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Ordonnances Macron

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Ordonnances Macron

Le droit du travail a connu ces dernières années de profondes modifications. Les ordonnances prises en septembre dernier par le gouvernement Macron ont à ce titre remanié la rupture du contrat de travail, et particulièrement la rupture à l’initiative de l’employeur. Le présent dossier vise à étudier les effets de l’ordonnance dédiée à la rupture du contrat de travail et plus précisément au licenciement pour motif personnel1.Alison Dahan Avocate et titulaire d’un doctorat en droit social. Elle enseigne le droit du travail à l’université Lyon 3. Spécialisée dans les services à la personne, elle est notamment co-auteure d’un ouvrage portant sur l’interprétation et l’analyse de la convention collective nationale des entreprises de services à la personne. alisondahanavocat@gmail.com

Le licenciement prononcé par l’employeur peut revêtir un motif inhérent ou non à la personne du salarié. L’ordonnance Macron n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui a profondément remanié le licenciement pour motif économique, a également largement impacté le licenciement à caractère personnel et semble avoir facilité le prononcé de la rupture, point sur lequel nous reviendrons dans cette étude.

I. La motivation du licenciement

Tout licenciement doit reposer, aux termes de l’article L. 1232-1 du Code du travail, sur une cause réelle et sérieuse. Il doit être fondé sur des motifs relevant à la fois d’un caractère réel et d’un caractère sérieux, selon la Cour de cassation (jurisprudence constante depuis Cassation chambre sociale, 12 févr. 1987, n° 85-43073).

A. La notion de « licenciement pour motif personnel »

La rupture à l’initiative de l’employeur ne peut relever, dans le cadre du motif inhérent à la personne du salarié, que de son pouvoir disciplinaire ou de direction. La motivation du licenciement et plus précisément de la lettre de notification fait l’objet depuis de nombreuses années d’un contentieux fourni devant les juridictions prud’homales.

B. La création de « modèles » de lettres de licenciement

Dans un premier temps, et antérieurement à l’ordonnance n° 2017-1387, il importait que la lettre de licenciement soit clairement motivée. La jurisprudence constante de la Cour de cassation retenait en effet que l’insuffisance de motivation valait absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé (jurisprudence constante depuis Cassation chambre sociale, 29 nov. 1990, n° 88-44308 ; voir également Cassation chambre sociale, 24 juin 2009, n° 08-40607). L’employeur était tenu, à tout prix, de motiver le licenciement qui fixait irrémédiablement les termes du litige (C. trav., art. L. 1235-2 ancien). La réforme du Code du travail est revenue sur la nécessaire motivation de la lettre de licenciement. Si les modifications ont pu tout d’abord amener à penser que la motivation du courrier était désormais superflue et pouvait être déterminée par la suite, la rédaction des articles du Code du travail modifiés doit conduire à appréhender avec prudence la possibilité offerte à l’employeur de revoir la lettre de licenciement.

Comme précédemment, le Code du travail précise que la lettre de licenciement comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués à l’appui de la rupture du contrat de travail (C. trav., art. L. 1232-6). Il apparaît donc que l’employeur doit toujours préciser la motivation de son licenciement. Afin de faciliter toutefois cette obligation – et de diminuer dans le même temps le contentieux afférent devant le conseil de prud’hommes – le Code du travail se dote, pour la première fois, de modèles de lettres de licenciement, balayant l’essentiel des motifs pouvant être retenus par l’employeur. L’article L. 1232-6 du Code du travail énonce dorénavant expressément qu’« un arrêté du ministre chargé du Travail fixe les modèles que l’employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement ».

À noter : la mise en place des modèles de lettres de licenciement n’a pas été effectuée directement par l’ordonnance n° 2017-1387 mais elle a été retenue par un décret du 29 décembre 20172.

