Lors de son discours au 42e congrès de la Mutualité française le 13 juin dernier à Montpellier, le président de la République a fait de l’accompagnement du vieillissement l’un des enjeux majeurs de sa politique économique, sociétale et sociale.
Il a ainsi démontré que le grand âge était considéré à la hauteur de ses enjeux pour notre pays. L’implication de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, et de la présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), Marie-Anne Montchamp, témoigne également de cette importance portée au plus haut sommet de l’État par les pouvoirs publics aux défis de notre secteur. Nous ne pouvons naturellement que saluer cet engagement alors même que l’évolution démographique appelle à une prise de conscience de chacune et de chacun d’entre nous, à titre individuel et collectif, de l’allongement de la durée de vie.
L’annonce d’un débat national sur la perte d’autonomie, de la création d’un nouveau risque, du vote d’une loi en 2019 marque une nouvelle étape importante après la loi d’adaptation de la société au vieillissement (loi dite « ASV ») du précédent quinquennat.
Ces perspectives sont logiques compte tenu du vieillissement de la population. Il aurait été surprenant que le président de la République ne se saisisse pas, avec volontarisme, de ces dossiers qui engagent chaque personne. Il a d’ailleurs eu raison de signifier combien notre société a trop souvent une retenue, voire une réticence, à aborder les sujets du grand âge et de la fin de vie. Ils sont pourtant essentiels, et ce pour toutes les générations.
S’il est bien sûr, à ce stade, trop tôt pour se prononcer sur ces grandes échéances et ces réformes dans lesquelles le Synerpa s’impliquera pleinement, elles appellent d’ores et déjà des questions fondamentales qui doivent être débattues.
La première question est, bien sûr, celle du financement. Après l’hypothèse d’une journée de solidarité supplémentaire au mois de mai dernier, le chef de l’État a, dans son discours, opté pour la création d’un nouveau risque, le fameux « 5e risque » tel qu’il a été désigné dans le passé. Il a évalué son coût entre 9 et 10 milliards d’euros. Cette somme globale devra, de fait, être répartie entre les soins, avec plus de médicalisation des établissements, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), avec toujours plus de personnes en perte d’autonomie et, enfin, l’hébergement, avec plus de services pour répondre aux nouvelles attentes des résidents et de leurs proches. Quels seront alors les canaux retenus pour obtenir cette somme ? Le recours à l’impôt auprès des particuliers ou des entreprises ? Le recours au patrimoine des personnes ? Autant de pistes possibles qui devront faire l’objet de discussions puis de décisions prochaines compte tenu des délais resserrés annoncés par Emmanuel Macron.
La deuxième question est celle du rôle et des moyens de l’État et des Départements dans la politique du grand âge. Ce rôle et ces moyens doivent être aujourd’hui simplifiés et clarifiés. L’organisation et la répartition actuelles, avec des financeurs multiples, s’avèrent complexes à comprendre pour le grand public et à mettre en œuvre par les acteurs. Elles peuvent créer une confusion dans l’opinion débouchant sur des critiques souvent inexactes du système. Elles aboutissent parfois à des situations problématiques. Un exemple emblématique : l’inégalité des citoyens devant l’APA selon les départements, et ce qu’ils soient résidents en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou aidés à domicile.
La troisième question, enfin, est celle de financements supplémentaires, individuels ou collectifs, via les mutuelles ou les assurances. Compte tenu de l’évolution démographique et de la situation des comptes publics, cette question, très longtemps taboue alors qu’elle concerne l’avenir de tous, devra sans doute donner lieu à un débat de société.
Dans le cadre des réformes annoncées à Montpellier, le Synerpa soulignera la place et la contribution du secteur privé dans l’offre globale actuelle et à venir. Les résidences services seniors (RSS), les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) et les Ehpad de nos adhérents accompagnent quotidiennement, sur tout le territoire, des centaines de milliers de personnes avec des équipes de professionnels reconnus. Nous serons, par conséquent, des parties prenantes actives, vigilantes et porteuses de propositions.
