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Le mineur, un justiciable pas comme les autres

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Si la question de l’enfance délinquante ne date pas d’hier, son texte majeur non plus. L’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, qui édicte les principes de référence en la matière, a été modifiée à de multiples reprises depuis son origine sans avoir fait l’objet d’une refonte d’ensemble. A la suite des travaux de la commission Varinard (rapport remis au garde des Sceaux le 3 décembre 2008), un projet de code de justice des mineurs qui devait être finalisé avant l’été 2010 a été préparé mais n’a pas abouti.

Cette idée de code de justice des mineurs a été reprise dans un premier temps par Christiane Taubira, garde des Sceaux pendant la présidence Hollande. Un second projet moins ambitieux de simple refonte de l’ordonnance du 2 février 1945 lui a succédé à l’issue de la première phase de consultation. Il devait être soumis au conseil des ministres au printemps 2016, avant de sombrer avec la démission de la ministre en février 2016. Finalement, une révision minimaliste mais pragmatique a été intégrée par son successeur Jean-Jacques Urvoas à la loi dite « Justice du 21e siècle » publiée le 18 novembre 2016. La question n’a pas été considérée comme prioritaire par le nouveau gouvernement issu de l’élection d’Emmanuel Macron, la justice des mineurs étant pour l’instant la grande absente des cinq chantiers de la justice lancés par la ministre de la Justice Nicole Belloubet.

L’intervention judiciaire à l’égard du mineur met en œuvre des principes particuliers, qui impliquent des régimes de responsabilité spécifiques, aboutissant au prononcé de mesures avec une dimension éducative marquée.

I. La spécificité de l’intervention judiciaire à l’égard du mineur délinquant

Ces principes sont issus du droit international (Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, Convention européenne des droits de l’Homme de 1950, Principes directeurs de Riyad pour la prévention de la délinquance du 14 décembre 1990…), du droit constitutionnel (Conseil constitutionnel [C. const.], 29 août 2002, n° 2002-461 DC) et sont repris dans l’ordonnance du 2 février 1945 fondatrice de la justice des mineurs en France. Le Conseil constitutionnel, depuis sa décision du 29 août 2002 (n° 2002-461 DC, J.O. du 10-09-02), a considéré que constituaient des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, ayant à ce titre valeur constitutionnelle en vertu du Préambule de la Constitution de 1946 :

→ le principe de primauté de l’action éducative, s’agissant de la « nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité » ;

→ le principe de spécialisation des juridictions et des procédures concernant les mineurs ;

→ le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge.

A. La priorité de l’éducatif

1. La détermination de l’âge

Avec les récentes vagues migratoires, les procédures à l’encontre de jeunes migrants isolés, dépourvus de documents d’identité, se sont multipliées. En l’absence de jurisprudence bien établie à ce jour, les réponses judiciaires sont encore très diverses, certains parquets ordonnant systématiquement des examens osseux en cours de garde à vue aux fins de détermination de l’âge tandis que d’autres se fondent sur la seule déclaration d’âge pour saisir le juge des enfants. Enfin, certains parquets, considérant qu’il appartient à celui qui se prévaut de l’état de minorité d’en rapporter la preuve, et se fondant sur le refus d’identification par les empreintes, les traduisent devant les tribunaux correctionnels lorsque les éléments du dossier et leur apparence physique font douter de leur minorité.

L’auteur de l’infraction bénéficie du régime spécifique prévu par l’ordonnance de 1945 s’il a moins de 18 ans au moment de la commission des faits poursuivis. Différents seuils d’âge conditionnent également le régime applicable au mineur poursuivi :

→ à partir de 10 ans, il peut être placé en retenue et condamné à une sanction éducative ;

→ à partir de 13 ans, il peut être placé en garde à vue, sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire (avec des restrictions jusqu’à 16 ans), et être condamné à une peine lors du jugement ;

→ à partir de 16 ans, le régime procédural applicable se rapproche de celui des majeurs, et l’excuse atténuante de minorité peut être écartée.

