La loi de modernisation de notre système de santé, dite loi « santé »(1), a prévu dans son article 204 que le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance des mesures d’amélioration et de simplification du système de santé, notamment dans le but de simplifier et renforcer l’accès aux soins de premier recours.
L’accès aux soins de premier recours est promu par le plan de renforcement territorial de l’accès aux soins(2). Les centres de santé sont un maillon central de ce dispositif et font l’objet de la priorité n° 3 du plan « favoriser une meilleure organisation des professions de santé pour assurer une présence soignante pérenne et continue ».
Une ordonnance du 12 janvier 2018 vient clarifier et à adapter les dispositions du code de la santé publique (CSP) relatives aux conditions de création, de gestion, d’organisation et de fonctionnement des centres de santé. Ainsi, le chapitre du code relatif à ces structures, qui ne comportait qu’un unique article, est étoffé de 14 articles supplémentaires. Le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance(3) nous apprend que cette réforme a pour objet de renforcer l’accès aux soins de premier recours, notamment en facilitant la mise en place des centres de santé.
Un décret et un arrêté du 27 février 2018 viennent préciser les dispositions législatives et finalisent la mise en place de la réforme.
Les modalités de fonctionnement des centres de santé sont simplifiées par de nouvelles dispositions législatives et réglementaires afin de garantir l’accès à des soins de qualité.
Les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours. Ils assurent une prise en charge pluriprofessionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux. Ils assurent plusieurs missions obligatoires et facultatives, toujours avec un but non lucratif, pour apporter une diversité de soins en premier recours à tous les patients.
Les centres de santé sont ouverts à toutes les personnes qui souhaitent être reçues en consultation ou bénéficier d’actes de prévention, d’investigation ou de soins médicaux, paramédicaux ou dentaires. Ils peuvent assurer un ou plusieurs de ces types de soins et participer à des actions de formation et de recherche (CSP, art. D. 6323-1, al. 1er).
Ils pratiquent trois activités obligatoires : prévention, diagnostic et soins (CSP, art. L. 6323-1). Le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance du 12 janvier 2018 nous indique qu’elle « simplifie les conditions actuelles de fonctionnement des centres de santé en définissant des critères moins exigeants et plus adaptés à la réalité du terrain en la matière ». Ainsi, les missions obligatoires que doivent remplir les centres de santé sont plus restreintes. Un centre de santé peut même, à titre dérogatoire, ne pratiquer que des activités de diagnostic.
Ceci permettra de faciliter le développement de ces centres et l’accès aux soins des usagers. En effet, le rapport nous informe que « certaines activités aujourd’hui obligatoires sont rendues optionnelles, telles que l’accueil d’étudiants en stage qui nécessitent des ressources supplémentaires dont certains centres ne disposent pas ».
En plus de leurs trois missions de prévention, de diagnostic et de soins, les centres de santé peuvent exercer d’autres activités facultatives (CSP, art. L. 6323-1-1) :
→ mener des actions de santé publique, d’éducation thérapeutique du patient ainsi que des actions sociales, notamment en vue de favoriser l’accès aux droits et aux soins des personnes les plus vulnérables ou à celles qui ne bénéficient pas de droits ouverts en matière de protection sociale ;
→ contribuer à la permanence des soins ambulatoires ;
→ constituer des lieux de stages pour la formation des professions médicales et paramédicales ;
→ pratiquer des interruptions volontaires de grossesse ;
→ soumettre et appliquer des protocoles de coopération entre professionnels de santé ;
→ contribuer à la mission de soutien sanitaire des forces armées, si le centre de santé choisit d’exercer cette mission, le ministre de la Défense est alors informé sans délai en cas de manquement compromettant la qualité et la sécurité des soins ou de suspension de l’activité du centre pouvant entraîner des conséquences pour cette mission (CSP, art. L. 6323-1-14).