Plusieurs autres points du discours d’Emmanuel Macron du 13 juin sont à noter car ils font écho à notre engagement. Face aux doutes, aux tensions qui se sont exprimées au sujet des Ehpad durant cette année, nous considérons que la présence d’infirmières de nuit dans les établissements et le déploiement généralisé de la télémédecine annoncés par la ministre fin mai sont des mesures constructives. Elles nécessiteront, en particulier pour les infirmières, un temps d’adaptation mais correspondent à une médicalisation toujours plus prononcée des Ehpad.
Mais, au-delà de ces premières mesures, nous estimons que, à court et à moyen terme, ce sont les questions de formation et de professionnalisation qui feront évoluer la situation.
Pour cela, nous recommandons la création d’un plan « métiers » dédié qui suscite des vocations, propose des formations et accompagne les évolutions de carrières. L’objectif est que le grand âge devienne ce levier d’emplois indispensables dans tout l’Hexagone. Rappelons que pour les 15 années à venir, ce sont environ 300 000 postes dans les services d’aide et d’accompagnement à domicile et 200 000 dans les Ehpad qui seront nécessaires au bien vieillir des seniors. Lorsque près d’un demi-million de recrutements sont en jeu, il faut créer les conditions pour qu’ils soient pourvus et par des professionnels répondant parfaitement aux besoins. Ce sont les générations actuelles et les suivantes qu’il faut sensibiliser à notre secteur, à nos métiers car elles sont sûres d’y trouver des perspectives d’avenir concrètes, solides et durables.
Dans son intervention, le président a également rappelé le rôle primordial du parcours et de la prévention en matière de santé. C’est particulièrement vrai pour la perte d’autonomie. À ce titre, c’est aussi la raison pour laquelle le Synerpa s’est constitué, dès 2015, en confédération du parcours pour intégrer, en plus des Ehpad, les champs des résidences services seniors et des services d’aide et d’accompagnement à domicile.
Les résidences services seniors comme les services d’aide et d’accompagnement à domicile contribuent au maintien de l’autonomie des personnes. Aussi, nous demandons des mesures concrètes accélérant leur développement à l’échelle nationale. Pour les RSS, il s’agit notamment de réduire des contraintes d’urbanisme inadaptées à leur activité et au public qui y vit. Pour les Saad, il s’agit d’engager une refonte complète de la tarification qui empêche aujourd’hui le secteur privé d’opérer et de se développer équitablement dans tous les départements. En effet, certains d’entre eux font obstacle au déploiement d’une offre autre que celle des structures associatives déjà implantées. Là aussi, ce sont des services aux seniors et de nombreux emplois supplémentaires qui pourraient être apportés, notamment dans des territoires et dans des centres-villes où l’accompagnement en RSS et à domicile donne une dynamique précieuse en matière d’activité et d’animation. Par exemple, l’installation d’une résidence services seniors avec une centaine de résidents autonomes va d’abord générer des emplois immédiats dans la résidence puis aussi, grâce aux résidents, des achats de biens et services qui profiteront, directement et indirectement, à tout le tissu commercial et culturel de la ville et de ses alentours. À l’heure où la dynamisation des territoires est une priorité, les seniors en sont des acteurs incontournables.
En sortant du seul cadre de ce discours présidentiel, nous sommes actuellement très attentifs aux échéances législatives à venir. Le projet de loi « liberté de choisir son avenir professionnel » retient plus spécialement notre attention avec une éventuelle surtaxation des contrats courts. Nos adhérents, comme tous les professionnels de notre secteur, sont, dans les faits, dans l’obligation de recourir aux contrats courts compte tenu de la nature même de leur activité auprès de personnes âgées, souvent fragiles, 365 jours par an et 24 heures sur 24. Les absences imprévues, les arrêts de travail nécessitent très fréquemment de trouver dans les meilleurs délais des remplacements sur des durées réduites. Être surtaxés au motif que nous remplaçons correctement les salariés absents serait injuste.
Pour conclure, il est impératif que nous disposions d’un environnement adapté et simplifié qui nous permette à la fois de répondre à la demande croissante et soutenue d’accompagnement des seniors et de développer les innovations permanentes qui font de notre secteur, et ce depuis des années, une référence en Europe et dans le monde. Nous pouvons légitimement en être fiers.