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Le président de la République a annoncé qu’en 2019, une loi sur le financement de la dépendance serait votée et s’articulerait autour de la création d’un nouveau risque. Les axes de cette réforme résulteront d’un débat national que le Gouvernement va prochainement lancer. Aux ASH, nous avons décidé de prendre de vitesse Emmanuel Macron et d’ouvrir dès maintenant ce débat. Faut-il créer ce fameux « 5e risque » ? Comment le financer ? Comment l’organiser ? Pour répondre à ces questions, entre autres, nous avons sollicité les responsables de plusieurs fédérations et structures représentant le secteur social et médico-social pour qu’ils expriment leur réflexion sur ce sujet dans des tribunes de libre expression.Aujourd’hui, c’est Amir Reza-Tofighi, président de la Fédération française des services à la personne et de proximité qui apporte sa contribution.

Le débat sur le 5e risque est rouvert, cette fois-ci non pas suite à la canicule de 2003, mais en réaction à la « crise » des Ephad de ce début d’année, à l’essoufflement des aidants familiaux qui n’ont pour vocation à se substituer aux professionnels de l’aide et l’accompagnement à domicile et enfin aux difficultés croissantes des Services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), de leurs dirigeants et de leurs salariés tant sur le plan économique qu’institutionnel.

À ce stade du débat, il nous semble crucial de ne pas se focaliser exclusivement sur le volet financier. Borner la réflexion uniquement autour des choix entre solidarité nationale, solidarité des actifs, ou responsabilité individuelle est une impasse. D’autant plus qu’une rupture historique a été annoncée par le président Macron, « la solidarité est toujours financée par l’impôt »1. Les mots ayant un sens ; évoquer ici un 5e risque de la Sécurité Sociale est peut-être encore hasardeux, quand bien même est-il souhaité par tous les acteurs. L’emploi du terme « risque dépendance » et non de 5e risque est donc loin d’être anodin dans la bouche du président de la République.

Pour la Fédésap, l’enjeu du débat est de répondre à la nécessité de fournir aux personnes âgées, mais plus largement à toute personne dépendante de par son âge, son handicap, les moyens de continuer à mener une existence digne et indépendante. Il est donc bien question d’un choix sociétal, celui de l’inclusion.

Car en définitive, il n’existe que deux grands types de systèmes de prise en charge d’un « risque » social :

• les systèmes assurantiels qui couvre les personnes ayant cotisé au régime d’assurance ;

• les systèmes dits « universels » financés par la fiscalité et qui assurent une couverture à l’ensemble de la population.

Actuellement, le système français de financement de la dépendance est un système hybride qui mélange les deux logiques. Alors que l’APA constitue un droit universel financé essentiellement par la fiscalité, une part plus importante encore de la dépendance reste financée par l’assurance maladie dans une logique assurantielle.

Besoins des citoyens

La création de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) en juin 2004 aurait pu être l’occasion de faire le choix pour un système de financement assurantiel sur la base de cotisations sociales ou pour un système « universel » financé par la fiscalité (CSG notamment, journée(s) de solidarité). Il en a été différemment puisque le fonctionnement de la Caisse reproduit le mélange de logiques déjà en œuvre : la Caisse n’assurant pour l’heure qu’une mission centralisatrice des répartitions des financements divers et sur une partie seulement de ces financements.

Mais partons du primordial : les besoins de nos concitoyens à venir et reprenons les projections de l’Insee. En l’état du système, ce sont les futurs bénéficiaires de l’APA qui supporteront l’essentiel de l’augmentation des dépenses liées à leur dépendance : leur participation passerait de 746 millions d’euros (M€) en 2004 à 1 101 M€ en 2020 et 2 018 M€ en 2040. La part du reste à charge légal passerait de 20 % en 2004 à 26 % en 2020 et 37 % en 2040.

Pour notre fédération, le débat à venir ne doit certes pas faire l’économie de réflexions sur le financement de la perte d’autonomie, mais ne doit surtout pas passer à côté de l’opportunité de faire de ce qui est bien trop souvent pris comme une contrainte budgétaire, un formidable objet d’investissement pour l’avenir de notre pays. Cette opportunité passera avant tout par du courage politique, celui des pouvoirs publics et du Gouvernement pour « renverser la table » et répondre enfin aux véritables enjeux, enjeux posés dès 1962 par Pierre Laroque, « père de la sécurité sociale » dans son rapport toujours d’actualité.

