LES ATTENTES DES GÉNÉRATIONS Y – nées entre les années 1980 et 2000 – et Z – post Y, nées connectées – cadrent-elles avec ce que le monde médico-social attend d’elles ? Les traits caractéristiques qui leurs sont prêtés, notamment la difficulté à accomplir une tâche si elles n’en comprennent pas la raison (Y peut signifier « why ») seraient parfois en délicatesse avec un secteur « au management directif et à l’autorité forte », avance Ahmed Dammak, enseignant chercheur à la European Business School Paris. Pour mieux cerner ces relations complexes, il a passé des entretiens avec 200 acteurs du médico-social en Ile-de-France, à des postes de direction ou en formation pour en décrocher un.
L’enseignant a constaté « un besoin de sens dans le travail, de proximité qui conduit à une remise en cause des méthodes de management classiques. Plus les règles d’organisation sont strictes, plus les jeunes ont des pratiques hors institutions. La recherche de l’information est différente, ces générations ne se limitent pas aux technologies de l’information et de la communication (TIC) fournies par les structures mais cherchent des outils extérieurs comme les réseaux sociaux, ou des sites médicaux plus généralistes. » Un quart des répondants utilisent par exemple Facebook pour discuter avec les personnes encadrées ou leur famille. Une proximité avec le public accompagné qu’Ahmed Dammak estime à double tranchant : « Il y a plus de relationnel, ce qui permet d’adapter les méthodes, mais les personnes suivies comprennent-elles bien la différence entre relation légère de travail et amitié ? Dans le cas contraire, cela risque de rendre l’acceptation des règles plus difficiles. »
Cette préférence pour le vivant plutôt que pour les règles entraîne une demande de fonctionnement des structures plus horizontale et ouvertes sur les collaborations extérieures, sur les réseaux professionnels, en allant chercher si besoin des compétences ou des connaissances à l’extérieur. En bref, réfléchir en termes de pratiques et de liens avec l’individu plutôt qu’en limites juridiques.
Une réflexion qui n’est pas forcément du goût de tous les dirigeants, remarque Ahmed Dammak. « La quasi-totalité des managers interrogés sont pour le respect des règles et veulent que les nouvelles générations s’y plient. D’autres voient des potentialités différentes et essayent de s’y adapter. Mais tous sont d’accord pour dire que les organisations des structures ne changent pas. »
Une stagnation qui serait imputable, selon le chercheur, au « besoin de légitimation » des nouveaux managers, dont les méthodes ne différeraient donc pas radicalement de celles des anciens en ne répondant pas au besoin de flexibilité de la nouvelle vague. « Ces générations vont devenir majoritaires dans le monde du travail », prévient-il cependant, « et il va y avoir un forcing sur les modes organisationnels ». Un changement qui devrait être accentué par la diffusion des objets connectés dans le secteur médico-social. « Mesurer le diabète, la pression artérielle… Autant de fonctions qui ne seront plus assurées par des soignants. Il s’agit donc de savoir si ces métiers vont disparaître, ou se recentrer sur l’accompagnement. »