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Les Actualités sociales hebdomadaires ouvrent le débat

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Le président de la République a annoncé qu’en 2019, une loi sur le financement de la dépendance serait votée et s’articulerait autour de la création d’un nouveau risque. Les axes de cette réforme résulteront d’un débat national que le gouvernement va prochainement lancer. Aux ASH, nous avons décidé de prendre de vitesse Emmanuel Macron et d’ouvrir dès maintenant ce débat. Faut-il créer ce fameux « 5e risque » ? Comment faut-il le financer ? Comment l’organiser ? Pour répondre à ces questions et à quelques autres, nous avons sollicité les responsables de plusieurs fédérations et structures représentant le secteur social et médico-social pour qu’ils expriment leur réflexion sur ce sujet dans des tribunes de libre expression.Aujourd’hui, c’est Olivier Peraldi, directeur général de la Fédération du service aux particuliers (Fesp), qui ouvre ce débat.

Il fallait accélérer. Reprendre la main. Passer d’une première intention annoncée par la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, d’expérimenter puis d’évaluer, avant une éventuelle généralisation au cours du mandat présidentiel, au débat parlementaire et à sa construction législative proactive dès la fin de cette année.

L’heure des choix

La mise en œuvre pourrait survenir dès 2019. Ambitieux et… nécessaire. Il a fallu un temps de respiration, somme toute assez bref d’un an, avant d’enclencher la surmultipliée pour gravir le Tourmalet social et financier que représente la dépendance. Et la côte est dure pour ceux qui ne se contentent pas de dilettante. Crise du mal-être salarial au sein des Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), crise des budgets territoriaux et, plus largement, publics, crise du… reste à charge pour les Français et leurs familles. Un reste à charge qui pèse non seulement sur ceux en situation de perte d’autonomie, mais aussi sur ceux qui, avançant en âge, finissent par engager des frais de soins dentaires ou d’équipement optique et auditif trop longtemps différés. Avec un reste à charge moyen compris entre 23 % et 53 % des coûts des soins et matériels selon les affections, le retard pour se soigner est un renoncement d’abord économique avant toutes les autres causes parfois encore avancées, tels que le manque d’information, un certain laisser-aller ou, de façon plus psychologique encore, le refus de se voir vieillir…

La prévention reviendrait donc en force. Ce serait une bonne chose. Le récent discours du président de la République lors du congrès de la Mutualité française marque le retour de l’anticipation comme méthode pour retarder les conséquences du vieillissement. Il s’agirait finalement de mieux vivre maintenant pour mieux vivre demain. L’idée est séduisante. Prévenir pour guérir réapparaîtrait en bonne place dans l’arsenal des politiques publiques sanitaires et sociales. Bien plus qu’un simple retour en grâce de la prévention, c’est une réinvention qui est proposée. L’intention présidentielle inscrit la gestion de la dépendance dans un mouvement plus large embrassant celle de l’accès aux soins jusqu’à la réforme des retraites.

Une simple annonce de création d’un 5e risque n’aurait certes pas eu de quoi fouetter un chat médiatique. Chacun a encore en tête le discours de Nicolas Sarkozy en 2007 devant le Conseil économique, social et environnemental, annonçant l’hypothèse d’un 5e risque. En 2011, après plusieurs mois de concertation et la publication de cinq rapports publics, l’idée d’une nouvelle branche de la sécurité sociale retombait comme un soufflé. La crise financière de 2008 était passée par là. Les financements disponibles s’avéraient insuffisants. Deux ans plus tard, la stratégie nationale de santé présentée par Marisol Touraine ne s’y hasardait pas. Exit le 5e risque. L’axe 1 du plan ministériel mettait bien la prévention en tête des préoccupations, mais son contenu portant, grosso modo, sur la mise en place d’indicateurs de suivi et de tableaux de bord, certes bien utiles, n’en était pas moins bien décevant au regard des 850 000 Français touchés par des pathologies neurodégénératives. Ce n’est qu’un exemple.

Quant aux moyens financiers, inutile de revenir sur les 700 millions d’euros de revalorisation de l’allocation personnalisée d’autonomie fléchés par la loi d’adaptation de la société au vieillissement de 2015, tant l’effort semble dérisoire face aux 5,7 milliards d’euros annuels finançant l’allocation. Le passage de 24 à 30 milliards d’euros de la prise en charge de la dépendance d’ici à 2050 montre l’ampleur du défi. Les Français de plus de 85 ans seront alors quatre fois plus nombreux, et la part des actifs dans la population n’aura pu que continuer de décroître. Une seconde journée de solidarité ajouterait 2 milliards aux 2,3 déjà collectés lors de la première. Il faut en trouver six de plus chaque année. Chacun comprend que la proposition d’une seconde journée n’est pas à la hauteur des besoins. La solution doit être globale et peut difficilement reposer sur les seules cotisations des actifs, des salariés et des entreprises. D’autant que cela reviendrait à faire un pas en arrière après la récente baisse des cotisations salariales et patronales.

Solidarité nationale ? Solidarité des actifs ? Responsabilité individuelle ?

Déjà le 15 avril dernier, le président de la République, interviewé par Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel, affirmait la nécessité de revoir le « mécanisme de sécurité sociale ». L’intention de confier la charge de la dépendance à la collectivité nationale fut évoquée, précisant que celle-ci aurait la tâche de construire un « nouveau risque ». Ce serait l’occasion de réinventer le rôle des mutuelles, celui des conseils départementaux, celui de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aussi, qui pourrait se voir confier un rôle central dans l’organisation, la gouvernance et le financement d’un futur 5e risque. C’est une remise en question de l’ensemble des fonctions de gestion de la branche qu’il convient de privilégier.

