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« Le projet pour l’enfant »

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La loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, dite « loi Meunier-Dini » et publiée au Journal officiel du 15 mars 2016 vise à compléter la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Nous assistons alors à une réelle évolution législative dans notre secteur marquée par de fortes ambitions en faveur des bénéficiaires que nous accompagnons chaque jour.Salvatore Stella Président du Cnameo – Carrefour national de l’action Educative en milieu ouvert. Membre du CNPE – Conseil national de protection de l’enfance. Directeur du département « Milieu ouvert » de l’Acsea dans le Calvados.

Si la loi de mars 2007 rendait obligatoire le Projet pour l’enfant (PPE) pour chaque mesure de protection de l’enfance, qu’elle soit administrative ou judiciaire, le législateur n’a pas manqué de rappeler sa faible utilisation sur notre territoire national, ce qui a amené ce dernier à redéfinir l’outil dans une certaine perspective. « De nombreux témoignages montrent la persistance des ruptures dans les parcours des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) et la corrélation qui existe souvent entre ces ruptures et les difficultés ressenties dans leur vie d’adulte. Si elles procèdent évidemment de la séparation familiale et du bouleversement des repères habituels que provoque la décision de placement, ces ruptures continuent souvent de jalonner le parcours de l’enfant : changements de lieux de placement, allers-retours domicile-lieux d’accueil. » Partir des besoins de l’enfant, de la singularité de sa situation, des ressources de son environnement afin de garantir la cohérence et la continuité de son parcours, telle a été la nouvelle ligne directrice à suivre pour la redéfinition de l’outil tant attendu par l’ensemble des acteurs concernés. Et cela vient se traduire par le nouveau décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016 relatif au référentiel fixant le contenu du projet pour l’enfant prévu à l’article L. 223-1-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) (JO du 30-09-16). L’objectif est de faciliter sa mise en œuvre et sa généralisation.

À travers cette nouvelle disposition, le législateur nous montre à quel point il attend beaucoup de l’outil. Il vient réaffirmer la nécessité du PPE en faisant de ce dernier la mesure phare du nouveau dispositif de protection de l’enfance.

Défini jusqu’alors comme un soutien à la fonction parentale, le PPE, depuis la loi de mars 2016, devient un véritable instrument au service de l’intérêt supérieur du mineur.

Garantir le développement de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, son bien-être mais aussi respecter ses droits et favoriser son autonomie, comme le précise le décret du 28 septembre 2016, telle est la visée de cette nouvelle loi. Ainsi, la réécriture de l’article L. 223-1-1 du CASF relatif au PPE nous amène à un recentrage sur la fonction première de l’outil qui ne laisse donc pas indifférent l’ensemble des acteurs concernés. D’une part, on assiste à un nouveau mouvement de balancier propre au secteur « entre droits des parents et besoins de l’enfant » et, d’autre part, cela pose de réels enjeux tant organisationnels que structurels mais également en termes de pratiques professionnelles. Ainsi, depuis le 1er octobre 2016, le texte est applicable et vient officialiser le référentiel fixant le contenu de l’outil devant amener à une meilleure efficience du projet pour l’enfant.

Pourtant, même si cette politique volontariste donne le cap en fixant des objectifs louables au dispositif de protection de l’enfance, en clarifiant de nouveau le contenu de l’outil, il n’en reste pas moins que des zones d’ombre subsistent notamment quant à ses modalités de mise en œuvre par le chef de file de la protection de l’enfance mais aussi quant à ses opérateurs, ses garants, son articulation, son contenu et ses effets.

Lors de nos 38es Assises nationales à Biarritz portant sur le sujet, le constat a été partagé par l’ensemble des acteurs concernés (agents départementaux et professionnels du secteur associatif habilité, dirigeants, salariés, élus… plus de 1 000 participants !). Onze ans après la naissance du PPE, l’outil est peu ou partiellement mis en œuvre et de façon hétérogène de par la diversité des pratiques départementales mais aussi du fait de la multiplication des dossiers de formalisation (dDocument individuel de prise en charge [DIPC], contrat d’accueil…) ou encore des ambiguïtés et des vides juridiques de la loi, ce qui laisse entrevoir la difficulté de penser l’outil, de le concevoir et de le pratiquer. Quid, en conséquence, d’une application générale effective sur l’ensemble du territoire national ?