2. Un principe compatible avec le prononcé d’une peine

Le principe de priorité de l’éducatif est posé par l’article 2 de l’ordonnance de 1945 : « Le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs prononceront, suivant les cas, les mesures de protection, d’assistance, de surveillance et d’éducation qui sembleront appropriées. Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l’exigent, soit prononcer une sanction éducative à l’encontre des mineurs de 10 à 18 ans, conformément aux dispositions de l’article 15-1, soit prononcer une peine à l’encontre des mineurs de 13 à 18 ans en tenant compte de l’atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9. Dans ce second cas, s’il est prononcé une peine d’amende, de travail d’intérêt général ou d’emprisonnement avec sursis, ils pourront également prononcer une sanction éducative. Le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d’emprisonnement, avec ou sans sursis, qu’après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. »

Au nom de ce principe, les magistrats et les juridictions spécialisées doivent se donner les moyens, à l’occasion de la procédure judiciaire, de connaître la personnalité du mineur, sa situation familiale et sociale et de rechercher, avant tout jugement, les mesures adaptées à sa rééducation. Cependant, le Conseil constitutionnel a indiqué dans deux décisions successives (C. const., 10 mars 2011, n° 2011-625 DC et 4 août 2011, n° 2011-635 DC) que les dispositions originelles n’écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n’excluaient pas, en cas de nécessité, que des sanctions leur soient infligées. De même, cette haute instance souligne régulièrement que les principes fondamentaux de la justice des mineurs doivent être conciliés avec d’autres exigences à valeur constitutionnelle, telle que la sécurité des personnes et des biens. Enfin, l’article 2 de l’ordonnance a longtemps prohibé le cumul d’une mesure éducative (à l’exception de la liberté surveillée) et d’une peine, contraignant ainsi le juge à procéder à un choix clair entre les deux réponses. La loi du 9 septembre 2002 a finalement introduit la notion intermédiaire de « sanction éducative » et autorisant la combinaison d’un placement et d’une mesure d’emprisonnement assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve, avant de disparaître définitivement avec la loi du 18 novembre 2016 qui permet désormais sans restriction le cumul de la peine avec une mesure éducative.

Une évolution symptomatique de l’évolution de la réponse sociale à la délinquance des mineurs, qui assume désormais complètement l’idée que l’éducation et la sanction sont devenues complémentaires.

B. Des intervenants spécialisés

1. Le juge des enfants

Afin d’associer intervention judiciaire et travail éducatif, ce magistrat peut intervenir à l’égard d’un mineur aux différents stades de la procédure pénale et pour toutes les procédures le concernant, tant en matière pénale que civile. Cette continuité permet, dans la durée, une adaptation constante du suivi éducatif et une cohérence dans le choix et l’articulation des mesures. Ce principe de « continuité personnelle » souffre cependant de certaines entorses, notamment l’impossibilité pour le juge ayant renvoyé l’affaire devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction (loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011, J.O. du 27-12-11), en vertu du principe d’impartialité objective. Certains tribunaux, attachés au principe de continuité de l’intervention, n’appliquent la prohibition qu’au juge des enfants qui, après analyse des charges, a décidé de renvoyer l’affaire devant le tribunal pour enfants, et non à celui qui a instruit l’affaire en amont. C’est ainsi que le juge qui connaît habituellement le mineur peut instruire le dossier et le juger, dès lors qu’il n’a pas signé l’ordonnance de renvoi devant la juridiction pour mineurs.

2. Les assesseurs des tribunaux pour enfants

La justice des mineurs a été précurseur en matière d’échevinage puisque, depuis 1945, elle associe des citoyens à l’acte de juger. A la différence des jurés d’assises, les assesseurs des tribunaux pour enfants ne sont pas des citoyens tirés au sort, mais des personnes qui, par leur expérience personnelle ou professionnelle, justifient d’un intérêt particulier pour les questions relatives à l’enfance et de compétences susceptibles de venir enrichir la composition de jugement des tribunaux pour enfants. Ils sont nommés pour 4 ans par arrêté du garde des Sceaux parmi les candidats présentés par le premier président de la cour d’appel.

Pour devenir assesseur, il faut :

→ être âgé d’au moins 30 ans (sans âge maximal) et de nationalité française ;

→ être domicilié dans le ressort du tribunal considéré ;

→ s’être signalé par l’intérêt porté aux questions de l’enfance et par ses compétences.

