« L’été sera chaud, l’été sera chaud », chantait Eric Charden. Accolées au secteur du social et du médico-social, ces paroles prennent tout leur sens. En effet, à l’heure où l’activité freine dans un grand nombre d’entreprises et de services publics, c’est loin d’être le cas dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Et, à l’heure où, selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publiée en juin, près de la moitié des maisons de retraite médicalisées déclarent avoir des difficultés de recrutement, surtout en aides-soignants et en médecins, les départs en congés des personnels sont devenus un véritable casse-tête à gérer.
« En période de fortes chaleurs, il serait préférable d’avoir plus de personnel. Or, il s’agit de l’époque de l’année où il y en a le moins. Ce sont donc toujours des cycles un peu compliqués à gérer, pour les salariés comme pour les personnes âgées accompagnées », confirme Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). Et celui qui est également directeur de plusieurs établissements dans le Val-de-Marne d’ajouter : « Pour pallier le départ des personnels, de préférence, nous faisons appel à des étudiants : des élèves infirmiers, des étudiants en médecine, des étudiants qui veulent devenir éducateurs spécialisés… Comme ce sont des personnes très sollicitées, il faut gérer leur recrutement suffisamment tôt, dès mars-avril. » Cependant, il l’avoue : « Il faut aussi reconnaître que, parfois, nous devons faire appel à des personnes moins qualifiées. »
Hakim Belkacem, directeur de l’EHPAD « Résidence Les 3 Roses » à Epernay (Marne), assure, lui aussi, « anticiper les congés dès mars-avril ». Pour cela, il a créé au sein de sa structure un « pôle de remplaçants constitué de personnes venues de Pôle emploi, des missions locales ainsi que des jeunes bacheliers ASSP (accompagnement, soins et services à la personne) ». « Nous recrutons aussi du personnel dans le cadre des évaluations du lieu de travail (ELT), à savoir des personnes qui cherchent à se réorienter par le biais de Pôle emploi. Nous proposons dans l’année des périodes d’ELT de 15 jours et, dès lors que nous repérons quelqu’un de fiable, nous lui proposons de travailler de manière plus conséquente durant la période estivale », poursuit-il.
« Le mot d’ordre dans cette période compliquée est l’anticipation, livre Gaëlle Blanchon, directrice d’un SAAD de l’agence Age et Perspectives, à Lyon, qui compte 120 auxiliaires de vie et 320 usagers. Avant fin mai, nous essayons de recueillir les souhaits de congés de chacun, avec pour objectif de pouvoir y répondre favorablement le plus vite possible. En effet, nous veillons au bien-être de nos équipes qui font un métier particulièrement éprouvant. Il est nécessaire qu’elles puissent s’accorder des temps de répit. Et, en même temps, il faut que l’on puisse maintenir la même qualité de services durant tout l’été. »
Pour y arriver, elle explique « faire en sorte d’éviter au maximum les intérimaires, parce que nous sommes dans un secteur où ce n’est pas évident de former quelqu’un pour une si courte durée. Mais c’est aussi très compliqué, voire contrariant, d’intégrer temporairement une personne dans une équipe auprès d’une personne âgée. »
Une fois résolue la question du remplacement des personnels, les EHPAD et les SAAD doivent faire face à d’autres problématiques. Notamment celles liées au maintien de la même qualité des soins et de l’accompagnement. Pour éviter toute rupture, Hakim Belkacem a trouvé une parade dans son établissement : « Pour assurer le meilleur accompagnement et la meilleure qualité de soins possibles, nous travaillons avec un logiciel qui recense toutes les habitudes, les maladies, les allergies, l’hygiène de vie de chaque résident. » Et de détailler : « Avec ce logiciel installé sur des tablettes un peu partout dans la résidence, un remplaçant sait très rapidement les habitudes de vie de madame X, chambre 103 : ses besoins, ses soins, ses problématiques de comportement, si elle a des visites régulières, des sorties spécifiques, des précautions particulières au niveau de son alimentation… Une personne qui vient d’arriver dans l’établissement peut obtenir toutes les informations nécessaires en un ou deux clics. » Simple et efficace.
« L’une des conséquences des congés d’été est qu’il y a moins de régularité dans les plannings, moins de régularité dans les visites, confirme Gaëlle Blanchon. Au lieu de rendre visite à 5-6 personnes âgées ou handicapées, une auxiliaire de vie se déplacera chez une dizaine d’usagers. Pour autant, nous faisons en sorte que l’usager ne soit jamais d’un coup desservi de toutes ses auxiliaires de vie habituelles afin de conserver la même qualité d’accompagnement. »
Enfin, l’été, les activités proposées sont différentes du reste de l’année. « Nous nous adaptons bien évidemment à la météo en proposant un maximum de choses en extérieur ou en salles climatisées (pique-niques, visites de musées, ballades en bord d’eau…) », assure Pascal Champvert. « La période estivale entraîne certaines modifications, confirme Hakim Belkacem. Par exemple, toute cette semaine, à la “Résidence des 3 Roses”, les animations ont eu lieu le matin, sur la terrasse, car le soleil de l’après-midi était insoutenable. Nous prenons en compte le climat, la fatigabilité du résident, son humeur… » Et de conclure : « On adapte aussi les activités dans la résidence. Ainsi, pour les goûters, il nous arrive d’organiser des ateliers de création de glaces, de salades de fruits, de produits rafraîchissants. » Tout un programme…