Si l’intérêt supérieur de l’enfant est une priorité – et cela ne fait pas de doute –, un tel concept est vraisemblablement à appréhender sous toutes ses formes et de façon beaucoup plus harmonieuse. Mais cela nécessite bien sûr de redéfinir le sens et la cohérence donnés à l’ensemble des actions mises en place à plusieurs au service du parcours de vie de l’enfant.

Ce dossier s’intéresse donc aux aspects juridiques et réglementaires du PPE (I) ainsi qu’aux principes d’actions au service d’une démarche de parcours (II) et enfin à la mise en place de l’outil (III).

I. Pourquoi le PPE ?

La raison d’être du PPE peut être divisée en quatre objectifs : le premier est de répondre aux besoins de l’enfant, comme cela a été affirmé dans la loi du 14 mars 2016. En effet, la loi de 2007 faisait mention des besoins fondamentaux de l’enfant, mais c’est dans la loi de 2016 qu’il est établi que le projet pour l’enfant doit être « en adéquation »1 aux besoins de l’enfant. Celui-ci est central au projet, et la loi de 2016 mentionne par exemple la prise en compte de ses besoins « en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources »2.

Son deuxième objectif est d’associer les parents dans le processus du projet. Le projet se présente donc comme une démarche d’accompagnement du mineur et de ses parents : les parents peuvent exprimer leurs attentes et s’associent au professionnel pour s’accorder sur les modalités du document puis de la démarche à suivre. La loi de 2007 dispose en effet que le PPE doit préciser « le rôle des parents », et la signature du document leur est également proposée, ce qui démontre que les parents ou les personnes titulaires de l’autorité parentale peuvent potentiellement exprimer leur désaccord quant aux mesures proposées.

Le PPE est également fondé dans le but de développer la prévention, ce qui est lié à la mobilisation des parents du mineur. L’implication des parents au sein du projet dépend évidemment de nombreux facteurs, mais ceux-ci sont dans tous les cas sollicités et invités à s’impliquer. Les parents peuvent donc réfléchir au projet et aux solutions possibles, ce qui peut éventuellement éviter une intervention du conseil départemental concerné. De plus, des parents activement mobilisés dans le projet peuvent également anticiper l’évolution de la situation, et ainsi discuter au mieux de la marche à suivre avec les professionnels concernés.

Enfin, le PPE permet également d’apporter de la cohérence et de la clarté dans les actions menées. Le principe d’un document unique, d’un projet individualisé pour chaque enfant va déjà dans le sens de ce désir de cohérence, et permet d’obtenir une vision d’ensemble des actions et des mesures prises ou à prendre. Cette vision d’ensemble va permettre la mise en place d’une ligne commune pour les acteurs du projet, et une meilleure articulation des mesures.

À travers ces objectifs, on peut distinguer la « raison d’être » du projet pour l’enfant, un processus qui va établir un espace d’écoute entre les parents et l’enfant, chapeauté par des professionnels de la protection de l’enfance qui prendront leurs décisions dans un souci de construction commune du parcours de l’enfant.

A. Le cadre juridique du PPE

Le projet pour l’enfant est, selon la loi du 5 mars 2007, un document qui doit « préciser les actions qui seront menées auprès de l’enfant, des parents et de son environnement, le rôle des parents, les objectifs visés et les délais de leur mise en œuvre. Il mentionne l’institution et la personne chargées d’assurer la cohérence et la continuité des interventions »3.

La loi de 2007 reste assez vague sur la mise en place du PPE. Elle disposait que les services départementaux et les titulaires de l’autorité parentale établissaient un projet pour l’enfant concerné. Ce n’est que plus tard que la loi du 14 mars 2016 va préciser ses conditions et modalités d’élaboration. C’est ce texte de loi qui précise que la mise en place du PPE est établie pour tout mineur bénéficiant d’une prestation d’aide sociale à l’enfance, ou de protection judiciaire, en dehors des aides financières4.

En premier lieu, cette loi de 2016 vient établir que « le président du conseil départemental est le garant du projet pour l’enfant »5. Il est cependant précisé que celui-ci doit intervenir en « concertation »6 avec les titulaires de l’autorité parentale ou toute personne, physique ou morale, impliquée auprès du mineur. On s’éloigne donc ici des dispositions de la loi de 2007 qui ne mettaient pas en vigueur cette distinction entre le rôle du garant adopté par le conseil départemental et les personnes ayant un simple rôle de concertation. Le mineur concerné est associé au projet, mais son rôle dans celui-ci n’est pas explicitement précisé, si ce n’est qu’il est invité à signer le projet (avec les titulaires de l’autorité parentale) s’il est en âge de discernement, comme le précise le décret d’application du 28 septembre 2016.