Les candidatures sont adressées au magistrat coordonnateur du tribunal pour enfants concerné, et sont instruites tous les 2 ans lors du renouvellement par moitié de la liste des assesseurs. Ces derniers sont indemnisés lorsqu’ils siègent à une audience du tribunal. Ils siègent aux côtés du juge des enfants qui préside l’audience, et disposent chacun d’une voix délibérative comme le magistrat professionnel.

3. Le parquet des mineurs

C’est le parquet du tribunal de grande instance (TGI) où est installé le tribunal pour enfants qui est compétent. Les parquets des autres TGI du département qui n’ont pas de tribunal pour enfants peuvent procéder à certains actes urgents de poursuite et d’information, à charge pour eux de se dessaisir dans les plus brefs délais (ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 [Ord. 1945] modifiée, art. 7) au profit du parquet des mineurs compétent.

Conformément aux dispositions de l’article R. 212-13 du code de l’organisation judiciaire sont désignés au sein de chaque parquet associé à un tribunal pour enfants des magistrats spécialement en charge des affaires de mineurs. Ces magistrats spécialisés constituent des interlocuteurs privilégiés des juges des enfants comme des services et établissements de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Au sein des parquets généraux des cours d’appel, la désignation de magistrats spécialement chargés du contentieux des mineurs permet d’assurer la cohérence des actions conduites par les différents parquets du ressort et notamment la déclinaison de politiques pénales adaptées tant aux particularités locales qu’aux spécificités de la matière (circulaire CRIM-2016-29/E1 du 13 décembre 2016).

4. Le juge d’instruction des mineurs

Le juge d’instruction des mineurs fait l’objet d’une désignation particulière par le premier président de la cour d’appel sur proposition du procureur général. Dans la pratique, sa spécialisation est souvent très relative, en l’absence de formation spécifique obligatoire.

5. Le conseiller délégué à la protection de l’enfance

Le conseiller délégué à la protection de l’enfance préside la chambre spéciale des affaires de mineurs qui examine les appels des décisions des juges des enfants et des tribunaux pour enfants du ressort. Il siège également comme membre de la chambre de l’instruction lorsque celle-ci connaît d’une affaire dans laquelle un mineur est impliqué, soit seul, soit avec des coauteurs ou complices majeurs.

6. L’avocat

La présence de l’avocat tout au long de la procédure est exigée, et le mineur ne peut renoncer à son assistance. La loi du 18 novembre 2016 la rend obligatoire durant la garde à vue. Depuis l’ordonnance n° 2005-1526 du 8 décembre 2005 modifiant la loi sur l’aide juridictionnelle, le mineur délinquant a droit à l’aide juridictionnelle de plein droit sans considération des revenus de ses parents. Il dispose du libre choix de son avocat. A défaut de choix d’un avocat par le mineur ou ses responsables légaux, le juge doit saisir le bâtonnier en vue de la désignation d’un avocat d’office (Ord. 1945 modifiée, art. 4, 4-1 et 10 al. 1er).

7. Les éducateurs de la PJJ

Les missions des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse sont fixées par le projet stratégique national (PSN) 2008/2011 : conseiller, éduquer, évaluer et organiser. Concrètement, les missions sont diverses : ils participent à l’organisation et à la mise en œuvre d’actions de prévention auprès des mineurs et des jeunes majeurs, ils conduisent des actions d’éducation, d’investigation, d’observation et d’insertion auprès des mineurs délinquants ou en danger, et des jeunes majeurs faisant l’objet d’une mesure de protection judiciaire. Ils peuvent, en outre, assurer des fonctions d’enseignement ou d’animation pédagogique. Ils assurent également l’accueil des mineurs et de leurs familles et ont une mission d’intervention continue auprès des jeunes mineurs incarcérés.

Ces éducateurs interviennent dans les différents services de la PJJ, tels les établissements publics éducatifs et d’insertion (EPEI), les unités éducatives d’hébergement, les centres éducatifs renforcés ou fermés. Ils interviennent également dans les services de milieu ouvert : service territorial éducatif de milieu ouvert (STEMO), pour l’exercice, notamment des mesures judiciaires d’investigation éducative (MJIE), des mesures de milieu ouvert préjudicielles ou post-sentencielles et de la permanence éducative auprès du tribunal (PEAT). Ils sont également présents dans les quartiers pour mineurs des maisons d’arrêt et au sein des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) aux côtés des membres de l’administration pénitentiaire.