Les six modèles disponibles se séparent en deux volets : les licenciements pour motif personnel (disciplinaire, non disciplinaire et inaptitude du salarié) et les licenciements économiques intégrant la rupture individuelle, le licenciement collectif de moins de dix salariés sur une période de trente jours et les « grands » licenciements économiques collectifs avec plan de sauvegarde de l’emploi. S’est posée la question du degré de précision des modèles et de leur validité. Il est important de retenir en premier lieu que l’employeur n’est en aucun cas tenu de l’utilisation des documents. Il ne s’agit en réalité que d’une proposition devant permettre de sécuriser les licenciements prononcés au sein des structures qui ne bénéficient pas d’un service juridique, ressources humaines ou n’externalisant pas les ruptures des contrats de travail. Mais l’employeur doit retenir que l’utilisation du modèle proposé ne saurait garantir la licéité du licenciement prononcé. Le décret du 29 décembre 2017 expose d’ailleurs expressément, en en-tête de chaque annexe, que « l’application du présent modèle est sans incidence sur l’application des stipulations conventionnelles ou contractuelles plus favorables applicables au contrat de travail du salarié licencié ». Il faut dès lors comprendre que l’intégralité des dispositions prévues en dehors du cadre du Code du travail n’est pas abordée et qu’il convient toujours de vérifier tant le contrat de travail du salarié que l’intégralité des textes conventionnels applicables dans l’entreprise ou l’association. On peut regretter également l’absence totale de mention relative à la portabilité, pourtant régulièrement intégrée à la lettre de licenciement ou, en tout état de cause, l’absence de précision sur la nécessité de prévoir cette mention sous peine de sanction (Code la sécurité sociale, art. L. 911-1 à L. 911-8).

Quant à la motivation des modèles proposés, il est à noter que les annexes ne précisent pas de motifs ou d’exemples et ne font que tenter de limiter le cadre de la rupture. À titre d’exemple, l’annexe 1, intitulée Modèle de lettre de licenciement pour motif personnel disciplinaire (faute[s] sérieuse[s], grave[s] ou lourde[s] : C. trav., art. L. 1232-1 et L. 1331-1), qui s’attache à trois types de fautes, précise uniquement : « […] Suite à notre entretien qui s’est tenu le … (date à compléter), nous vous informons de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants : … (énoncer les éléments fautifs de façon précise et objective. Ils doivent être matériellement vérifiables, si possible en précisant les dates, les lieux, le contexte plus général de l’attitude fautive du salarié et être imputables personnellement au salarié. S’il est reproché une faute lourde, mentionner l’intention de nuire à l’entreprise.) […]. »3 Ces précisions ne permettront malheureusement pas à l’employeur de déterminer précisément la catégorie de faute reprochée au salarié et dont la qualification revêt une haute importance en cas de contestation devant le conseil de prud’hommes à qui il sera demandé de vérifier si les griefs entrent dans la qualification choisie par l’employeur de faute sérieuse, grave ou lourde. On regrettera de la même manière le manque de précisions du modèle relatif à l’inaptitude et au licenciement à caractère non disciplinaire qui regroupe, pêle-mêle, l’ensemble des motivations envisageables, sans autres précisions ni indications quant aux justifications préalables à vérifier avant même d’envisager la mise en place de la procédure (annexes 2 et 3).

II. Rappel de la procédure de licenciement : des délais impératifs et un contenu strict

A. Le contenu

1. La convocation à l’entretien préalable au licenciement

Afin d’aborder les apports et les modifications instigués par l’ordonnance n° 2017-1387, il est utile de revenir rapidement sur la procédure afférente au licenciement. Que le licenciement prononcé relève d’un motif disciplinaire ou non, la procédure de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur connaît un déroulement strict, parfaitement encadré par le Code du travail. À ce titre, toute procédure de licenciement doit débuter par une convocation du salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Le Code du travail définit clairement les obligations à la charge de l’employeur, qui devra impérativement préciser dans le courrier l’objet de la convocation, la date, l’heure et la possibilité du salarié de bénéficier d’une assistance lors de l’entretien. L’article L. 1232-2 du Code du travail précise que la lettre doit être remise en main propre contre décharge ou adressée en lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