Pour effectivement comprendre la construction et l’application du PPE, il faut s’intéresser aux décrets précisant son application. Le décret du 28 septembre 2016 mentionne le respect des besoins fondamentaux de l’enfant et précise que le projet accompagne l’enfant tout au long de son parcours au titre de la protection de l’enfance7. Le décret vient aussi fixer des délais pour la mise en place du PPE : celui-ci doit être établi dans un délai de 3 mois, à compter du commencement de la mesure. Le document doit contenir des informations estimées essentielles concernant le mineur, relevant de son identité, l’autorité parentale, son lieu de vie mais également sa fratrie8. Il doit également prendre en compte trois différents domaines de vie. Ces informations doivent permettre d’adapter le parcours de l’enfant au projet, tout cela dans un objectif de construction commune9 entre :

• les titulaires de l’autorité parentale ;

• l’enfant ;

• les tiers impliqués dans la vie de l’enfant ;

• les services départementaux ;

• le cas échéant, le service ou l’établissement auquel le juge a confié la mesure.

La personnalisation du projet est donc essentielle, et le PPE est agencé dans l’optique de pouvoir répondre à la diversité des situations en protection de l’enfance.

D’autres décrets apportent des précisions sur les modalités de mise en œuvre du PPE dans la pratique, comme le décret n° 2016-1557 du 17 novembre 2016, qui fournit des informations concernant l’élaboration du rapport de situation, et permet de vérifier la bonne mise en œuvre du projet pour l’enfant et son actualisation10. Le rapport de situation va également comporter un bilan, résumant la situation de l’enfant, de la mise en œuvre des actions définies dans le projet et qui va également déterminer si les objectifs fixés dans la décision concernant le mineur sont atteints ou non11. Ainsi, son rôle est de permettre l’actualisation du PPE et de s’assurer qu’il répond toujours correctement aux besoins de l’enfant et à l’évolution de ses besoins12, tout en portant sur les trois domaines de vie visés par le projet pour l’enfant13 :

• le développement, la santé physique et psychique de l’enfant ;

• les relations de l’enfant avec sa famille et les tiers intervenant dans sa vie ;

• la scolarité et la vie sociale de l’enfant.

Pour cela, le rapport de situation contient les dates et faits marquants de la vie de l’enfant, de sa famille et de son environnement14. Le contenu du rapport ainsi que ses conclusions sont transmis aux personnes exerçant l’autorité parentale sur le mineur concerné, ainsi qu’au mineur lui-même en fonction de son âge et de sa maturité. Les rapports de situation doivent être rédigés au moins tous les ans pour les enfants de plus de 2 ans et tous les 6 mois pour les enfants de moins de 2 ans (qu’ils soient accueillis ou qu’ils bénéficient d’une mesure éducative).

Le projet pour l’enfant est donc, à travers son cadre juridique et réglementaire, voué à s’affirmer comme une démarche partenariale, une contractualisation (non pas au sens de document régi par le droit des contrats, mais plutôt la formalisation d’un accord entre les parties concernées) permettant l’encadrement du mineur et prenant en compte son cadre de vie et son histoire. Centré sur l’enfant et voué à garantir son développement, son bien-être et à favoriser son autonomie, le projet pour l’enfant est également rédigé dans un souci de clarté tout en apportant de nombreuses informations sur la situation du mineur.

Le cadre juridique et réglementaire du PPE est donc fait de telle façon à faciliter la compréhension de la situation de l’enfant, tout en prenant en compte la diversité des situations potentiellement rencontrées, mais ne spécifie pas le fonctionnement en tant que tel du dispositif. Si le décret du 28 septembre 2016 précise le contenu du PPE, et que les différents décrets susmentionnés apportent des informations et des précisions sur le document en lui-même, on peut cependant lui reprocher de ne pas efficacement caractériser la mise en œuvre du projet au regard des interventions à effectuer pour l’intérêt de l’enfant. De plus, ces imprécisions peuvent potentiellement soulever des questions quant à des situations particulières, par exemple les cas où les personnes titulaires de l’autorité parentale ne souhaitent pas coopérer dans la mise en place du projet. En outre, la loi de 2016 dispose qu’une liste des actes usuels de l’autorité parentale que la personne du service de l’aide sociale à qui l’enfant est confié ne peut pas réaliser doit être élaborée15. Mais la définition d’actes usuels n’est pas fondée en droit, ce qui pourrait amener à des confusions quant à ce que cette personne peut ou ne peut pas faire. Le texte ne précise pas non plus si les personnes titulaires de l’autorité parentale peuvent refuser la réalisation de certains actes usuels.

