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« On évolue vers un environnement concurrentiel »

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Julien Parent est également formateur dans le Nord au sein des filières de moniteur-éducateur et d’éducateur spécialisé.
Y a-t-il des points dans cette réforme qui vous préoccupent ?

Les centres de formation vont certifier en interne, et non plus au niveau du rectorat. Cela nous inquiète par rapport au statut de diplôme d’Etat, sur lequel nous serons vigilants. On peut imaginer des employeurs qui voudraient embaucher des jeunes sortant de telle école plutôt que de telle autre, avec le danger d’aboutir à un « diplôme d’école ». L’Inter-régionale a ainsi proposé que les certifications puissent se dérouler via les commissions inter-écoles déjà existantes. Une autre inquiétude concerne le développement de « blocs de compétences », qui pourrait aboutir à concevoir une sorte de validation des acquis de l’expérience géante où une personne vient valider un bloc de compétences, s’en va un temps en CDD, puis revient… Une construction à la carte de parcours qui peuvent durer des années, au mépris de la dimension collective de la professionnalisation. Il reste également des points flous : les difficultés de mise en stage de nos étudiants, ou encore la question des passerelles entre les formations, par exemple entre éducateurs spécialisés et moniteurs-éducateurs.

Dans quelle mesure identifiez-vous une tendance vers un modèle de formation commune ?

Avant le rapport « Bourguignon » de 2015, on parlait de faire disparaître les différentes filières en un « travailleur social unique ». Mais il y a eu une telle réaction des professionnels que les identités des métiers ont été sauvées. Nous verrons ce que va donner la mise en œuvre du nouveau socle commun, qui existait déjà dans une certaine mesure entre assistants sociaux, éducateurs spécialisés et éducateurs de jeunes enfants, par exemple. Le socle commun a notamment pour but de réaliser des économies d’échelle. Va-t-on se retrouver avec des regroupements de promos dans un amphithéâtre ? C’est ce type de cadre que fuient pourtant beaucoup de jeunes en venant dans nos formations… On voit par ailleurs se produire des fusions entre centres de formation, et des incitations à développer l’apprentissage à distance. Le fait que la réforme demande que l’on apprenne davantage à utiliser le numérique rentre dans ce cadre. Cela aboutit à modifier profondément la relation pédagogique entre les formateurs et les travailleurs sociaux en formation.

Comment comprenez-vous, justement, l’encouragement à développer les outils numériques ?

En l’état actuel de la réforme, il reste assez circonscrit. Mais le socle commun permet d’envisager davantage de mise en ligne des contenus. Et « l’intervention sociale » que l’on nous annonce pour demain tend à créer de l’inquiétude. Dans une étude prospective de l’Unaforis parue en juin(1), on nous prédit que « le modèle de l’école comme lieu physique a vécu ». L’école deviendrait une espèce de plateforme, avec un accès à des fichiers et ressources en ligne. Les futurs étudiants se formeraient en autodidacte, avec des MOOCs, des tutoriels… Il y a une fascination pour les outils numériques que nous ne partageons pas à l’Inter-régionale. Nous utilisons certains outils numériques mais ils ne doivent pas remplacer la relation humaine dans nos métiers. Les collègues sont déjà encouragés à mettre leurs cours en ligne. On se dirige donc bien vers cela. Il ne s’agit pas de pédagogie différente mais là aussi d’un principe simple : des écrans coûtent moins chers que des intervenants.

Quels contours se dessinent pour les centres de formation de demain ?

On sent que l’on évolue vers un environnement concurrentiel. D’ailleurs, des fusions sont en cours entre centres de formation. On nous assène désormais qu’il faut grossir pour s’en sortir. En région parisienne, le conseil régional a émis un appel à projets pour les formations de niveaux 4 à 1. Dans ce contexte concurrentiel, les écoles les plus compétitives remportent les appels. Cette logique s’impose parfois brutalement, comme dans cette école des Hauts-de-France où on tente de procéder à une fusion alors même que les salariés ont voté en référendum contre ce projet. On prétend que les écoles doivent devenir des entreprises comme les autres, des acteurs économiques du territoire. Les centres de formation devraient chercher des financements privés, « développer des incubateurs d’entreprenariat social »… Ce n’est pas notre vocabulaire ! On sent que notre secteur est pris dans un mouvement rapide : cela ne doit pas se passer sans l’avis des formateurs. Nous ne sommes pas dans l’immobilisme, mais nous souhaitons faire entendre une autre voix que celle du modèle du privé lucratif pour nos centres de formation.

Notes

(1) Cette étude est à l’origine du projet politique 2019-2021 de l’Unaforis, validé le 26 juin, avec un plan stratégique ambitionnant de remodeler les formations du travail social.

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