C. Des dispositions plus protectrices

La troisième spécificité consacrée par l’ordonnance du 2 février 1945 consiste à adapter la loi pénale et la procédure pénale à la situation particulière du mineur pour tenir compte de sa vulnérabilité. Parmi ces dispositions plus protectrices figurent notamment :

→ la durée limitée et les conditions restrictives en matière de garde à vue et de détention provisoire ;

→ l’atténuation du maximum de la peine encourue en raison de la minorité ;

→ l’inscription des condamnations sur le seul bulletin n° 1 du casier judiciaire qui ne peut être communiqué qu’aux autorités judiciaires ;

→ la présence obligatoire de l’avocat à chaque stade de la procédure ;

→ la présence constante des représentants légaux à tous les stades de la procédure, qui doivent être informés régulièrement (garde à vue, ouverture de l’instruction, notification des décisions) et convoqués pour chaque acte lorsque le mineur doit être entendu ;

→ la publicité restreinte des débats judiciaires. Sauf exception, les débats ne sont pas publics. Chaque affaire doit ainsi être jugée séparément des autres, et seuls sont autorisés à assister aux débats la victime, les proches parents du mineur, ses représentants légaux, les services éducatifs et les avocats. En revanche, les jugements (sauf ceux rendus par le juge des enfants en chambre du conseil) sont rendus publiquement. Ils peuvent même être publiés mais sans mentionner le nom du mineur sous peine d’une amende de 15 000 €.

II. La responsabilité du mineur et des adultes du fait du mineur

A. La responsabilité pénale du mineur

Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la loi française connaît un régime de responsabilité pénale des mineurs. L’ordonnance du 2 février 1945 modifiée ne fixe aucun âge minimal en dessous duquel l’exercice de poursuites pénales serait impossible. Un enfant de 10 ans, voire plus jeune, peut donc être poursuivi et déclaré coupable de vol. Cette condamnation sera alors inscrite sur le bulletin n° 1 du casier judiciaire.

1. Le mineur capable de discernement

Les mineurs de moins de 13 ans déclarés coupables ne peuvent être cependant condamnés à une sanction pénale. Le seuil d’âge légal de 13 ans intervient donc dans le choix des mesures applicables au mineur délinquant et non dans la déclaration de culpabilité.

La jurisprudence a apporté une précision fondamentale sur ce sujet. La chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt « Laboube » rendu le 13 décembre 1956, qu’avant même que ne se pose la question de l’aptitude de l’enfant à subir une peine, l’infraction n’existe que si son auteur a agi avec « intelligence et volonté ». L’article 122-8 du code pénal intègre d’ailleurs la notion de discernement comme indissociable de la responsabilité pénale du mineur.

2. L’appréciation du discernement

De nombreux critères peuvent être pris en considération, comme l’âge de l’enfant, sa maturité, son niveau d’intelligence, son comportement lors de la commission de l’infraction, ou encore la nature de l’infraction. Selon qu’il s’agit d’un vol, d’un recel ou d’une agression sexuelle, un jeune enfant n’a pas forcément la même conscience du caractère répréhensible de l’acte.

B. La responsabilité civile personnelle du mineur

Depuis trois arrêts de principe rendus par la Cour de cassation le 9 mai 1984 (Cassation criminelle [Cass. crim.], 9 mai 1984, n° 80-93301 ; Cassation assemblée plénière [Cass. ass. plén.], 9 mai 1984, nos 80-93031 et 80-14994), la responsabilité civile personnelle du mineur est engagée indépendamment de toute question de discernement, que les faits commis soient volontaires ou purement accidentels. La victime peut diriger sa demande indemnitaire soit contre le mineur, soit civilement contre ses responsables légaux seuls (parents, tiers gardien), soit, comme c’est le plus souvent le cas, contre les deux.