II. Les principes d’actions au service d’une démarche de parcours

Pensé comme l’outil au service d’une démarche d’accompagnement de l’enfant et de sa famille pour plus de clarté et de cohérence, le PPE est réaffirmé et une place centrale est donnée à l’enfant. L’outil vise in fine son intérêt supérieur, en somme son épanouissement, son insertion et son autonomie.

A. Le PPE dans une démarche centrée sur les besoins de l’enfant

« Garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation dans le respect de ses droits »16, telle est la perspective dans laquelle s’inscrit le PPE.

Ainsi, si nous devons garantir les besoins fondamentaux de l’enfant, il est important de rappeler que le projet de réforme découle d’une démarche ambitieuse, portant principalement.

sur la promotion des droits de l’enfant à travers la recherche du meilleur intérêt de l’enfant, ce dernier s’appuyant sur le traité le plus ratifié au monde dont la France est signataire : la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE)17, qui prône le respect de ses droits, la prise en compte de ses besoins, le développement de ses capacités. C’est de ce point de vue que la loi de mars 2016 promeut une certaine avancée dans la loi de mars 2007.

Les besoins fondamentaux de l’enfant sont donc à appréhender par le prisme des droits de l’enfant devant constituer un socle de valeurs communes dans l’ensemble des interventions.

Comme l’indiquait Laurence Rossignol, alors ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes : « La réforme de la protection de l’enfance, c’est repositionner la protection de l’enfance dans l’intérêt de l’enfant, autour de ses besoins […] ce changement de paradigme [s’inscrit dans] une nouvelle définition de la protection de l’enfance [et est] incarné par un outil précieux de la politique publique de protection de l’enfance : le projet pour l’enfant […]. Le PPE […] est un document qui appartient à l’enfant et qui porte une véritable ambition pour lui. » Ce recentrage sur les besoins fondamentaux de l’enfant est l’une des grandes orientations de la feuille de route qui accompagne la loi de 2016 et qui fixe comme objectif de « mieux prendre en compte les besoins de l’enfant »18.

Le PPE repose donc sur des droits et principes fondamentaux qui sont la résultante de textes internationaux et du droit interne, notamment des lois rénovant l’action sociale et médico-sociale19 et celle relative à l’autorité parentale.

B. Le PPE et la famille dans une démarche collaborative

Si le dispositif de protection de l’enfance se recentre davantage sur l’enfant depuis le 16 mars 2016, la famille ne doit pas pour autant être oubliée dans la démarche du projet pour l’enfant.

Selon l’article D. 223-13 du CASF : « Le projet pour l’enfant est établi dans un objectif de construction commune entre les titulaires de l’autorité parentale, l’enfant, les tiers impliqués dans la vie de l’enfant, les services départementaux et, le cas échéant, le service ou l’établissement auquel le juge a confié la mesure. »

Dans cette évolution législative, les parents deviennent des ressources mobilisables dans l’environnement de l’enfant, responsables de son éducation. Ils deviennent acteurs de la démarche. Toutefois, ces derniers doivent pouvoir répondre de leurs droits et continuer d’exercer leurs obligations, notamment lorsqu’ils sont toujours détenteurs de leur autorité parentale.

À ce titre, le PPE doit pouvoir associer les parents à chaque étape de la mise en œuvre de l’outil en s’appuyant sur leurs potentialités, en les informant et en définissant clairement leur rôle tant d’un point de vue de leurs responsabilités que des compétences matérielles ou encore de la définition de leurs besoins.

Il va de soi que c’est dans une démarche de concertation et de dialogue que viennent s’opérer le respect de la fonction, le rôle et les droits des parents.

À juste titre, « le projet pour l’enfant doit s’élaborer selon une méthodologie favorisant une démarche partagée avec les parents dont les avis et souhaits doivent pouvoir être sollicités, écoutés et pris en considération. Il appartient alors aux professionnels de les faire émerger en conciliant le respect du point de vue et des aspirations de la famille avec les impératifs de protection de l’enfant. La formalisation du document n’est pas une fin en soi, mais seulement la résultante d’une démarche concertée, basée sur une confiance réciproque, qui doit aboutir à la déclinaison et à la mise en cohérence d’actions individualisées »20.