D’autant qu’aucune orientation systémique n’est avancée pour absorber l’ensemble du coût du vieillissement. Peu de Français en ont encore conscience, mais le réflexe comportemental de tout attendre de la manne publique doit désormais être nuancé par des décisions individuelles d’anticipation, par l’accompagnement à ne pas différer les soins, bien sûr, mais aussi par des propositions de type assurantiel. Sur les 24 milliards d’euros que coûte la prise en charge de la dépendance en allocations et aides publiques, les Français en assument aujourd’hui individuellement 8. Peu à peu, face à l’expérience familiale du reste à charge et à la crainte de vivre des conditions de prise en charge qui pourraient à terme être dégradées faute de moyens publics, de plus en plus de Français souscrivent une assurance dépendance. Pour autant, et si leur nombre a singulièrement augmenté en quelques années, ils sont moins de 7 millions dans ce cas. Tout nouveau retard de débat serein sur la question prégnante du niveau d’équilibre entre la solidarité nationale et l’action individuelle aurait des conséquences pour tous.

Resterait à définir sur quels leviers de recettes s’appuierait la solidarité nationale. La récente augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) en compensation de baisses de charges sur le travail a d’ores et déjà engagé le basculement du financement des dépenses de l’assurance maladie de l’activité des Français au travail vers l’impôt. Le mouvement s’est fait en douceur sans soulever de protestations trop appuyées sur le changement de paradigme qu’il sous-tend. Si, aujourd’hui, la CSG collecte plus de 90 milliards d’euros – soit plus que l’impôt sur le revenu – et finance déjà plus de la moitié des dépenses de la branche maladie en y consacrant 70 milliards par an, c’est ainsi bien l’impôt, c’est-à-dire l’État, qui prend de fait le chef de filât du financement de la santé des Français, au détriment des acteurs paritaires de la branche maladie.

S’il existe un jour, un 5e risque « dépendance » ne pourra trouver son équilibre sur les seules contributions découlant du travail des actifs. La réflexion sur une nouvelle branche de la sécurité sociale ne pourra faire l’impasse sur un questionnement relatif à l’articulation des solidarités entre actifs et non-actifs. Le mouvement entamé d’un rattrapage, incomplet cependant, du taux de CSG appliqué aux retraités par rapport à celui des actifs, salariés et employeurs, va dans le bon sens. Le gouvernement doit veiller à la cohérence des engagements et des décisions prises, sauf à ruiner les effets bénéfiques par des jeux contradictoires de charges d’impôt différenciées selon les générations et les situations sociales.

Le maintien à domicile en environnement numérique

La couverture d’un risque est trop souvent comprise dans sa seule dimension dépensière. La prévention en tant que levier d’économie trouverait avec la dépendance l’occasion de démontrer sa pertinence. Maintien à domicile plutôt que placement en établissement, formation des aidants professionnels et familiaux plutôt que réparation de burn-out ou d’essoufflement moral et physique, mais aussi confiance dans les acteurs professionnels plutôt que suspicion, régulation à tous crins et enfermement réglementaire étouffant toute velléité d’innovation… le dialogue entre pouvoirs publics nationaux et territoriaux doit évoluer vers plus de capacité à expérimenter, à innover, à proposer et à tester. La solution n’est pas que financière. Elle est aussi organisationnelle et culturelle. Il convient désormais de sortir de la démarche strictement descendante de l’autorité vers les professionnels pour établir un dialogue de confiance.

La Caisse des dépôts et consignations (CDC) développe fort opportunément dans ses axes de travail la recherche de réponses aux enjeux de la transition démographique et numérique sur les territoires. Tout comme la question du financement de la dépendance est en lien étroit avec celui de la réforme du système des retraites, la prise en charge des situations de dépendance doit être pensée en symbiose avec le recours aux technologies numériques, qui ne sauraient cependant remplacer l’intervention humaine auprès des personnes fragiles. L’articulation entre la performance de la présence d’un professionnel auprès de la personne aidée et le potentiel de réactivité et d’anticipation des technologies constitue une évidence qui doit conduire à l’amorce de son financement par le soutien public. La CDC a assurément un rôle structurant majeur à jouer dans ce cadre.

La Fédération du service aux particuliers (Fesp) développe avec des partenaires institutionnels tels qu’Orléans Métropole, les gérontopoles des Pays de la Loire et d’Ile-de-France (Gérondif), l’Institut de recherche technologique du CEA Tech à Grenoble, des expérimentations et travaux portant sur l’évolution de l’aide à domicile en environnement numérique. L’objectif est bien sûr de rapprocher les mondes pour concevoir des offres qualitatives correspondant aux usages actuels et à venir, ainsi qu’aux attentes des professionnels, des personnes aidées et de leurs proches aidants. Il est également de générer à terme des économies d’échelle qui feront baisser le reste à charge, et optimiseront la dépense publique et familiale.

La réforme pour un 5e risque est complexe. Elle ne pourra faire l’économie d’une prise en compte des idées émises par les professionnels. Quid d’un bonus fiscal accompagnant les contrats d’assurance dépendance ? Quels éléments faudrait-il pour activer les complémentaires santé ou retraite ? Au-delà des intentions, a-t-on réellement mis en place les moyens financiers et réglementaires pour favoriser pleinement le maintien à domicile ? Déjà en 2004, un rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (Hcaam) calculait que la prise en charge d’une personne âgée dépendante à son domicile pesait 3,5 fois moins sur les finances publiques qu’en Ehpad. Nous y voilà.

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