sénatoriale. Mais les associations n’ont été entendues qu’à la marge. Nous n’avons pas été consultés. Beaucoup d’autres secteurs ont réagi, comme les architectes, et il n’y a là rien de « corporate ». Les architectes ont raison : ce sont les promoteurs qui vont désormais faire les plans, ce qui signe un retour à des logements standards, des blocs type années 1970… Cela impactera la qualité des logements, pour tout le monde, et nous sommes autant inquiets qu’eux.

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