Par ailleurs, les nouvelles dispositions légales n’apportent aucune précision lorsque la famille est en total désaccord avec la démarche ou la mise en œuvre du projet pour l’enfant. Cela ne signifie pas pour autant que les professionnels doivent abandonner la mise en place du PPE. Au contraire, le désaccord doit être exprimé et peut, le cas échéant, servir d’argument pour le bien-fondé de la saisine du procureur de la République au titre de l’article 375 du Code civil lorsqu’un enfant est en situation de danger. Et le refus des parents de signer n’invalide en rien l’association de l’enfant à la démarche. Cela rend bien sûr l’exercice contraignant. Les professionnels doivent alors engager un travail de réflexion plus poussé pour continuer l’échange avec les parents ou tout du moins continuer de les tenir informés de la mise en œuvre de l’outil afin que ces derniers puissent en comprendre les enjeux dans l’intérêt de leur enfant.

C. Le PPE dans une démarche de co-élaboration et partenariale tournée vers l’avenir et ouverte sur l’environnement

C’est dans une démarche globale que le PPE s’inscrit. S’il vise la primauté de l’intérêt de l’enfant, la participation des parents et de l’enfant, les professionnels doivent pouvoir engager un travail partenarial en co-élaboration ouvert sur l’environnement de la famille et de l’enfant.

Au-delà de ces lois réformant le dispositif de protection de l’enfance, le PPE est l’outil à disposition des intervenants pour se (re)centrer sur la situation et les besoins de l’enfant. Identifiés comme tels, la stabilité du parcours en protection de l’enfance, la cohérence des décisions et des interventions des services, la prise en compte de la réalité de ses liens affectifs guident nécessairement la démarche. Toutefois, cette disposition interroge les notions de « parcours » et de « stabilité » en protection de l’enfance, alors même qu’un parcours de vie est rarement linéaire et souvent jalonné d’aléas. Les accompagnements d’enfants ou de jeunes en difficulté sont assurés par une multiplicité de professionnels. Cette diversité constitue certes une richesse, mais elle peut devenir un parcours du combattant dès lors qu’elle n’est ni coordonnée, ni portée par des intervenants empreints d’une volonté d’ouverture à une posture et à des pratiques professionnelles différentes.

Toutefois, s’agissant d’un document de référence pour les acteurs concernés, le PPE ouvre une porte générale offrant une vue d’ensemble des interventions mises en place auprès de l’enfant, de ses parents et de sa famille.

De par cette approche globale, le PPE doit donc guider les actions des professionnels dans leur évaluation sur l’évolution de l’enfant mais aussi sur les rapports et bilans qu’ils effectuent (rapport circonstancié, évaluation pluridisciplinaire). En ces termes, une articulation est à trouver, car la loi est imprécise à ce titre et devient nécessaire pour permettre le sens et la cohérence dans les actions mises en œuvre de façon collective et au regard de l’ensemble de ces contenus. Se pose par ailleurs la question de la rétroactivité. La loi ne prévoit pas l’effet rétroactif concernant les enfants suivis pour lesquels un DIPC est formalisé et toujours en attente d’un PPE.

Pour le milieu ouvert, notons une imprécision juridique.

Ainsi, l’article D. 223-16 du CASF, issu du décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016 relatif au référentiel fixant le contenu du projet pour l’enfant prévu à l’article L. 223-1-1 du CASF, précise : « Le projet pour l’enfant est signé par le président du conseil départemental. Dans le cas d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert mentionnée à l’article 375-2 du Code civil ou de placement mentionnée aux 4° et 5° de l’article 375-3 du Code civil, le cadre du service ou de l’établissement à qui le juge a confié la mesure vise le projet pour l’enfant et le transmet au président du conseil départemental pour signature. »

Si le conseil départemental est nouvellement garant du PPE, aux termes de l’article L. 223-1-1 du CASF, et qu’il doit assurer la continuité des actions mises en œuvre pour l’enfant et sa famille aux termes de ce même article, l’article D. 223-16 du CASF débouche sur des interprétations différentes en termes de pratiques et sur le qui fait quoi. À juste titre, les termes « vise le projet » laissent entrevoir une notion floue, à tel point que certains départements pourraient être tentés de déléguer la mise en œuvre du PPE au secteur associatif habilité en charge d’accompagner l’enfant et sa famille. Ce qui, selon nous, ne correspondrait pas à l’esprit de la loi. Cette ambiguïté montre à quel point il devient complexe de s’approprier l’outil et de le déployer avec harmonie, avec sens et cohérence dans une vision partagée et concertée.