La question s’est posée à plusieurs reprises du report de la date de l’entretien en raison de l’indisponibilité du salarié. À titre d’exemple, était soulevée la problématique du salarié absent pour cause de maladie, arguant de son impossibilité de se rendre à l’entretien fixé par l’employeur et en sollicitant le report. Après plusieurs « errements », la Cour de cassation a retenu que l’obligation fixée par le Code du travail n’imposait en aucun cas de déplacer l’entretien fixé par la convocation initiale (Cassation chambre sociale, 26 mai 2004, n° 02-40681).

Le Code du travail précise expressément les modalités d’assistance du salarié lors de l’entretien préalable, déterminées en fonction de la taille de l’entreprise : dans le cadre des structures pourvues de représentants du personnel (voir dossier ASH n° 3056, « Le CSE, mode d’emploi d’un chamboulement »), il s’agira uniquement d’une personne appartenant obligatoirement à l’entreprise. À défaut, l’article L. 1232-4 du Code du travail expose : « Lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative. La lettre de convocation à l’entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l’adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. » À noter : L’employeur ne peut se contenter, dans la lettre de convocation, de mentionner la liste des conseillers du salarié mais il doit préciser expressément l’adresse à laquelle le salarié peut accéder à cette dernière. Il s’agira de la mairie du domicile du salarié4 et de la Direction générale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) compétente, y intégrant la section de l’inspection du travail compétente.

2. La faculté nouvelle de préciser le licenciement a posteriori

Si le contenu des modèles de lettres de licenciement peut se révéler décevant ou en définitive parcellaire, la seconde innovation de l’ordonnance n° 2017-1387 est relative à la possibilité de préciser les motifs de rupture postérieurement à la notification de la rupture. Auparavant, et comme précisé ci-avant, la lettre de licenciement fixait définitivement les termes du litige (C. tav., art. L. 1235-2 ancien). L’employeur avait donc uniquement la faculté devant la juridiction prud’homale de rapporter des éléments de preuve relatifs aux motifs énoncés dans la lettre. La Cour de cassation, de jurisprudence constante, interdisait à l’employeur de préciser les motifs du licenciement après la notification au salarié (Cassation chambre sociale, 22 mars 1995, n° 93-45425).

L’article R. 1232-13 du Code du travail nouveau, dans sa version issue du décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017, énonce : « Dans les 15 jours suivant la notification du licenciement, le salarié peut, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

L’employeur dispose d’un délai de 15 jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions s’il le souhaite. Il communique ces précisions au salarié par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Dans un délai de quinze jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, l’employeur peut, à son initiative, préciser les motifs du licenciement. »

Il est en conséquence possible et admis par le Code du travail que l’employeur précise le courrier initial. Il est important de relever que la formulation prévoit expressément et uniquement la possibilité de préciser les motifs : il ne s’agira donc en aucun cas de penser que l’employeur peut ajouter de nouveaux motifs ou griefs à ceux énoncés dans la lettre de rupture mais seulement d’expliquer ou de compléter les éléments déjà évoqués. En pratique, pourront être expliqués les motifs reprochés et il sera conseillé à l’employeur de profiter de cette opportunité de complément en détaillant par exemple le(s) grief(s) par des faits datés et circonstanciés.

Le Code du travail encadre le délai et les modalités selon lesquels l’employeur peut adresser les précisions à la lettre initiale. Ainsi, l’employeur devra recourir à la lettre recommandée avec accusé de réception ou lettre remise en main propre contre décharge et disposera d’un délai de 15 jours suivant la date de notification de la lettre de licenciement pour préciser la motivation du courrier de rupture.