Ces enjeux, nous les connaissons toutes et tous :

• solvabiliser la politique de l’aide et l’accompagnement de la perte d’autonomie ;

• adapter les logements pour permettre à tous de rester dans la Cité ;

• s’adapter aux enjeux médicaux et aux besoins des personnes âgées par la prévention de certains effets du vieillissement, par l’aide médicale à domicile, le traitement ambulatoire hospitalisation…

En bref, s’adapter aux besoins des personnes et non créer des services adaptés aux contraintes de gestion des financeurs.

Facile à dire me direz-vous. Mais « renverser la table », n’est-il pas le propre de la politique. Pour la Fédésap, c’est un changement de paradigme basé sur l’agilité, l’efficience et la confiance en le professionnalisme de tous les acteurs qui œuvrent aujourd’hui de manière trop cloisonnée.

Un discours libéral et simpliste, direz-vous également. Non un discours de « terrain » en prise avec les réalités de nos aînés, des aidants, de nos collaborateurs et des financeurs. Ainsi, la Fédésap appelle à un décloisonnement des approches ; le cloisonnement résultant des trop nombreux modes de financement de la prise en charge de la dépendance et de l’âge. Les financements ne doivent donc pas dicter l’organisation de réponses à apporter.

Mais « renverser la table », c’est aussi arrêter de penser que la solution est dans la coordination administrative des services. Cette approche systématique est déconnectée du quotidien des Services d’aide et d’accompagnement à domicile. Nous invitons ainsi les membres du Gouvernement à venir découvrir un Saad, à y passer une journée pour observer la richesse des compétences, la coordination, non seulement avec le médico-social mais aussi avec les hôpitaux et de manière générale avec le sanitaire, effectuée par les équipes pour organiser une sortie d’hospitalisation, permettre aux personnes de voter, de restaurer du lien social avec des voisins et des amis…

Nous sommes très loin de l’image d’Épinal, de la personne atteinte d’Alzheimer enfermée chez elle par ses enfants contraints faute de solution.

Ainsi, les plateformes plébiscitées par la ministre Agnès Buzin comme outil de coordination de politiques et financements difficilement articulables existent déjà : ce sont les Saad.

Une politique qui a un coût

« Renverser la table » c’est également repenser l’APA et la PCH et arrêter de raisonner en tarification horaire de la prise en charge pour passer à une logique d’accompagnement globale et donc forfaitaire. C’est aussi investir dans l’humain et ne pas miser sur une hypothétique révolution « numérique ». Car la réalité est tout autre, les innovations sont bénéfiques, mais doivent être au service des personnes aidées et ne pas se substituer quantitativement et qualitativement aux professionnels de l’aide et de l’accompagnement à domicile.

« Renverser la table », c’est enfin faire preuve de courage politique, pas uniquement celui du financement, mais surtout celui du changement de matrice, d’organisations, de modes de fonctionnement en remettant perpétuellement les personnes âgées au cœur du débat, le seul : nous serons toutes et tous les aînés de nos enfants. Donner plus d’agilité aux Saad dans leurs possibilités d’offrir des services innovants et de proposer un accompagnement global adapté aux besoins et aux choix des personnes en situation de perte d’autonomie.

Une politique a un coût, la Fédésap sera donc très vigilante à ce que le débat ne se cristallise pas uniquement autour du mythe du « zéro reste à charge » qui dicte aujourd’hui des pratiques instaurant une tarification des services déconnectée des réalités financières et humaines de ces derniers qui inéluctablement répercutent ces contraintes sur les salariés et la qualité de service faisant fi des premiers concernés : nos concitoyens. C’est là tout le défi d’une société inclusive.

Les outils existent, la CNSA en est une bonne porte d’entrée. Il est donc temps de franchir le seuil d’une politique courageuse pour anticiper demain.

Notes

(1) Discours du président de la République Emmanuel Macron, devant le congrès réuni à Versailles le 9 juillet 2018

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