« Quand on veut enterrer un problème, on crée une commission. » Tout le monde connaît la célèbre assertion de Georges Clemenceau, dont le cynisme et le réalisme participent de sa légende. Agnès Buzyn est-elle inspirée par cette logique de l’enterrement avec la création de l’Observatoire national pour la qualité de vie au travail des professionnels des secteurs sanitaire et médico-social (voir page 16) ? On ne saurait soupçonner la ministre des Solidarités et de la Santé de nourrir d’aussi obscurs desseins. Néanmoins, on peut s’interroger sur l’utilité de ce qui est présenté comme un lieu d’échanges sur les difficultés de la vie et du travail dans les établissements sociaux et des expériences positives qui ont lieu ici ou là.
Quelqu’un ignore-t-il encore la charge de travail dans les établissements accueillant des personnes âgées et/ou handicapées, avec des patients ou résidents de plus en plus atteints de pathologies lourdes et un taux d’encadrement qui reste désespérément à 0,6, loin du 1 pour 1, considéré comme la norme permettant à la fois une prise en charge de qualité et l’exercice d’un métier, par nature difficile, dans des conditions acceptables ? Quelqu’un ignore-t-il encore que le secteur social est celui où le taux de prévalence des souffrances psychiques et du burn-out est le plus élevé ?
Alors pourquoi cet observatoire ? Pour « observer », répond presque mot à mot le président nommé de cette instance. De fait, un observatoire est fait pour observer et, s’il est audacieux, faire des propositions.
Mais tout se passe comme si, de rapports officiels en mouvements sociaux et en missions parlementaires, les maux et les préconisations n’étaient pas déjà sur la table. D’ailleurs, dans le dernier plan d’aide aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – la « feuille de route », comme on dit maintenant –, il est bien prévu une ligne budgétaire pour venir en aide aux personnels des établissements.
L’objectif de cet observatoire est-il de proposer des actions pour « consommer » ce budget, ou de faire patienter les acteurs du système, ou d’être une opération de communication de type gesticulatoire, au sens où, à défaut de trouver des solutions, on met en scène leur recherche ?
Le général de Gaulle aurait sans doute qualifié cet observatoire de « comité Théodule ». Sans être aussi sévère, on peut souligner que la création d’une telle structure relève de l’« ancien monde », qui est censé avoir disparu depuis le 7 mai 2017, celui où les opérations de communication politique tenaient lieu d’actions.
Cette initiative est-elle seulement une erreur de parcours ou marque-t-elle le début d’une nouvelle étape du quinquennat, plus marquée par l’attentisme que par le volontarisme ?
On verra bien si d’autres « comités Théodule » seront créés.