À la lecture de l’article du code précité, il apparaît que le salarié a dorénavant l’opportunité de solliciter de l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de licenciement dont il est destinataire. En réalité, il ne s’agit pas tant d’une possibilité, comme le précise l’article précité (C. trav., art. R. 1232-13), mais bien d’une obligation pour le salarié s’il envisage par la suite de contester son licenciement devant le conseil de prud’hommes compétent (voir ci-après « Sécurisation des relations de travail : limitation des indemnités prud’homales).

Dans l’hypothèse d’une demande du salarié quant au contenu du licenciement, les dispositions issues du décret du 15 décembre 2017 précité permettent à l’employeur, s’il le souhaite, d’apporter des précisions. Un nouveau délai de 15 jours à compter de la réception du courrier5 ou de sa remise en main propre s’ouvre alors.

Attention : la procédure permettant de préciser les motifs de la lettre de licenciement pour l’employeur et au salarié de solliciter des compléments n’est applicable que depuis la publication du décret du 15 décembre 2017, soit à compter du 18 décembre 20176.

B. Les délais impératifs de la procédure de licenciement

Le Code du travail impose à l’employeur de respecter des délais stricts, tout au long de la procédure de licenciement, et prévoit les conditions de transmission des différents courriers.

1. Entretien préalable

La convocation à l’entretien préalable au licenciement doit être effectuée, selon les dispositions légales, par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge (C. trav., art. L. 1232-2). Le mode de remise en main propre contre décharge permet à l’employeur souhaitant tenir la procédure dans un temps restreint de raccourcir les délais en évitant de devoir tenir compte du délai postal entre la date d’envoi de la lettre recommandée et sa réception. En effet, le Code du travail impose un délai de cinq jours ouvrables entre la convocation et la date de l’entretien, qui ne débute en pratique que le lendemain de la première présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre contre décharge (Cassation chambre sociale, 3 juin 2015, n° 14-12245).

Précision sur la remise en main propre contre décharge : il s’agit en pratique d’un courrier qu’il convient d’établir en double exemplaire et de faire dater du jour de la remise et signer par le salarié, sous la mention manuscrite « lettre remise en main propre contre décharge ». L’employeur conserve un exemplaire et remet le second original au salarié.

À noter : la lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge ne constitue pas une formalité substantielle et l’employeur peut donc également recourir à tout mode d’envoi qui lui permettrait de justifier de la convocation. A ainsi été admise la convocation par huissier ou via Chronopost (Cassation chambre sociale, 30 mars 2011, n° 09-71412 ; Cassation chambre sociale, 8 févr. 2011, n° 09-40027).

2. Notification du licenciement

Le licenciement doit être prononcé par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de 2 jours ouvrables au minimum après la date fixée de l’entretien préalable (C. trav., art. L. 1232-6). Le décompte de ce délai s’apprécie, selon la Cour de cassation, à la date d’envoi de la lettre de notification du licenciement (Cassation chambre sociale, 30 nov. 2010, n° 09-68-174).

Il est à noter que si l’article L. 1232-6 du Code du travail prévoit expressément une notification par lettre recommandée avec accusé de réception, la Cour de cassation précise que ce mode d’envoi ne vise qu’à garantir de manière incontestable l’existence de la rupture et de lui donner une date certaine (Cassation chambre sociale, 16 déc. 2009, n° 08-42922).

Le non-respect de cette formalité ne saurait donc entraîner, dès lors que l’employeur peut rapporter la preuve par d’autres moyens, l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Attention : en cas de licenciement pour motif disciplinaire, il existe également un délai maximal de 1 mois, au-delà duquel l’employeur n’est plus fondé à notifier la rupture du contrat de travail (Cassation chambre sociale, 7 juill. 1998, n° 96-40487 ; Cassation chambre sociale, 30 nov. 2010, n° 09-68174).

III. Une indemnisation du licenciement augmentée

Echo choisi de la limitation des indemnités allouées au salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le montant de l’indemnité de licenciement est revalorisé par l’ordonnance Macron n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. Les dispositions relatives à l’indemnisation du licenciement sont applicables à compter du 27 septembre 2017, date de publication du décret d’application afférent7.

