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« Les blocages portent sur l’essentiel, les exigences sur le secondaire »

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Docteur en droit de l’université de Nice et directeur des EHPAD publics de Vence et de Cagnes-sur-Mer, Gérard Brami estime que l’excès de réglementation est un carcan au quotidien pour les directeurs d’EHPAD.
Votre prochain ouvrage en préparation portera sur l’inflation des normes en EHPAD. Quelle est votre réflexion sur le sujet ?

Je travaille, en effet, sur l’évolution des contraintes pour les établissements. Et par « contraintes », il faut entendre à la fois les normes, les textes législatifs et réglementaires et les recommandations. Tout le monde est aujourd’hui d’accord pour dire que l’on est dans l’excès. Le rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative publié en 2013 parlait déjà « d’état de paralysie par le droit ». Quand on voit le formalisme que l’on est obligé de suivre aujourd’hui en tant que directeur d’établissement, il y a de quoi tomber à la renverse. Tant de rapports dénoncent avec intelligence et brio cette inflation normative et l’Etat ne passe toujours pas à l’acte politique. Il y a une vraie bureaucratie, une vraie technocratie. Ce n’est pas un mythe ! On construit des normes pour protéger les bureaucrates, l’environnement politique, on justifie un certain nombre de fonctionnements qui ne sont pas nécessaires.

Avez-vous des exemples qui illustrent cette complexification du travail des directeurs et des personnels ?

Prenons le projet de vie personnalisé du résident. Il peut apparaître utile mais le fait de l’inscrire d’abord dans des recommandations puis, en 2016, dans le décret relatif aux conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement des EHPAD, sans en mesurer les coûts en termes de temps, de mobilisation des équipes, est un des cas typiques de cet excès de normes. Les professionnels savent faire un projet de vie personnalisé sans avoir besoin de toute cette formalisation et nous l’imposer sans une analyse même modérée des coûts, c’est lamentable ! On est dans un jeu de formalisation et non dans la prise en considération réelle des souhaits de la personne âgée.

Autre exemple : la lutte contre la maltraitance des personnes âgées. Il existe plus de 1 000 pages de textes divers et variés sur cette question. Des rapports, des circulaires, des instructions, des numéros nationaux, des chartes… Des excès à tous les niveaux alors que 80 % des cas de maltraitance des personnes âgées concernent le domicile.

La lutte contre la maltraitance suppose une autorisation de signalement et de dépôt de plaintes et des formations continues et régulières des personnels. Dans son rapport 2017, l’Observatoire national des violences en milieu de santé a noté une augmentation des violences à l’égard des professionnels en EHPAD. Et pourtant, sur cette question, il n’y a aucun texte. La priorité des priorités des EHPAD aujourd’hui est le manque d’effectifs. Les pouvoirs publics parlent de lutte contre la maltraitance, de qualité de vie au travail, mais ils veulent résoudre l’effet sans traiter la cause. Cette absence de réponses simples sur des sujets essentiels fait le drame des EHPAD.

La réforme de la contractualisation et de la tarification des EHPAD devait apporter des éléments de simplification. Est-ce le cas ?

Fallait-il vraiment une nouvelle contractualisation avec les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens alors que l’on avait la convention tripartite qui évoluait et que les autorités de tutelle sont elles aussi débordées ? Il fallait juste apporter une simplification budgétaire, la liberté d’affectation des résultats. Ne fallait-il pas plutôt faire un contrat pluriannuel simplifié d’objectifs et de moyens ? Simplifier là où on est dans la complexité. Même si les montants alloués ne sont pas encore suffisants, l’équation tarifaire est un magnifique exemple de simplification. En revanche, l’option du tarif global a été freinée alors qu’elle est un élément de maîtrise des dépenses de santé pour les EHPAD. Les blocages sont faits sur l’essentiel et les exigences sont faites sur le secondaire.

Toutes ces normes et cette avalanche de réglementation n’ont pourtant pas contribuer à améliorer l’image des EHPAD.

Oui, on a aujourd’hui des familles qui se méfient, des personnes âgées qui ne veulent pas aller en établissement, des personnels qui souffrent. A quoi ont servi toutes ces normes, ces réglementations, ces exigences ?

Pourtant, un travail remarquable a été fait dans les EHPAD, avec notamment la mise en place du médecin coordonnateur, le contrôle des risques, la sécurisation des cuisines, des lingeries, l’accompagnement des personnes âgées. Est-ce que toutes ces évolutions ont été chiffrées, mentionnées positivement ? Pas forcément, puisque les établissements ne sont toujours pas appréciés, pas reconnus. Nous faisons ce que nous pouvons avec les moyens que nous avons, mais il n’existe pas de priorisation des normes, tout doit être appliqué. L’Etat ne peut pas continuer à imposer des obligations sans a minima en chiffrer le coût, même si ce n’est pas opposable.

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