Il existait auparavant une incertitude sur la possibilité pour certaines structures, et particulièrement les personnes morales gestionnaires d’établissements privés de santé à but lucratif, de créer et gérer des centres de santé. La liste des structures qui peuvent créer et gérer un centre de santé est désormais précisée (CSP, art. L. 6323-1-3). Il s’agit :
→ des organismes à but non lucratif ;
→ des collectivités territoriales ;
→ des établissements publics de coopération intercommunale ;
→ des établissements publics de santé ;
→ des personnes morales gestionnaires d’établissements privés de santé, à but non lucratif ou à but lucratif ;
→ des sociétés coopératives d’intérêt collectif dont ne pourront être associées que les personnes morales visées ci-dessus.
Le code de la santé publique garantit aujourd’hui la gestion non lucrative des centres de santé, même quand leur gestionnaire est un organisme à but lucratif.
Les bénéfices issus de l’exploitation d’un centre de santé ne peuvent pas être distribués. Ils sont mis en réserve ou réinvestis au profit du centre concerné ou d’un ou plusieurs autres centres de santé ou d’une autre structure à but non lucratif, gérés par le même organisme gestionnaire (CSP, art. L. 6323-1-4).
De plus, toute forme de publicité en faveur des centres de santé est interdite (CSP, art. L. 6323-1-9).
Les centres de santé peuvent être membres de communautés professionnelles territoriales de santé et opérateurs ou composants de plateformes territoriales d’appui (CSP, art. L. 6323-1-6).
En ce qui concerne les professionnels qui exercent au sein des centres de santé, ils sont salariés et/ou bénévoles (CSP, art. L. 6323-1-5). Ils peuvent se rendre au domicile des patients lorsque leur état le requiert pour les professionnels médicaux et sur prescription médicale pour les autres professionnels de santé (CSP, art. D. 6323-2).
Néanmoins, les soins dispensés dans les centres de santé doivent permettre le retour immédiat du patient à son domicile sans qu’il soit nécessaire d’assurer une surveillance au centre de santé ou après le retour au domicile. Par ailleurs, les centres de santé ne pratiquent pas l’anesthésie ou la chirurgie ambulatoire (CSP, art. D. 6323-3).
Les locaux, les installations matérielles, l’organisation des soins, l’expérience et la qualification du personnel des centres de santé doivent permettre d’assurer la sécurité des patients et la qualité des soins (CSP, art. D. 6323-3).
L’activité des centres de santé est mieux contrôlée. Ainsi, doit être élaboré un projet de santé portant, en particulier, sur l’accessibilité et la continuité des soins ainsi que sur la coordination des professionnels de santé au sein du centre et avec des acteurs de soins extérieurs.
Ce projet de santé doit être propre au centre et ne peut se confondre avec le projet de l’établissement de santé auquel il appartient (CSP, art. L. 6323-1-10).
Il doit être remis accompagné d’un engagement de conformité au directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) préalablement à l’ouverture du centre de santé ou d’une de ses antennes. Le récépissé transmis par le directeur général de l’ARS à la réception de ces documents vaut autorisation de dispenser des soins aux assurés sociaux dans le centre ou l’antenne concerné (CSP, art. L. 6323-1-11). Le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance du 12 janvier 2018 précise que, par ce texte, « le représentant légal de l’organisme gestionnaire du centre de santé engage sa responsabilité quant à la conformité de ce centre au regard des obligations lui incombant ».
Toute modification substantielle du projet de santé, notamment du règlement de fonctionnement, le changement de l’organisme gestionnaire, la modification d’implantation géographique du centre ou de ses antennes, la fermeture d’une antenne, la modification qualitative ou quantitative du plateau technique, ainsi que toute modification susceptible d’avoir une incidence sur la politique menée par le centre de santé en matière de qualité et de sécurité des soins, doit être portée à la connaissance du directeur général de l’ARS au plus tard dans les 15 jours (CSP, art. D. 6323-10).
L’arrêté du 27 février 2018 relatif aux centres de santé précise les éléments que doivent comporter le projet de santé et le règlement de fonctionnement ainsi que les modalités d’élaboration de ces documents. Il reprend également, en annexe, la forme que doit revêtir l’engagement de conformité.
Le directeur général de l’ARS a compétence pour agir auprès d’un centre de santé quand des dysfonctionnements y sont constatés, tels que (CSP, art. L. 6323-1-12) :
→ un manquement compromettant la qualité ou la sécurité des soins ;
→ un manquement du représentant légal de l’organisme gestionnaire à l’obligation de transmission de l’engagement de conformité ;
→ un manquement au respect des dispositions législatives et réglementaires relatives aux centres de santé ;
→ un abus ou une fraude commise à l’égard des organismes de sécurité sociale ou des assurés sociaux.