L’indemnité de licenciement est due au salarié en cas de rupture du contrat de travail par l’employeur. Limitée au départ au licenciement, l’indemnité est en réalité prévue en cas de licenciement mais également de rupture conventionnelle ou mise en retraite du salarié. Dans le cadre du licenciement, le salarié bénéficie de cette indemnité hors le cas de faute grave ou lourde. L’ordonnance Macron précitée octroie désormais l’indemnité de licenciement à compter de 8 mois d’ancienneté dans l’entreprise. Il est à noter que l’ancienneté requise pour bénéficier de cette indemnité avait déjà été abaissée à 1 an (contre 2 ans auparavant) par une loi du 25 juin 20088. Le calcul de l’ancienneté demeure en revanche identique aux modalités antérieures et en cas d’année incomplète, calculée proportionnellement aux mois complets (C. trav., art. R. 1234-1).

Par ailleurs et jusqu’ici, le montant était limité à 1/5 de mois de salaire par année d’ancienneté, outre 2/15 au-delà de 10 ans d’ancienneté (C. trav., art. R. 1234-2). L’ordonnance Macron prévoit une indemnisation supérieure, à savoir de 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté et augmentée à 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de 10 ans. Lors des négociations entre les partenaires sociaux, l’augmentation du montant de l’indemnité de licenciement comme l’abaissement de l’ancienneté à 8 mois ont été présentés comme une contrepartie à la barémisation des indemnités prud’homales en cas de contestation du licenciement devant le juge.

À noter : le salarié peut bénéficier, comme auparavant, d’une indemnité de licenciement fixée par voie de convention ou accord collectif, dès lors qu’elle est supérieure aux montants fixés par le Code du travail.

L’indemnité de licenciement n’est pas due en cas de faute grave ou lourde du salarié (C. trav., art. L. 1234-9).

Exemple : un salarié est licencié pour insuffisance professionnelle, celui-ci percevant une rémunération mensuelle brute de 2 000 euros et justifiant d’une ancienneté de 13 ans.

Avant l’ordonnance Macron : [(2 000/5) x 13] + [(2 000/15 x 2) x 3] = 5 200 + 800 = 6 000 euros.

Après l’ordonnance Macron : [(2 000/4) x 10] + [(2 000/3) x 3] = 5 000 + 2 000 = 7 000 euros.

IV. Sécurisation des relations de travail dans le cadre du contentieux prud’homal

A. La limitation des indemnités prud’homales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’une des dispositions les plus controversées de l’ordonnance n° 2017-1387 est relative à la « barémisation » des indemnités prud’homales.

La question de la barémisation des indemnités prud’homales avait déjà été abordée en 2015 dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques plafonnant la réparation allouée aux salariés en cas de licenciements injustifiés9. Le Conseil constitutionnel avait toutefois invalidé le dispositif, considérant que si le législateur pouvait décider d’un plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la limitation fixée en fonction de la taille des effectifs de l’entreprise n’était pas valable. En effet, ne pouvaient, au sens du Conseil constitutionnel, être retenus que des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié, ce qui n’était pas le cas des effectifs de l’entreprise10. Mesure phare de la loi précitée, proposée à l’initiative d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, la limitation des indemnisations en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse avait en conséquence été abandonnée.

La loi Macron de 2015 prévoyait également la mise en place d’un barème indicatif applicable en bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, dont les modalités avaient été quant à elles validées par le Conseil constitutionnel. Toutefois, le caractère facultatif et la nécessité d’obtenir un consentement entre les parties rendaient l’applicabilité dudit barème limitée, celle-ci n’ayant connu qu’un succès très modéré.

