Si, en France, les condamnations pour délit de solidarité se multiplient, les autres pays européens ne sont pas en reste. En Grèce, un homme a été condamné le 30 novembre dernier à sept ans de prison par la cour d’assises de Patras pour « transport illégal en masse » alors qu’il faisait passer sa belle-famille de nationalité syrienne sur le sol grec. Au Danemark, en 2016, près de 300 personnes ont été poursuivies pour « aide à la circulation et au séjour » de personnes en situation irrégulière.
Le durcissement du ton en Italie à l’égard des organisations non gouvernementales (ONG) portant secours en mer a également franchi un cap cette année, menant à la mise sous séquestre, en mars 2018, du bateau humanitaire Open Arms de l’ONG espagnole Proactiva. D’une dizaine d’ONG présentes en mer Méditerranée centrale en 2016, il n’en restait plus qu’une en juin. « Plus de 600 personnes tentant de traverser la Méditerranée se sont noyées au cours des quatre dernières semaines, soit la moitié du nombre total de morts dans la zone en 2018, car il n’y avait plus de bateaux de sauvetage d’ONG actives en Méditerranée centrale », dénonçait, le 12 juillet, Médecins sans frontières sur les réseaux sociaux.
Pourtant, la directive de l’Union européenne (UE) n° 2002/90/CE du 28 novembre 2002, dite directive « facilitation », qui définit l’infraction « d’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers » et qui oblige les Etats à adopter des sanctions appropriées, ne concerne que l’aide apportée dans un but lucratif. Mieux encore, la directive permet aux Etats de décider de ne pas imposer de sanctions « dans les cas où ce comportement a pour but d’apporter une aide humanitaire à la personne concernée ».
C’est ce que le Parlement européen a jugé utile de rappeler à l’occasion d’une résolution non législative adoptée jeudi 5 juillet, regrettant que peu d’Etats membres aient intégré cette exception dans leur législation nationale. « Les Etats membres doivent garantir que l’aide humanitaire aux migrants ne soit pas considérée comme une infraction pénale », ont affirmé les eurodéputés.
A l’heure actuelle, 16 pays de l’Union européenne appliquent des législations pénalisant potentiellement l’aide à l’entrée, à la circulation ou à l’hébergement de personnes en situation irrégulière, précise la Cimade, dans une note d’analyse publiée le 26 juin. Parmi eux, seuls sept pays [dont le Royaume-Uni, l’Espagne, la Grèce et la Belgique, NDLR] excluent dans leurs textes l’aide humanitaire de l’infraction. Par ailleurs, certaines législations différencient l’aide apportée à but lucratif ou non, ainsi que le permet l’UE dans sa directive. » C’est le cas de l’Allemagne, où la loi ne porte que sur l’aide à l’entrée et au séjour des étrangers à but lucratif.
« Cependant, certaines de ces législations changent actuellement et deviennent plus répressives envers les organisations et les individus qui feraient acte de “facilitation”, poursuivent les auteurs de la note. C’est par exemple le cas en Hongrie où la criminalisation des personnes étrangères et des organisations de défense des droits bat son plein. L’aide envers les personnes exilées est sanctionnée notamment par des campagnes de diffamation de la part du gouvernement, par la coupe de fonds et par une loi adoptée en avril 2017 obligeant les ONG hongroises bénéficiant de financements étrangers à s’enregistrer. »
Le changement pourrait néanmoins venir d’une initiative citoyenne européenne (ICE), lancée en décembre 2017 et soutenue par la Ligue des droits de l’Homme, le collectif Délinquants solidaires et plus de 130 organisations de la société civile issues de 15 Etats membres. Intitulée « Pour une Europe accueillante », elle appelle l’Union européenne à mettre fin au délit de solidarité, et pourra être examinée par la Commission européenne si elle atteint 1 million de signatures dans au moins 7 pays des 28.