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« Si on ne change pas la loi, le délit de solidarité reste répréhensible »

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Pour cette juriste au Groupe d’information et de soutien aux immigrés (GISTI), la décision du Conseil constitutionnel est une avancée importante mais symbolique : si les députés ne se saisissent pas des articles sur lesquels s’appuie le délit de solidarité, celui-ci pourrait perdurer.
Que recouvre le délit de solidarité en France ?

On constate que très régulièrement, et de façon plus importante ces dernières années, les personnes sont poursuivies, soit convoquées au commissariat, soit condamnées à l’issu d’un procès, pour être venues en aide à des exilés. On est en permanence dans ce hiatus entre un appel à la solidarité – lors du démantèlement de la « jungle » de Calais, le gouvernement a essayé de faire en sorte que tous les départements de France prennent leur part dans l’accueil et un grand nombre de maires avaient répondu présents – et le soupçon permanent, comme l’avait dit Eric Besson, d’être dans « une complicité de fait avec les passeurs » même si elle n’est pas voulue.

De quand date ce durcissement en matière migratoire ?

Il est frappant de voir que, il y a deux ans, le préfet de Catane en Sicile avait provoqué un tollé en disant que les organisations non gouvernementales sont complices des passeurs et qu’il faudrait les poursuivre. Aujourd’hui, nombreuses sont les voix qui se joignent à ce discours. Le durcissement est bien antérieur à ce qu’on appelle la « crise migratoire ». Le fait de poursuivre ceux qui font acte de solidarité est pratiqué depuis un certain temps, avec des périodes de plus forte activité des forces de police et des périodes d’accalmie. On parle en tout cas plus régulièrement du « délit de solidarité » depuis 2009. A chaque modification du texte, les gouvernements ont annoncé la fin du délit de solidarité, pourtant il continue de perdurer. Et avec le projet de loi « asile-immigration », les choses sont en voie d’être exacerbées davantage. Dans les amendements apportés par le Sénat, il a été question de sanctionner les personnes qui fournissent des faux pour que des exilés puissent être domiciliés. Il faut savoir que certaines démarches, comme demander un titre de séjour, ne peuvent pas se faire sans domicile. Un certain nombre de bénévoles signent par conséquent des documents assurant qu’ils hébergent chez eux des migrants. Ce sont des faux, mais dont la personne ne retire aucun bénéfice d’ordre lucratif. C’est ce qui permet à la personne d’avoir une existence officielle sur le territoire pour faire des démarches. On pourrait imaginer que, demain, des parlementaires estiment qu’aider des étrangers en leur donnant un toit et de la nourriture encouragerait l’immigration illégale.

Qu’apporte donc la décision du Conseil constitutionnel ?

La décision du Conseil constitutionnel est importante car elle accepte l’argumentaire présenté par les avocats et la douzaine d’organisations qui se sont portées volontaires aux côtés des condamnés. Le Conseil constitutionnel a reconnu le principe de fraternité, en assurant qu’on ne peut pas punir des personnes qui ont commis des actes de solidarité. On peut penser que les avocats vont systématiquement invoquer cette décision dans leur défense. Cela va probablement changer la façon dont les cas vont être jugés, mais il n’empêche que si on ne change pas l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le délit de solidarité reste répréhensible. Or les amendements déposés ne concernent que l’article L. 622-4 en y ajoutant de nouvelles immunités, et ce n’est pas satisfaisant. Le cas de Monique Pouille, une retraitée de 62 ans, est un exemple assez éclairant. Elle a été poursuivie, convoquée au commissariat et perquisitionnée en 2009 pour avoir rechargé les portables de réfugiés venus s’installer près de chez elle. Dans l’article L. 622-4, il n’y a en effet aucune immunité pour les recharges de portable. Il suffit qu’une personne n’ait pas un geste prévu par la loi pour qu’elle soit poursuivie.

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