Si le PPE favorise plus de clarté et de cohérence, il doit pouvoir poser clairement les actions qui vont être menées et permettre à chacun (parents, enfant, professionnels) de savoir où l’on va (les objectifs), ce que l’on met en place en termes d’actions, qui le fait (les professionnels) et pendant combien de temps. Il doit pouvoir donner à lire le parcours de l’enfant, l’évolution de sa situation et celle de sa famille.

III. Comment mettre en place un projet pour l’enfant ?

Conformément aux dispositions légales, la prise en compte des besoins de l’enfant, le respect mutuel de l’enfant, du parent et du professionnel, l’écoute et le dialogue, un projet partagé et des actions et des mesures limitées dans le temps constituent des principes incontournables pour la bonne mise en œuvre du PPE. Considéré comme un document global, l’outil PPE est donc le fil rouge tout au long de la mesure et des différentes mesures prises dans le parcours de l’enfant.

A. Le document PPE

Au-delà d’un document administratif et obligatoire, citons l’article L. 223-1-1 du CASF :

« Il est établi, pour chaque mineur bénéficiant d’une prestation d’aide sociale à l’enfance, hors aides financières, ou d’une mesure de protection judiciaire, un document unique intitulé “Projet pour l’enfant” […]. Les autres documents relatifs à la prise en charge de l’enfant, notamment le document individuel de prise en charge et le contrat d’accueil dans un établissement, s’articulent avec le projet pour l’enfant. »

L’outil PPE est un document individualisé et articulé : le PPE est élaboré pour enfant concerné afin de travailler de manière personnalisée sur ses besoins spécifiques même si, par ailleurs, une mesure pourrait concerner l’ensemble de la fratrie. Il doit pouvoir s’articuler avec les autres documents tels que le document individuel de prise en charge ou contrat d’accueil pouvant figurer en annexe du projet afin d’avoir une vision globale de la situation de l’enfant et de sa famille.

En outre, selon le décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016 : « Le projet pour l’enfant est établi […] dans un délai de trois mois à compter du début de la prestation ou de la mesure […] définit les objectifs poursuivis et un plan d’actions. Ce plan d’actions décrit les actions à mener auprès de l’enfant, des titulaires de l’autorité parentale et de son environnement. Il précise également la durée, et les dates d’échéance des actions […] sont actualisées sur la base des rapports de situation établis au moins tous les ans pour les enfants de plus de deux ans et au moins tous les six mois pour les enfants de moins de deux ans. L’actualisation du projet pour l’enfant prend en compte notamment les changements de modalités d’accompagnement. » Le PPE est un document évolutif et actualisé qui s’inscrit dans une dynamique puisqu’il reprend l’évolution, dans le temps, des besoins de l’enfant, la réévaluation des objectifs, les actions successives ou concomitantes mises en place et leur bilan. Il s’agit de restituer le parcours de vie de l’enfant dans le dispositif de la protection de l’enfance.

Selon l’article D. 223-13 du CASF, issu du décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016 : « Il prend la forme d’un document unique et structuré indiquant les objectifs et la nature des interventions menées en direction de l’enfant, des titulaires de l’autorité parentale et de son environnement […]. Le projet pour l’enfant est établi dans un objectif de construction commune entre les titulaires de l’autorité parentale, l’enfant, les tiers impliqués dans la vie de l’enfant, les services départementaux et, le cas échéant, le service ou l’établissement auquel le juge a confié la mesure. »

Le PPE est un document structuré, participatif, collaboratif et compréhensif, d’une part, parce que chacune de ses parties correspond à une des étapes de la construction du projet et, d’autre part, il doit permettre le recueil de l’expression des parents mais pas seulement. Pour qu’il soit participatif, collaboratif et compréhensif, l’outil doit pouvoir être partagé par l’ensemble des personnes concernées (enfant, parents, professionnels). De fait, cela nécessite que l’outil puisse être lisible et compris par tous. L’outil est donc à appréhender de façon transversale.

Portant sur le contenu du PPE, est fait mention à l’article D. 223-14 du CASF, issu du décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016 : « Le projet pour l’enfant contient les informations essentielles relatives à l’enfant, notamment :

1. Des informations portant sur son identité : nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance ;

2. Des informations relatives à l’autorité parentale : identité et adresse des titulaires de l’autorité parentale ;

3. Des informations relatives à son lieu de vie ;

4. Des informations relatives à la fratrie de l’enfant.

Il mentionne le service du conseil départemental ou habilité par celui-ci en charge de l’accompagnement de l’enfant et l’identité du référent désigné.

