EN 2017, PLUS DE 730 000 MAJEURS étaient en France sous protection juridique, essentiellement en tutelles ou curatelles. Si le système a été revu en 2007, « le dispositif juridique d’ensemble et les multiples modalités de prise en charge ne respectent plus à leur juste niveau les droits fondamentaux. Ils continuent à enfermer durablement un nombre important de personnes sans réelle possibilité d’évolution, comme en atteste le très faible nombre de mainlevées de mesures (moins de 2 %) », lit-on dans le rapport remis le 21 septembre par Anne Caron-Déglise, avocate générale à la cour de cassation, à Nicole Belloubet, ministre de la Justice, et à Agnès Buzyn, ministre des Solidarités.
Concrètement, ce rapport formule 104 propositions déclinées en sept axes principaux visant à mener une refonte d’envergure du dispositif actuel. « Nous assumons les 104 propositions parce que nous avons expérimenté notre réflexion à l’aune des difficultés qui remontent du terrain, affirme Anne Caron-Déglise. C’est pour cela qu’il y en a autant. Elles couvrent énormément de champs différents : des propositions législatives, des propositions de portée réglementaire, des propositions de mise en action, d’évolution des pratiques. Le tout au service de valeurs qui sont les nôtres, à savoir l’expression des personnes les plus fragiles, l’attention à l’autre, l’accompagnement des personnes les plus fragiles… »
Le 29 septembre, à Paris, la Fédération nationale des associations tutélaires (Fnat) organisait son colloque annuel. L’occasion de revenir sur ce rapport. Alors que divers acteurs et fédérations étaient présents, l’une des premières conclusions est qu’il fait consensus. « Le travail rendu est excellent. Il est très fidèle aux débats que nous avons pu avoir, alors même qu’il y a eu une très grande diversité de points de vue. Tout a été respecté, pris en compte », se réjouit ainsi Marie-Thé Carton, présidente de la commission protection juridique de l’Unapei (Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés). Autre point qui fait l’unanimité : la priorité doit être « la création d’un délégué interministériel chargé de la structuration d’une politique publique de la protection juridique des majeurs » (proposition 93). « Il ne s’agit pas de revendiquer un poste interministériel pour revendiquer un poste. Il s’agit d’un véritable enjeu de société, assure Guillemette Leneveu, directrice générale de l’Unaf (Union nationale des associations familiales). A l’horizon 2040-2050, il y aura en France des millions de personnes vulnérables. C’est un choix de société qu’il faut enclencher dès à présent. Ce serait un signe fort si le gouvernement prenait la décision d’enclencher une politique nationale. » Membre du comité de direction de l’ANDP (Association nationale des délégués et personnels des services MJPM), Agnès Francis ajoute : « Garantir les droits des majeurs protégés et respecter leurs droits fondamentaux est un des enjeux des pouvoirs publics. Cela passe par la mise en place d’une politique nationale et d’un pilote. Celui-ci donnera la temporalité des actions à mettre en place. Il les priorisera. »
Même si, comme le souligne Ange Finistrosa, président de la Fnat, « nous avons bien conscience que ce délégué interministériel ne va pas tout régler, cela ne sera pas suffisant ». « Ce qui ressort de ce rapport, c’est la nécessité d’une politique cohérente et d’un pilotage national qui permettra justement d’enclencher une réforme d’envergure, synthétise Séverine Roy, coprésidente de la Fédération nationale des mandataires judiciaires indépendants à la protection des majeurs (FNMJI). Le risque étant que chacun des ministères picore quelques propositions à droite, à gauche et ne respecte pas la cohérence. Or cette cohérence est l’un des axes majeurs de consensus de l’ensemble des participants au rapport. » Et Guillemette Leneveu de conclure : « Notre rapport est ambitieux et en même temps très pragmatique. Maintenant la balle est dans le camp du gouvernement, c’est à lui d’agir. Nous attendons donc une réponse de sa part. »
Parmi les 104 propositions figurent notamment la « création d’une mesure unique de protection » (proposition 18) et la « création d’un cadre juridique qui rende effectives la reconnaissance de la capacité de la personne et l’expression de sa volonté, de ses choix et de ses préférences à chaque fois qu’elle est possible, sans l’enfermer ni la stigmatiser » (proposition 1).