Je suis satisfaite. Dès la mission « flash » sur la situation des Ehpad, j’avais bien senti que la réforme de la tarification des Ehpad était clairement une mauvaise réforme. La plupart des acteurs auditionnés m’ont fait remarquer que cette réforme pouvait difficilement s’appliquer. Seul le secteur privé commercial n’avait pas la même approche. Au niveau national, la DGCS [direction générale de la cohésion sociale] et la CNSA [Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie] ne disposaient pas de remontées des départements. Il n’y avait pas eu d’étude d’impact préalable à la réforme. Le rapport du médiateur Pierre Ricordeau a eu l’honnêteté, le courage de dépasser la problématique de la réforme de la tarification et de rejoindre le nôtre sur plusieurs constats. Cette convergence d’avis a conduit la ministre de la Santé à suspendre la réforme de la tarification. Elle va à nouveau missionner Pierre Ricordeau pour évaluer la manière dont la situation a évolué entre les départements et les ARS [agences régionales de santé] depuis cette suspension.
La politique de prévention est une préoccupation réellement transversale pour le gouvernement et le président de la République. Elle apparaît dans la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté et dans le plan « santé ». Aujourd’hui, la prévention n’appartient pas à la culture des Ehpad, faute de moyens humains et parce qu’elle n’est pas valorisée dans la tarification. Pour 2019, dans le cadre de la stratégie nationale de santé, 30 millions d’euros permettront notamment de former les personnels des Ehpad aux pratiques préventives. Ces missions valoriseront les infirmiers et aides-soignants qui, pour l’heure, font beaucoup d’actes techniques peu intéressants, alors que ces personnels ont envie de donner plus.
Il y a aujourd’hui une déperdition d’énergie et de financements, un manque de sens et de transparence et une complexité du système. La politique du vieillissement n’est pas la seule politique publique qui soit dans ce cas-là. L’action sociale a été décentralisée au niveau des départements, mais ne pourrait-elle pas être gérée au niveau de l’intercommunalité, des communautés de communes, des métropoles, où il y a un niveau de proximité plus important ? Ce choix a été fait dans d’autres pays. Dans le cadre du débat sur la réforme de la dépendance, le problème de la gouvernance sera posé. Il faudra voir qui fait quoi et comment chacun le fait.
Les Français sont très préoccupés par cette question de la prise en charge de la perte d’autonomie. Les pouvoirs publics n’ont jamais tranché réellement sur la politique publique à mener sur le vieillissement. Ils se sont toujours arrêtés à des bricolages de financement, qui ont débouché sur le bricolage kafkaïen de la réforme de la tarification des Ehpad.
En plus des groupes de travail pilotés par Dominique Libault, il y aura des débats régionaux, des débats au Conseil économique, social et environnemental, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cette concertation nationale traitera de la question de la perte d’autonomie dans sa globalité, c’est-à-dire sur le plan financier, organisationnel, sociétal et éthique. Le président de la République, le Premier ministre, la ministre des Solidarités et de la Santé veulent vraiment que l’on débouche sur des résultats positifs, novateurs et en lien avec les préoccupations des citoyens. Quand j’ai terminé mon rapport d’information sur les Ehpad, je n’étais moi-même pas persuadée que cette réflexion mènerait à une future loi sur le financement de la dépendance, car elle n’était pas prévue dans la campagne d’Emmanuel Macron. On a avancé très fort et très vite.
Le rapport sur les Ehpad, en mars dernier, dont Monique Iborra était corapporteure a révélé la situation de tension extrême dans laquelle se trouvent ces établissements. En réponse, Agnès Buzin avait engagé 50 millions d’euros et une feuille de route dont la traduction se retrouve dans le PLFSS 2019 (voir ce numéro page 13).