Il dispose pour cela de pouvoirs de police administrative pour mettre fin à ces dysfonctionnements. Il peut notifier au gestionnaire d’un centre de santé les dysfonctionnements constatés et lui demander de faire connaître, dans un délai qui ne peut être inférieur à 8 jours, ses observations en réponse ainsi que les mesures correctrices adoptées ou envisagées (CSP, art. L. 6323-1-12).
En l’absence de réponse dans ce délai ou si cette réponse est insuffisante, le directeur général de l’ARS adresse au gestionnaire du centre de santé une injonction de prendre toutes dispositions nécessaires et de faire cesser définitivement les manquements dans un délai déterminé (CSP, art. L. 6323-1-12).
Si le centre de santé ne satisfait pas à cette injonction, ou en cas d’urgence tenant à la sécurité des patients, le directeur général de l’ARS peut prononcer la suspension immédiate, totale ou partielle, de l’activité du centre et, lorsqu’elles existent, de ses antennes. Cette décision est notifiée au représentant légal de l’organisme gestionnaire du centre de santé, accompagnée des constatations faites et assortie d’une mise en demeure de remédier aux manquements dans un délai déterminé (CSP, art. L. 6323-1-12).
S’il est constaté, au terme de ce délai, qu’il a été satisfait à la mise en demeure, le directeur général de l’ARS, éventuellement après une visite de conformité, met fin à la suspension. Dans le cas contraire, il se prononce, soit sur le maintien de la suspension jusqu’à l’achèvement de la mise en œuvre des mesures prévues, soit sur la fermeture du centre. Cette décision doit être motivée et notifiée au gestionnaire. Une copie de la décision est adressée à la caisse primaire d’assurance maladie dans le ressort de laquelle est implanté le centre de santé (CSP, art. D. 6323-11).
En outre, si un centre de santé exerce la mission de soutien sanitaire des forces armées, le ministre de la Défense est alors informé sans délai en cas de manquement compromettant la qualité et la sécurité des soins ou de suspension de l’activité du centre pouvant entraîner des conséquences pour cette mission (CSP, art. L. 6323-1-14).
Le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance du 12 janvier 2018 indique que cette dernière veille à maintenir à l’égard des usagers un accès aux soins de qualité et des conditions de prise en charge, notamment financières, particulièrement favorables.
Les centres de santé et leurs antennes réalisent, à titre principal, des prestations remboursables par l’assurance maladie (CSP, art. L. 6323-1). Ils doivent également pratiquer le mécanisme du tiers payant et ne pas facturer de dépassements des tarifs conventionnés (CSP, art. L. 6323-1-7).
Par ailleurs, les professionnels de santé doivent informer leur patient des tarifs et des conditions de paiement pratiqués par la structure de soins ou le professionnel de santé vers lequel il est orienté. La délivrance de cette information est mentionnée dans le dossier médical du patient (CSP, art. L. 6323-1-8).
Le centre de santé est chargé d’informer le public sur (CSP, art. L. 6323-1-9) :
→ son implantation ;
→ ses activités ;
→ les actions de santé publique ou sociales qu’il met en œuvre ;
→ les modalités et les conditions d’accès aux soins. Pour cela, les jours et heures d’ouverture, de permanence et de consultation, les tarifs pratiqués, le dispositif d’orientation en cas de fermeture et les principales conditions de fonctionnement utiles au public sont affichés de façon apparente à l’intérieur et à l’extérieur des centres de santé (CSP, art. D. 6323-4) ;
→ le statut de son gestionnaire.
Pour chaque patient un dossier comportant l’ensemble des informations de santé nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques est constitué dans le respect de la confidentialité et des règles déontologiques propres aux professionnels de santé concernés. Le dossier comporte l’identification du patient ainsi que, le cas échéant, celle de la personne de confiance et de la personne à prévenir. Le contenu de ce dossier garantit la traçabilité des actions effectuées dans le cadre de la prise en charge de chaque patient (CSP, art. D. 6323-5).