L’ordonnance n° 2017-1387 est revenue sur la mise en place d’un barème d’indemnisation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes. De nouveau, et dans l’objectif affiché de sécuriser la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, la « barémisation » des indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est relancée. Mesure soutenue par le patronat depuis de nombreuses années, la fixation d’un cadre indemnitaire dans le contentieux du licenciement sans cause réelle et sérieuse est enfin mise en place. Se pose toutefois la question d’une réelle sécurisation et d’un renforcement des relations juridiques.

Le Conseil constitutionnel, saisi par une partie des députés le 21 février 2018, a eu l’occasion de se prononcer sur la constitutionnalité de cette mesure11. Les Sages de la rue de Montpensier ont retenu expressément, en leurs considérants nos 86 et 87 : « […] en fixant un référentiel obligatoire pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le législateur a entendu renforcer la prévisibilité des conséquences qui s’attachent à la rupture du contrat de travail. Il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général.

[…] l’indemnité ainsi encadrée a pour objet de réparer le préjudice né d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse […]. Les montants maximaux de cette indemnité fixés par la loi varient, selon l’ancienneté du salarié, entre 1 et 20 mois de salaire brut. Il ressort des travaux préparatoires que ces montants ont été déterminés en fonction des “moyennes constatées” des indemnisations accordées par les juridictions »12.

En pratique, si la fixation d’un cadre indemnitaire permet à l’employeur de mieux maîtriser le risque prud’homal, il est à craindre que cela ne pénalise financièrement les salariés contestant leur licenciement devant les juridictions du travail et ne restreigne leur intérêt à engager une action prud’homale. La barémisation aura quand même l’avantage d’harmoniser les décisions rendues par les juges, en termes financiers. L’indemnité maximale est donc dorénavant comprise entre 1 et 20 mois de salaire en fonction de l’ancienneté du salarié. L’ordonnance fixe des indemnisations plancher et plafond et distingue le montant minimal en fonction de l’ancienneté du salarié mais aussi de la taille de l’entreprise (C. trav., art. L. 1235-3). Ces nouvelles dispositions trouvent application aux licenciements prononcés après le 23 septembre 2017, et donc pour lesquels la notification a eu lieu à compter de cette date. Quelles que soient l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise, les indemnités allouées au titre du non-respect de la procédure de licenciement sont absorbées par celles accordées en cas d’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail par l’employeur (C. trav., art. L. 1235-2).

Le Code du travail se dote donc d’un plancher et d’un plafond d’indemnisation déterminés, d’une part, en fonction de l’ancienneté du salarié et, d’autre part, de la taille de l’entreprise, reprenant pour partie la distinction qui était déjà effectuée précédemment. L’indemnisation était ainsi déjà fixée différemment pour un salarié ayant une ancienneté de 2 ans et employé dans une entreprise comptant un minimum de onze salariés (C. trav., art. L. 1235-3 ancien) en prévoyant un plancher de 6 mois de dommages et intérêts. Les salariés ne comptant pas 2 ans d’ancienneté ou employés dans une structure de moins de onze salariés bénéficiaient, quant à eux, d’une indemnisation en fonction du préjudice subi (C. trav., art. L. 1235-5 ancien). Il n’existait cependant, avant l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017, aucun plafond.

Il est à noter également que le salarié bénéficiant d’une ancienneté inférieure à 2 ans et/ou employé dans une entreprise inférieure à onze salariés pouvait bénéficier, dès lors que la procédure de licenciement n’avait pas été respectée, d’une indemnité spécifique, allouée en sus de l’indemnisation prévue en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. S’agissant des salariés cumulant 2 ans d’ancienneté et travaillant dans une entreprise employant onze salariés a minima, l’indemnisation du non-respect de la procédure de licenciement était absorbée par les dommages et intérêts alloués en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L. 1235-2 ancien).