Le projet pour l’enfant mentionne la décision administrative ou judiciaire de protection de l’enfance qui fonde l’intervention auprès de l’enfant en précisant la date et le lieu de la décision, les motifs de la décision ainsi que son contenu. Les objectifs de la décision sont rappelés afin que le projet pour l’enfant soit construit en cohérence avec ces objectifs […]. »

Le PPE est un document aux données administratives fixes et dynamiques à la fois portant sur la situation de l’enfant (enfant, parents, fratrie et personnes ressources), l’enfant confié au service de l’aide sociale à l’enfance (une partie doit être prévue dans le cas où l’enfant est placé), la définition des besoins de l’enfant et recueil des souhaits des parents mais également le projet en tant que tel définissant les objectifs, actions, acteurs, délai et bilan et les moyens accompagné d’une fiche de contacts renseignant le nom des professionnels qui interviennent dans le cadre du PPE. À ce titre, le conseiller « enfance » doit être mentionné puisque ce dernier est en charge de la cohérence et de la continuité des interventions telles que le prévoit la loi du 5 mars 2007. Des annexes peuvent être prévues portant notamment sur les documents à articuler avec le PPE ou documents relatifs à certaines mesures, actes usuels…

B. Le démarrage et la mise en œuvre du PPE

Il s’agit là d’une première étape incontournable pour démarrer la mesure. Il est donc nécessaire d’identifier préalablement les situations débouchant sur la mise en place de l’outil.

Si le dispositif prévoit à l’article D. 223-12 du CASF, issu du décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016 : « Le projet pour l’enfant est établi par le président du conseil départemental pour tout enfant bénéficiant d’une prestation d’aide sociale à l’enfance, hors aides financières, ou d’une mesure de protection judiciaire », il semble important de repérer les différentes portes d’entrée pour démarrer le PPE.

Ainsi, les motifs de démarrage du PPE peuvent se justifier :

• lorsque les parents souhaitent obtenir de l’aide en s’adressant directement au département de l’action sociale ;

• lorsqu’une situation est déjà connue et que la famille bénéficie d’un accompagnement ; – lorsque le recueil d’information préoccupante (CRIP) évalue la mise en place de l’outil ; – lorsque des partenaires transmettent des informations au conseil départemental sur une situation familiale ;

• lorsqu’une mesure de milieu ouvert est prononcée ;

• ou encore lorsqu’une mesure de placement est prononcée pour un enfant dont la situation familiale n’est pas connue des services ou connue mais pour laquelle un PPE n’a pas encore été mis en place.

La mise en place et la mise en œuvre du PPE peuvent donc se dérouler en deux phases, l’une portant sur un diagnostic partagé de la situation et l’autre portant sur la phase de mise en œuvre.

Portant sur la première phase, plusieurs domaines d’attention doivent être retenus et en conformité avec la loi, notamment portant sur la santé physique et psychique, la scolarité, la vie sociale et la relation avec la famille et les tiers, comme mentionné à l’article D. 223-15, I, CASF, issu du décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016, ceci afin d’identifier la mesure phare qui justifie le PPE et le service mandaté pour mener à bien cette mesure.

Portant sur la seconde phase, comme la loi l’exige, le PPE doit être mis en place dans un délai de 3 mois suivant la mise en place d’une mesure. Le PPE est donc signé par le président du conseil départemental en sa qualité de chef de file.

Il est proposé aux titulaires de l’autorité parentale ainsi qu’à l’enfant en âge de discernement de signer le projet pour l’enfant. Dans un cadre contraint, une proposition de signature est faite aux parents dans le sens où le décret ne prévoit donc pas l’accord de ces derniers mais bien une proposition de signature.

Le PPE comporte par ailleurs les dates auxquelles le document a été remis aux titulaires de l’autorité parentale, à l’enfant, selon des modalités adaptées à son âge et à son degré de maturité, aux services chargés de mettre en œuvre les interventions et au juge dès lors que celui-ci est saisi. En amont, ont donc été identifiées les personnes physiques ou morales auxquelles le projet pour l’enfant est communicable.

Toutefois, portant sur la communication du PPE, le décret d’application aurait pu mentionner que l’outil ne peut être adressé qu’à des personnes soumises au secret professionnel comme le prévoient les articles L. 226-2-1 et L. 226-2-2 du CASF.

À cet effet, nous pouvons recommander que pour tout changement d’objectifs ou de modalités d’actions, il est important d’effectuer la mise à jour du PPE. Sur ce dernier point, la transmission de ces changements doit pouvoir être assurée à l’ensemble des cosignataires et des professionnels concernés afin de garantir la continuité des actions et de prévenir les ruptures de parcours.