C. La responsabilité civile des parents

L’article 1242, alinéa 4 du code civil qui dispose que « les père et mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux », sans qu’il soit nécessaire de rechercher si les parents ont été défaillants dans la surveillance de l’enfant. Les père et mère sont responsables de plein droit (automatiquement) sauf en cas de force majeure ou de faute de la victime (Cass. civ. 2e, 19 février 1997, n° 94-21111). La force majeure suppose un événement imprévisible, irrésistible et extérieur, sans la survenance duquel les parents auraient été en mesure d’empêcher la réalisation du dommage. Une telle preuve sera certainement quasi impossible à rapporter. Jusqu’à présent, aucune décision de la Cour de cassation n’a retenu la force majeure pour exonérer les parents de leur responsabilité.

Quant à la faute de la victime, il ne s’agit pas réellement d’une cause d’exonération de la responsabilité du fait d’autrui, mais plutôt d’une altération partielle ou totale de la responsabilité de l’auteur principal, c’est-à-dire du mineur.

1. L’exigence d’exercice de l’autorité parentale

La Cour de cassation a toujours refusé d’étendre l’application de cette responsabilité de plein droit à d’autres personnes, même proches du mineur, exerçant le droit de garde. Ainsi, la responsabilité des grands-parents ne saurait être recherchée sur le fondement de cet article. La loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a consacré cette évolution en modifiant l’article 1384 (devenu l’article 1242) du code civil. Désormais, un parent non titulaire de l’exercice de l’autorité parentale ne peut plus être déclaré civilement responsable, même si l’enfant a causé le dommage alors qu’il l’hébergeait à son domicile le temps d’un week-end. Sa responsabilité pourra toutefois être recherchée sur le terrain de la faute (code civil, art. 1240). Mais en ce cas, les juridictions des mineurs n’auront pas compétence pour en connaître et la victime devra assigner ce parent devant le tribunal d’instance ou de grande instance statuant au civil.

2. Une acception large de la notion de cohabitation

Lorsque les parents détenteurs de l’exercice de l’autorité parentale, mariés ou non, vivent sous le même toit ou sont séparés de fait, ils sont considérés comme cohabitant avec leur enfant, et donc civilement responsables de plein droit des dommages causés par ce dernier. Peu importe alors qui était l’adulte ou l’institution en charge de le surveiller (autre parent, membre de la famille, école, institut médico-éducatif…).

En revanche, lorsque le juge aux affaires familiales a statué sur les modalités de la résidence séparée des parents, la cohabitation juridique n’existe plus qu’entre l’enfant et le parent chez lequel est fixée sa résidence habituelle. Ainsi, si la résidence habituelle de l’enfant a été fixée chez la mère, celle-ci sera seule responsable de plein droit des agissements de l’enfant, même si celui-ci crée le dommage alors qu’il est en vacances chez son père, ou a fortiori chez un tiers.

La cohabitation de l’enfant avec son ou ses parents ne cesse que si celui-ci est confié à un tiers par décision judiciaire : placement en assistance éducative ou dans le cadre pénal, incarcération du mineur, délégation d’autorité parentale, tutelle confiée à un tiers…

D. La responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre

Par un arrêt « Blieck » rendu par l’assemblée plénière le 29 mars 1991, la Cour de cassation a institué un principe général de responsabilité du fait d’autrui (Cass. ass. plén., 29 mars 1991, n° 89-15231). C’est sur ce fondement qu’ont été tour à tour reconnues la responsabilité d’une institution accueillant des personnes handicapées et celle d’institutions hébergeant des mineurs. L’arrêt « Notre-Dame des Flots » de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 mars 1997 a précisé qu’il s’agissait bien d’une responsabilité sans faute, comme celle des parents (Cass. crim., 26 mars 1997, n° 95-83958).

C’est la décision de placement judiciaire qui opère transfert de responsabilité entre les parents et le tiers gardien, qui peut être une personne physique (membre de la famille, tiers digne de confiance), une institution publique (foyer du ministère de la Justice, conseil départemental) ou une institution du secteur associatif (maison d’enfants à caractère social, lieu de vie…). La responsabilité du tiers est engagée dès lors que la décision lui confiant l’enfant lui a été notifiée, quel qu’en soit le mode (en main propre contre un récépissé, par fax, courrier recommandé…). Tant que le gardien n’a pas reçu la décision, il ne peut être considéré comme civilement responsable, même si l’enfant se trouve déjà entre ses mains.