La fixation du montant des dommages et intérêts, dans les limites prévues par la loi, appartient aux juges. L’indemnisation est déterminée au regard du préjudice subi par le salarié, y intégrant notamment les difficultés rencontrées par le salarié pour retrouver un emploi. L’article L. 1235-1 du Code du travail nouveau, modifié par l’ordonnance précitée du 22 septembre 2017, maintient en des termes identiques l’obligation pour le juge de justifier dans sa décision du montant alloué de dommages et intérêts. Il est intéressant de relever que les jugements rendus par le conseil de prud’hommes ne retenaient jusqu’ici qu’une motivation restreinte quant à la fixation du montant des dommages et intérêts. Se pose donc la question de savoir si cette motivation sera renforcée ou si les juges persisteront à limiter la justification dans la décision. Enfin, le juge a la possibilité de tenir compte, pour choisir le montant d’indemnisation dans les limites fixées par le Code du travail, des indemnités de rupture qui ont pu être perçues par le salarié (C. trav., art. L. 1235-3). Il ne s’agira toutefois pas de l’indemnité légale de licenciement versée au salarié en cas de rupture à l’initiative de l’employeur (C. trav., art. L. 1234-9) mais d’éventuelles indemnités à caractère conventionnel ou contractuel. On peut toutefois penser que le salarié, dans cette hypothèse, pourra être défavorisé dans la détermination du montant des dommages et intérêts devant la juridiction.

B. Indemnisation du licenciement irrégulier

Classiquement, le licenciement connaît un caractère irrégulier lorsque l’employeur n’a pas respecté la procédure de licenciement énoncée ci-avant. L’indemnisation demeure limitée au versement d’une somme qui ne peut être supérieure à 1 mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-2).

La réforme du Code du travail introduit toutefois dans l’indemnisation du licenciement irrégulier une modification de taille relative à la motivation de la lettre de licenciement qui, jusqu’ici, ne pouvait conduire qu’à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ainsi, si le salarié ne demande pas de précisions quant à la motivation de la lettre de rupture, comme prévu par l’article L. 1235-2 du Code du travail, l’irrégularité constituée par un défaut de motivation est sanctionnée comme irrégularité de procédure : « […] À défaut pour le salarié d’avoir formé auprès de l’employeur une demande en application de l’alinéa premier, l’irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder 1 mois de salaire […]. » Cette nouveauté devrait conduire les salariés à toujours solliciter des précisions dans le délai de 15 jours suivant la notification du licenciement, de peur de perdre leurs chances d’indemnisation en cas d’éventuelle saisine du conseil de prud’hommes.

C. Limites à la nouvelle « barémisation » des indemnités prud’homales : la nullité du licenciement

Seule concession au dispositif indemnitaire encadré fixé dans la réforme, le Code du travail se dote expressément d’une liste de motifs caractérisés comme nuls et dont l’indemnisation est fixée, sans autre condition que la nullité, à l’équivalent minimal de 6 mois de salaire. Auparavant, il n’existait pas de liste spécifique et les cas de nullité étaient égrenés au fil des différents chapitres du Code du travail, en fonction de leur source. Si le regroupement des nullités permettra une meilleure lecture et appréhension des motifs, il n’en demeure pas moins que le législateur a « oublié » dans la réforme certaines indemnités spécifiques supérieures telles que l’indemnisation de 12 mois au minimum en l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi pour le « grand » licenciement économique collectif (C. trav., art. L. 1235-11 ancien). L’ensemble des cas de nullité fait l’objet d’une indemnisation minimale fixe de 6 mois.

Sont admis comme nuls au titre de l’article L. 1235-3-1 du Code du travail les licenciements prononcés pour les motifs suivants :

• violation d’une liberté fondamentale ;

• faits de harcèlement sexuel ou moral ;

• discrimination ;

• licenciement consécutif à une action en justice relative à l’égalité professionnelle hommes-femmes ou à une dénonciation de crime ou délit ;

• licenciement d’un salarié protégé en raison de l’exercice de son mandat ;

• licenciement d’un salarié protégé en raison de la maternité, paternité, adoption ou éducation des enfants ;

• licenciement d’un salarié protégé en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Le licenciement fondé sur l’un des motifs décrits ci-dessus apparaît alors nul et le salarié aura un choix entre la demande de réintégration et l’indemnisation de la nullité par l’allocation des dommages et intérêts à hauteur du minimum des six derniers mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-3-1). Pour précision, cette faculté du salarié n’est pas nouvelle et était envisagée avant la réforme du droit du travail.