L’ordonnance du 12 janvier 2018 étend aux patients des centres de santé le droit d’accès aux informations de santé les concernant qui sont formalisées ou qui ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance et correspondances entre professionnels de santé (CSP, art. L. 1111-7).
Par ailleurs, les centres de santé sont responsables de la conservation et de la confidentialité des informations de santé à caractère personnel constituées en leur sein (CSP, art. D. 6323-6).
Les centres de santé accueillent tous les patients sans conditions. En outre, afin de permettre une large accessibilité sur les territoires, ils peuvent créer des antennes.
Il est désormais précisé que les centres de santé sont ouverts à toute personne sollicitant une prise en charge médicale ou paramédicale relevant de la compétence des professionnels y exerçant (CSP, art. L. 6323-1-1).
Les centres de santé mettent en place des conditions d’accueil avec et sans rendez-vous (CSP, art. D. 6323-4).
Ils doivent assurer l’accessibilité de leurs locaux ainsi que le respect des normes d’hygiène et de sécurité (CSP, art. D. 6323-7).
Une large couverture territoriale des centres de santé permet l’accès de tous à des soins de proximité. Des antennes peuvent être rattachées à un ou plusieurs centres de santé gérés par un même gestionnaire. Chaque antenne est soumise à l’ensemble des règles applicables aux centres de santé (CSP, art. D. 6323-1, al. 2).
Les antennes ne disposent pas d’autonomie de gestion et doivent être situées à moins de 30 minutes de trajet du centre de santé principal. Elles ne peuvent être ouvertes plus de 20 heures par semaine. Elles doivent enfin disposer d’un système d’information partagé avec le centre de santé principal, permettant notamment le partage des informations issues du dossier médical des patients (arrêté du 27 février 2018).
Missions.
Les centres de santé sont des dispositifs clés de l’accès aux soins de premier recours. Ils assurent trois missions obligatoires – prévention, soins et diagnostic – et dispensent des soins médicaux, paramédicaux et dentaires.
Fonctionnement.
Les centres de santé peuvent être gérés par des personnes morales privées ou publiques, à but lucratif ou non, mais leur gestion doit toujours être non lucrative. Ces structures doivent établir un projet de santé afin de garantir la sécurité des patients et la qualité des soins. Enfin, leur gestion et leurs activités peuvent faire l’objet d’un contrôle de l’agence régionale de santé.
Protection des patients.
Les centres de santé sont ouverts à tous les patients. L’objectif est qu’ils soient présents sur l’ensemble du territoire grâce à un système d’antennes. Ils offrent, en outre, une grande accessibilité financière en pratiquant le mécanisme du tiers payant et en ne facturant pas de dépassements des tarifs conventionnés.
• Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, J.O. du 27-01-16.
• Ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018, J.O. du 13-01-18.
• Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018, NOR : SSAH1708103P, J.O. du 13-01-18.
• Décret n° 2018-143 du 27 février 2018, J.O. du 1-03-18.
• Arrêté du 27 février 2018, NOR : SSAH1731210A, J.O du 1-03-18.
L’ordonnance du 12 janvier 2018 organise également les modalités de coopération entre les centres de santé et le service de santé des armées.
Ainsi, d’une part, les professionnels de santé des centres de santé peuvent suivre des enseignements, effectuer des stages ou participer à des activités de soins, de formation, de recherche, d’éducation pour la santé et à des actions de santé publique au sein du service de santé des armées.
D’autre part, des personnels du service de santé des armées peuvent exercer leur fonction au sein de centres de santé afin de participer à leurs missions. Dans tous les cas, une convention est établie entre le ministre de la Défense ou son représentant et l’organisme gestionnaire du centre de santé (CSP, art. L. 6323-1-14).
Un centre de santé pluriprofessionnel universitaire a pour objet, outre les missions obligatoires et facultatives prévues par le code de la santé publique, le développement de la formation et de la recherche en soins primaires. Il doit avoir signé une convention tripartite avec l’agence régionale de santé dont il dépend et un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel comportant une unité de formation et de recherche de médecine (CSP, art. L. 6323-1-2).
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