Par ailleurs, la Cour de cassation rappelle régulièrement que ni la fugue ni les retours de l’enfant dans sa famille ne suspendent la responsabilité du tiers gardien « dès lors qu’aucune décision judiciaire n’a suspendu ou interrompu cette mission éducative » (Cass. civ. 2e, 6 juin 2002, n° 00-12014). La responsabilité du gardien ne prend donc fin que lorsque lui est notifiée par le juge la décision de mainlevée de la décision lui confiant l’enfant.

1. La responsabilité du secteur public

La responsabilité de la collectivité (Etat, département) peut être engagée si l’enfant a été placé au titre de l’ordonnance du 2 février 1945 dans un établissement public ou associatif, voire chez un particulier. En cas de dommages créés par les mineurs pendant la durée de leur placement, les juridictions administratives ont plénitude de compétence pour engager la responsabilité de l’Etat. En effet, depuis un arrêt du 3 février 1956, le Conseil d’Etat applique une jurisprudence de responsabilité sans faute, en vertu d’une théorie du risque liée à l’accueil de mineurs délinquants. Les juridictions administratives font droit à ce titre aux demandes d’indemnisation des tiers à partir du moment où le mineur auteur du dommage était placé au titre de l’ordonnance du 2 février 1945, quelle que soit la structure d’accueil. Et depuis un arrêt « Montjoie » du 16 juin 2008, le Conseil d’Etat admet même que le seul fait que le mineur soit placé sous le régime de la liberté surveillée ouvre droit à indemnisation de la victime sur le fondement de la théorie du risque, même en l’absence de placement. Par ailleurs, l’évolution de la jurisprudence administrative tend à exclure les causes possibles d’exonération de la responsabilité de l’Etat, notamment en cas de fugue du mineur.

La responsabilité de la collectivité (Etat, département) peut également être engagée si l’enfant a été confié à une institution à caractère public. Depuis que la protection judiciaire de la jeunesse n’accueille quasiment plus de mineurs en assistance éducative, seul le conseil départemental est de fait concerné, qu’il soit tuteur de l’enfant, délégataire de l’autorité parentale ou gardien au titre de l’assistance éducative. En vertu du principe de séparation des pouvoirs, sa responsabilité ne peut être recherchée que devant les juridictions administratives. Les juridictions pénales pour mineurs et les juridictions civiles de l’ordre judiciaire devront se déclarer incompétentes pour connaître des demandes indemnitaires adressées au conseil départemental. Le régime de responsabilité de l’administration est désormais aligné par le Conseil d’Etat sur celui de la jurisprudence judiciaire, c’est-à-dire une responsabilité sans faute de l’administration (Conseil d’Etat, 11 février 2005, n° 252169).

2. La responsabilité du secteur associatif

La responsabilité de l’Etat initiée pour les mineurs confiés au secteur public a été progressivement étendue par le Conseil d’Etat à tous les mineurs confiés, au titre de l’ordonnance de 1945, au secteur associatif, habilité ou non, voire à des personnes physiques. C’est donc en principe la juridiction administrative qui est compétente pour connaître de la demande en indemnisation de la victime, si cette dernière décide de rechercher la responsabilité de l’Etat. Toutefois, la victime peut toujours préférer agir contre le tiers gardien, personne physique ou association privée, devant les tribunaux de l’ordre judiciaire (juridictions pénales pour mineurs ou juridictions civiles). Dans un arrêt du 7 mai 2003, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi déclaré civilement responsable une association à qui les mineurs étaient confiés au titre de l’ordonnance du 2 février 1945 (Cass. civ. 2e, 7 mai 2003, nos 01-15607 et 01-15923).

Mais dans ce cas, le Conseil d’Etat admet que ce tiers, personne privée gardien du mineur, peut disposer d’une action en garantie contre l’Etat (Conseil d’Etat, 1er février 2006, n° 268147 ; Conseil d’Etat, 17 mars 2010, n° 315866) pour le remboursement des sommes versées.

