Intitulée « C’est la loterie : traitement arbitraire des enfants migrants non accompagnés à Paris », l’enquête de 82 pages publiée mercredi 4 juillet par Human Rights Watch tire à boulets rouges sur la Croix-Rouge française et la mairie de la capitale. « A Paris, les autorités de la protection de l’enfance recourent à des procédures défaillantes d’évaluation de l’âge des enfants migrants non accompagnés, excluant un grand nombre d’entre eux de la prise en charge », écrit l’ONG.
A leur arrivée dans la capitale, les migrants qui se déclarent mineurs sont pris en charge par la Croix-Rouge, mandatée par la ville de Paris depuis 2015 pour gérer le dispositif d’évaluation de la situation des jeunes étrangers isolés, et notamment leur âge. Or, après avoir suivi 49 enfants non accompagnés et examiné les évaluations de 35 autres cas, Human Rights Watch affirme avoir constaté des « pratiques arbitraires » ou des « entretiens flash mal menés », à l’origine d’erreurs. Résultat : certains jeunes seraient considérés à tort comme adultes à leur arrivée sur le territoire et, de ce fait, se trouveraient privés de la protection dont ils devraient bénéficier en tant que mineurs.
La possession de documents d’identité ne garantirait ni le succès ni la rapidité de la procédure, selon l’ONG. « Même ceux qui présentent des documents sont souvent rejetés. Les autorités chargées de la protection de l’enfance et les juges contestent l’authenticité des actes de naissance, passeports et autres pièces d’identité », écrit à ce propos Human Rights Watch. En février 2018, lorsque l’enquête a débuté, environ 400 enfants non accompagnés dormaient « dehors » à Paris, selon les estimations d’avocats et d’organisations non gouvernementales, relayées par l’ONG.
L’association mise en cause dans sa mission d’évaluation des mineurs isolés étrangers à Paris s’est rapidement inscrite en faux face aux conclusions de l’étude de Human Rights Watch dans un communiqué en « réfutant les accusations portées dans ce rapport dont la méthodologie reste floue ». L’organisation pointe le fait que sur près de 6 600 jeunes accueillis au dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers (DEMIA) 75, seuls 49 d’entre eux ont été interrogés par Human Rights Watch.
Reprenant les termes du rapport incendiaire, la Croix-Rouge affirme que sa mission n’est en aucun cas « une loterie », « arbitraire », basée « sur des entretiens de 5 minutes ». Pour rendre un avis, l’organisation utilise un entretien d’évaluation réglementé, élaboré par des experts juridiques, psychologiques et pédiatriques, en tenant compte de l’avis du défenseur des droits. Le tout dans le respect de la loi de mars 2016 sur la protection de l’enfant. Par ailleurs, la Croix-Rouge a rappelé qu’elle ne s’occupait ni de la décision prise, ni de son application. Depuis 2011, sur les 20 000 avis d’évaluation rendus, seuls deux ont fait l’objet d’une contestation en justice, qui a toujours donné raison à l’organisation humanitaire. De son côté, la mairie de Paris a tenu à réaffirmer « son total soutien à la Croix-Rouge ».