Enfin, parce que le PPE fait partie de l’histoire de l’enfant, et au même titre que les autres documents le concernant (évaluation, décisions administratives ou judiciaires), le PPE doit pouvoir être conservé et archivé par les conseils départementaux au sein du dossier de l’enfant dans le respect de la législation portant sur l’accès aux documents administratifs et à la loi « informatique et libertés »21 ainsi qu’à celle relative à l’archivage22.

Il est nécessaire, pour répondre aux prérogatives posées par le PPE, de s’inscrire dans une démarche :

• de co-élaboration : le dialogue est ici recherché entre les familles et les professionnels invitant à interroger les postures actuelles ainsi à passer de la prescription de mesures à un partage des objectifs concernant la satisfaction des besoins de l’enfant – en d’autres termes, le professionnel ne fait pas une proposition aux parents mais il les aide à trouver une solution, ce qui induit par ailleurs d’accepter la différence de point de vue ;

• tournée vers l’avenir : le PPE s’inscrit dans un parcours de vie, ce qui induit de s’inscrire dans une logique de projet, et de viser en premier lieu les objectifs définis avant même de définir les moyens nécessaires pour y parvenir justement pour savoir où l’on va. Il s’agit donc de planifier des actions qui peuvent être réajustées si nécessaire dans le cas où ces dernières ne répondraient pas aux objectifs fixés ;

• ouverte sur l’environnement : l’un des principes d’action importants du PPE est de promouvoir dans l’environnement de la famille la recherche de solutions. En ce sens, il s’agit d’identifier, en lien avec la famille et l’enfant, les personnes du réseau familial avec qui l’enfant entretient des liens importants et qui peuvent constituer une ressource pour le PPE. À noter que dans le cadre d’une mesure de placement, il s’agit d’éviter la rupture des liens qu’avait l’enfant avec son environnement. Il s’agit ici de trouver des ressources pour l’enfant et ses parents dans leur entourage ;

• partenariale : pour rendre efficient le PPE, une démarche partenariale est indispensable entre les différents acteurs concernés, ceci afin de garantir une cohérence dans les actions mises en place. Le conseil départemental, garant de la continuité et de la cohérence, pourrait organiser les modalités de coordination et de concertation nécessaires. De cette action, une articulation et une concordance doivent pouvoir s’opérer entre le PPE et les autres démarches des professionnels. Cette articulation doit donc faire partie des objectifs et actions définis dans la démarche du projet.

Notes

Décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016 relatif au référentiel fixant le contenu du projet pour l’enfant prévu à l’article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles (JO 30-09-16).

(1) Article 28 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016.

(2) Article 15 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016.

(3) Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007.

(4) CASF, art. L. 223-1-1, créé par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016.

(5) Article 21 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016.

(6) Idem.

(7) Article 1er du décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016 relatif au référentiel fixant le contenu du projet pour l’enfant prévu à l’article L. 223-1-1 du CASF.

(8) Article 2 du décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016.

(9) CASF, art. D. 223-13, créé par le décret n° 2016-1283 du 28 septembre 2016.

(10) CASF, art. R. 223-18, créé par le décret n° 2016-1557 du 17 novembre 2016 relatif au référentiel fixant le contenu et les modalités d’élaboration du rapport de situation prévu à l’article L. 223-5 du CASF.

(11) CASF, art. R. 223-20, créé par le décret n° 2016-1557 du 17 novembre 2016.

(12) CASF, art. R. 223-18, créé par le décret n° 2016-1557 du 17 novembre 2016.

(13) CASF, art. R. 223-19, créé par le décret n° 2016-1557 du 17 novembre 2016.

(14) Article R 223-20 du CASF.

(15) CASF, art. L. 223-1-2, créé par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016

(16) CASF, art. L. 112-3, créé par la loi du n° 2016-297 du 14 mars 2016.

(17) La Convention internationale des droits de l’enfant, ou Convention relative aux droits de l’enfant, est un traité international adopté par l’Assemblée générale des Nations unies, le 20 novembre 1989.

(18) Extrait du rapport de l’ONPE, « Le PPE : état des lieux, enjeux organisationnels et pratiques », juillet 2016.

(19) Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002

(20) Fiche technique du groupe d’appui de la Convention nationale des Associations de Protection de l’Enfant – mars 2010

(21) Loi n° 78-17 du 17 juillet 1978.

(22) Loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives.

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