Quelles sont les règles en cas de cumul de motifs dans la lettre de licenciement encourant la nullité pour violation d’une liberté fondamentale ?

Il s’agira, à titre d’exemple, d’un licenciement fondé sur une faute grave (comme un vol au préjudice d’un client) et sur des motifs connus en violation de la vie privée (comme l’ouverture de courriers personnels du salariés). L’article L. 1235-2-1 du Code du travail prévoit expressément dans une telle hypothèse que les juges ont obligation de tenir compte de l’ensemble des motifs évoqués dans l’évaluation de l’indemnité à allouer au salarié sans toutefois pouvoir être inférieure aux 6 mois légaux.

D. Sécurisation des relations de travail : abaissement du délai de prescription

Arguant d’une harmonisation des délais de recours devant le conseil de prud’hommes, l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail modifie l’article L. 1471-1 du Code du travail, qui limite dorénavant l’action relative à la rupture du contrat de travail à 1 an, à compter du jour où le demandeur a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant d’exercer son droit en justice. L’action relative à l’exécution du droit concernant l’exécution du contrat de travail se prescrit quant à elle toujours par 2 ans. Dans sa version antérieure, le Code du travail n’opérait aucune distinction et prévoyait que l’action relative à l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrivait par 2 ans. On pourra relever par ailleurs que la prescription de l’action en contestation de la rupture du contrat de travail pour motif personnel est alignée sur celle déjà prévue antérieurement dans le cadre du licenciement pour motif économique (C. trav., art. L. 1471-1 ancien).

En pratique : dans le cadre du licenciement, l’action se prescrit à partir du jour de la notification de la rupture du contrat de travail par l’employeur.

Notes

(1) Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

(2) Par exception, si le domicile du salarié n’est pas situé dans le même département que celui de son lieu de travail, l’employeur devra mentionner la mairie du lieu de travail selon une circulaire DRT 15 du 4 août 1992.

(3) Attention : le Code du travail précise que le délai de 15 jours ne commence à courir qu’à compter de la réception de la lettre du salarié. Or, habituellement, en droit du travail, les délais débutent à partir de la première présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception et non de la date réelle de réception. Ainsi, pour une lettre de convocation à entretien préalable à un éventuel licenciement, le délai de 5 jours ouvrables au minimum entre la convocation et la date de l’entretien débute le lendemain de la première présentation du recommandé. On peut donc penser que le délai commencera à courir à la première présentation de la lettre recommandée dans le cas de ces nouvelles dispositions.

(4) Décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017 relatif à la procédure de précision des motifs énoncés dans la lettre de licenciement.

(5) Décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017.

(6) Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.

(7) Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

(8) Décision du Conseil constitutionnel n° 2015-715 DC du 5 août 2015.

(9) La saisine du 21 février 2018 ne se bornait pas à la question de la « barémisation » des indemnités prud’homales mais visait plus généralement la constitutionnalité des points principaux de la réforme du Code du travail mise en œuvre par les ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

(10) Décision du Conseil constitutionnel n° 2018-761 DC du 21 mars 2018.

(11) La saisine du 21 février 2018 ne se bornait pas à la question de la « barémisation » des indemnités prud’homales mais visait plus généralement la constitutionnalité des points principaux de la réforme du code du travail mise en œuvre par les ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

(12) Décision du Conseil constitutionnel n° 2018-761 DC du 21 mars 2018.

(21) Loi n° 78-17 du 17 juillet 1978.

(22) Loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives.

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