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« En france, La situation de la pédopsychiatrie est catastrophique »

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Ancien inspecteur des affaires sanitaires et sociales, ex-directeur d’hôpital, d’établissements médico-sociaux, et d’associations et, jusqu’à 2015, directeur du centre hospitalier Saint-Jean-de-Dieu à Lyon, et directeur général de l’Association recherche handicap et santé mentale (ARHM).
Dans quel état est la pédopsychiatrie en France ?

Quand j’étais encore chef d’établissement, il y a trois ans, à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu à Lyon, je n’avais pas du tout perçu cette situation parce que dans mon établissement la pédopsychiatrie était plutôt bien développée. De même, dès qu’un poste se libérait, il y avait des préemptions presque un an à l’avance. A Lyon, la pédopsychiatrie a toujours eu une place bien reconnue, bien établie, bien plus favorable que dans beaucoup d’autres villes. Mais j’ai été régulièrement alerté par des collègues qui avaient du mal à recruter. Et effectivement, ces dernières années, une série de rapports a pointé du doigt l’état de la pédopsychiatrie.

De même, les universitaires ont tiré la sonnette d’alarme indiquant que dans un certain nombre d’universités il n’y avait plus d’enseignement de cette discipline. En ville, il y a très, très peu de pédopsychiatres parce que la tarification ne le permet pas. J’ai alors pris conscience que, sur certains endroits du territoire, la pédopsychiatrie était quasiment absente, quasiment en pénurie. La situation est donc catastrophique.

Mais c’est le cas, de manière générale, de tout ce qui touche à la santé de l’enfant. Ainsi, il y a beaucoup de départements où la protection maternelle et infantile [PMI] est devenue quasi inexistante et où il y a peu de personnes qui s’y intéressent vraiment ; la santé scolaire est aussi à la dérive. Bref, tout ce qui concourt à la santé de l’enfance et de l’adolescence est aujourd’hui en grande difficulté.

Quelles conséquences cela a-t-il pour les enfants ?

Cela entraîne une plus grande difficulté de repérage précoce. Or, nous savons que c’est essentiel aussi bien pour les pathologies qui apparaissent à l’adolescence que chez les plus petits. Le repérage très précoce et les soins que l’on peut donner dès la petite enfance peuvent en effet être d’une très grande efficacité. Donc, s’il y a un manque de pédopsychiatres sur le territoire, cela peut entraîner une mauvaise, voire une absence, de prise en charge et d’éventuelles aggravations de cas psychiatriques.

Comment résoudre ce début de pénurie de pédopsychiatres ?

Je crois qu’il faut en premier lieu arrêter le bashing de la pédopsychiatrie, notamment mené par des associations de parents d’autistes qui ont vraiment tapé à bras raccourcis sur cette discipline. Il faut arrêter ça ! De plus, je crois qu’il faut reconnaître le mérite à Agnès Buzyn [ministre des Solidarités et de la Santé] d’avoir ces derniers mois défendu la pédopsychiatrie. Cela permet au grand public de se rendre compte de son utilité.

Ensuite, comme cela a été annoncé, il faut recréer des postes d’hospitalo-universitaires. En effet, si on ne forme pas de psychiatres de l’enfance et de l’adolescence, on ne risque pas d’avoir des soins médicaux adaptés. Après cela, il y a sans doute des choses à faire également du côté de la profession pour montrer qu’elle est sensible à un certain nombre d’interrogations sur l’activité de la pédopsychiatrie, ses capacités à prioriser les demandes, ses capacités à répondre rapidement… Il faut sortir du cercle vicieux actuel : moins il y a de spécialistes, plus les files d’attente sont longues, moins on s’intéresse à cette discipline… Il faut donc s’organiser pour faire en sorte qu’il y ait des réponses assez rapides et coordonnées.

Le sénateur Michel Amiel, dans son rapport d’avril 2017[1], parlait de la « grande misère de la pédopsychiatrie » en raison d’un manque de formation, de médecins scolaires et de PMI et d’un défaut de dépistage précoce. Pour remédier à ce constat, il faut plus de formation mais sans doute aussi une meilleure organisation, une meilleure coordination et un meilleur partage des actions entre le sanitaire et le médico-social.

On constate aussi une augmentation de la prise de médicaments. Qu’en pensez-vous ?

Il ne faudrait pas que l’on en arrive à la situation des Etats-Unis où 10 % des enfants sont sous Ritaline [Ndlr : utilisé dans le traitement symptomatique du trouble du déficit de l’attention] ! Il ne faudrait pas que la pédopsychiatrie mette nos enfants sous neuroleptiques. C’est un peu le risque de facilité. Il ne faudrait pas qu’il y ait d’abus.

Notes

(1) Voir ASH n° 3005 du 7-04-17, p. 5.

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