« Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. » La déclaration d’Emmanuel Macron, prononcée le 27 juillet 2017, avait suscité alors l’espoir des personnes les plus démunies comme des associations qui les accompagnent. Un an plus tard, le bilan dressé par le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri et mal logées (CAU), qui regroupe 36 associations dont Emmaüs Solidarité, la Croix-Rouge française ou encore Médecins du monde, est particulièrement amer.
« Baisse des APL, des contrats aidés, avalanche de restrictions budgétaires dans l’hébergement… On réduit la qualité de l’accueil et de l’accompagnement avec une telle politique », estime Bruno Morel, directeur d’Emmaüs Solidarité, à l’occasion d’une conférence de presse, vendredi 20 juillet. En mai, un arrêté fixant les tarifs plafonds applicables aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) a posé les bases d’une nouvelle tarification qui permettra à l’Etat d’économiser 57 millions d’euros sur le quinquennat, dont 20 millions dès 2018. Des coupes budgétaires qui, selon les associations qui gèrent ces centres d’hébergement, « pourraient entraîner des plans de licenciement et la restriction de prestations, notamment alimentaires ».
D’autant que, selon Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité, la situation dans l’hébergement est devenue « explosive », alors que la France compte pas moins de 4 millions de personnes mal logées. « A Paris, selon les chiffres du 115, plusieurs centaines de familles n’ont pas obtenu de place pour se mettre à l’abri la nuit dernière. Dans d’autres villes, comme Lyon ou Marseille, des critères que nous jugeons illégaux ont été mis en place pour restreindre l’accès des personnes à l’hébergement », regrette-t-il. Si la mobilisation des pouvoirs publics a été forte cet hiver – avec 14 000 places ouvertes et un budget en hausse de 12 % par rapport à 2017 –, la situation se dégrade depuis la fin de la trêve hivernale. 10 000 places ont fermé, dont les dernières au mois de juin.
« L’hébergement reste le parent pauvre de la politique « logement” », dénonce Bruno Morel. Pire, selon le collectif, c’est grâce aux restrictions budgétaires qui pèsent sur ce secteur que le gouvernement compte financer le plan « logement d’abord », annoncé en septembre 2017. Celui-ci prévoit notamment la création de 10 000 places en pensions de famille, 40 000 en intermédiation locative (des logements dont la location est confiée par leurs propriétaires à une agence immobilière à vocation sociale ou un organisme agréé) et la construction de 40 000 logements très sociaux sur le quinquennat. Une stratégie qui « va dans le bon sens », selon le collectif, mais qui, de l’aveu de Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, sera difficilement mise en place d’ici quatre ans. Le ministre pointait ainsi dans un entretien accordé à La Croix le 9 juillet de « grandes lourdeurs administratives » qui pèseraient sur la construction des pensions de famille.
D’autant que les associations dénoncent des attaques à l’encontre du logement social à travers la loi de finances pour 2018, qui prévoit de faire 800 millions d’économies sur les HLM en 2019 et 1,5 milliard d’ici 2020. Des économies « sans précédent » qui « auront nécessairement un impact très négatif sur la production neuve, la rénovation des logements, les services rendus aux locataires les plus en difficulté », souligne le collectif. Dans le même temps, l’Etat envisage de faire passer les ventes de logements HLM de 8 000 à 40 000 par an. « Or les ménages n’ont pas forcément la capacité d’acquérir, explique Christophe Robert, porte-parole du CAU. On va vers la vente de logements qui n’ont pas encore été réhabilités, des copropriétés qui vont se dégrader faute de moyens pour les entretenir. » « Avec la baisse et le gel des APL pour 2018, ce sont de sérieuses attaques contre deux piliers de la politique du logement social », poursuit-il.
« Il faut apporter une solution digne et immédiate en hébergement à toute personne en situation de détresse. Cette politique ne peut se faire sans le respect des principes d’inconditionnalité et de continuité de l’accueil », assurent les associations, qui proposent, entre autres, de revaloriser les APL, d’instaurer un moratoire sur les expulsions locatives sans relogement avec dédommagement des propriétaires et de revenir sur les mesures d’économies dès le nouveau projet de loi de finances. Affaire à suivre.