Lorsque l’enfant a été confié à une institution, une association ou à une personne physique au titre de l’assistance éducative ou de tout autre décision à caractère civil, ce tiers gardien pourra être déclaré civilement responsable de plein droit sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1er du code civil, tant devant les juridictions pénales pour mineurs que devant les juridictions civiles.

Une difficulté peut toutefois se poser lorsque l’enfant n’est pas directement confié au tiers par le juge, mais sous couvert d’un placement au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE), situation de plus en plus fréquente dans la mesure où les juges des enfants ont de moins en moins recours au placement direct en assistance éducative, préférant confier l’enfant au département qui l’orientera ensuite vers telle ou telle structure éducative. Depuis un arrêt rendu le 7 octobre 2004 (Cass. civ. 2e, n° 03-106078), la Cour de cassation considère que c’est bien le département et non l’association gardienne qui a « la charge d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de l’enfant », de sorte que la responsabilité de l’association pourra être écartée. Parallèlement, le Conseil d’Etat admet désormais la responsabilité du département dans ce cas de figure.

E. L’action en responsabilité du fait d’autrui

Il appartient en principe à la victime qui veut faire déclarer un tiers responsable en lieu et place des parents de faire citer celui-ci à l’audience devant la juridiction pour mineurs. Le gardien déclaré civilement responsable d’un mineur ne sera tenu qu’aux dommages et intérêts, in solidum avec celui-ci. Les sommes allouées à la partie civile sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale (il s’agit essentiellement de la participation au paiement des frais d’avocat) ne sont pas des dommages et intérêts et ne peuvent donc être mis qu’à la charge du mineur auteur de l’infraction. Il en va de même des frais d’expertise.

III. La dimension éducative des mesures applicables au mineur délinquant

A. Les mesures provisoires

Le plus souvent prononcées au moment de la mise en examen du mineur, les mesures provisoires à caractère éducatif peuvent également être ordonnées puis modifiées à tout moment de la phase d’instruction, jusqu’au jugement de l’affaire. Elles tendent à mettre en place une action éducative auprès du mineur et de sa famille, mais aussi à pouvoir apprécier, dans l’attente du jugement, l’aptitude du mineur à respecter des engagements, à s’insérer dans la société et à mettre fin à ses comportements délinquants. Complétant souvent les mesures d’instruction sur la personnalité, elles s’inscrivent dans un processus dynamique. Le service éducatif en charge de ces mesures provisoires adressera un rapport à la juridiction de jugement dont il sera tenu compte dans la décision qui sera rendue. On trouve parmi ces mesures :

→ la liberté surveillé préjudicielle, exercée par le service public de protection judiciaire de la jeunesse, qui consiste à mettre en place un suivi éducatif auprès du mineur dont l’objectif variera en fonction de la problématique rencontrée ;

→ le placement, qui consiste à confier le mineur soit à l’autre parent, à son tuteur, gardien ou à une personne digne de confiance, soit à une institution (lieu de vie, centre éducatif fermé, ASE, centre éducatif renforcé…) ;

→ la mesure de réparation, qui vise à responsabiliser le mineur vis-à-vis de l’acte commis en lui faisant prendre conscience de l’existence de la loi pénale, de son contenu et des conséquences de sa violation pour lui-même, pour la victime, et pour la société toute entière. Elle comporte une double dimension éducative et restauratrice. La réparation peut être directe, c’est-à-dire à destination de la victime, dont l’accord doit être recueilli au préalable. Elle peut aussi être indirecte, dans l’intérêt de la collectivité, et peut s’effectuer avec l’appui de supports très variés (association caritative, mairie, école…) ou consister en la participation à un stage, la rédaction d’un écrit… ;

→ la mesure d’activité de jour, qui donne un cadre juridique aux activités d’insertion professionnelle ou sociale sans hébergement mises en œuvre par la PJJ ou les associations habilitées. Le mineur participe ainsi à des activités en journée d’insertion professionnelle ou scolaire, soit auprès d’une personne morale de droit public, soit auprès d’une personne morale de droit privé exerçant une mission de service public ou d’une association habilitée à organiser de telles activités, soit au sein d’une unité éducative d’activité de jour du service de la PJJ.

B. Les mesures prononcées par jugement

1. L’admonestation, la remise à parents et l’avertissement solennel

Si dans l’année qui suit le prononcé d’une remise à parent ou d’une admonestation, le mineur commet une infraction identique ou assimilée, il n’est pas possible d’ordonner une nouvelle mesure du même type.

2. La liberté surveillée

La liberté surveillée ne peut être qu’accessoire à une autre mesure, éducative ou répressive, et ne peut se prolonger au-delà de la majorité.

3. Le placement éducatif

La plupart des décisions prises par le tribunal pour enfants consistent essentiellement à confirmer une décision qui avait déjà été prononcée dans le cadre des mesures provisoires.

4. La mise sous protection judiciaire

La mise sous protection judiciaire permet à certains jeunes délinquants de bénéficier du soutien d’une mesure éducative au-delà de leur majorité, sous réserve de l’accord de l’intéressé. Elle consiste en un placement dans une institution ou un établissement habilité, ou en une mesure de « protection en milieu ouver », comparable à une mesure de liberté surveillée.

La mesure peut s’avérer pertinente à l’égard d’un mineur qui commence à commettre des infractions répétées et dont la prise en charge risque de décliner, en fonction de son évolution et des circonstances, tantôt dans le cadre d’une mesure de milieu ouvert, tantôt sous la forme d’un placement. Elle seule peut permettre également une prise en charge purement éducative, de placement ou de suivi en milieu ouvert, dans un cadre pénal au-delà de la majorité.

5. L’exécution d’une mesure d’activité de jour

Cette mesure peut aussi être prononcée à titre de sanction éducative. Elle offre une alternative ou une complémentarité aux mesures de milieu ouvert ou de placement.

6. La mesure d’aide ou de réparation

Cette mesure ne peut être valablement prononcée qu’avec l’accord de la victime si la mesure la concerne directement. A la différence des travaux d’intérêt général, aucune sanction n’est prévue en cas d’exécution. C’est une mesure purement éducative.

7. Le service citoyen

Le service citoyen s’adresse aux mineurs âgés de 16 à 18 ans (dénommés « volontaires pour un contrat de service »). C’est une alternative à l’incarcération ou au placement en centre éducatif fermé. Les jeunes sont accueillis par les établissements publics d’insertion de la défense sous le régime de l’internat. Ces derniers mettent en œuvre des activités afin de permettre au mineur de s’engager dans un processus d’insertion sociale et professionnelle afin qu’il ne s’installe pas dans la délinquance, et de l’encourager à reprendre une formation scolaire ou professionnelle, ou une formation en alternance dans le cadre de contrats d’apprentissage ou de professionnalisation.

C. Les sanctions

Créées par la loi n° 2002-1138 du 8 septembre 2002, les sanctions éducatives, qui peuvent être prononcées de 10 à 18 ans, ont pour objet d’apporter une réponse mieux adaptée aux faits commis par les mineurs et à leur personnalité lorsque les mesures éducatives apparaissent insuffisantes et que le prononcé d’une peine constituerait une sanction trop sévère. De nature intermédiaire entre mesures éducatives et peines, elles sont particulièrement adaptées aux mineurs de 10 à 13 ans qui ne pouvaient jusqu’à maintenant faire l’objet que de mesures éducatives, notamment lorsqu’ils ont déjà été poursuivis, ont déjà fait l’objet d’une mesure éducative et qu’il est nécessaire d’apporter une réponse judiciaire plus ferme. En cas de non-respect de ces sanctions, le jeune délinquant sera placé dans un établissement éducatif pour mineurs, à l’exception des centres éducatifs fermés. A titre d’exemple, on peut citer la confiscation d’un objet ayant servi à la commission de l’infraction ou qui en est le produit, l’interdiction de paraître dans le lieu de l’infraction, de rencontrer la victime de l’infraction, l’obligation de suivre un stage de formation civique, la mesure de réparation, l’obligation de respecter un couvre-feu ou le placement en institution.

D’après l’article de Laurent Gebler, vice-président du tribunal pour enfants de Bordeaux, extrait du Guide de l’action sociale 2018.

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