« Depuis plusieurs années, le nombre de mineurs étrangers enfermés avec leurs familles dans les centres de rétention administrative (CRA) n’a cessé de croître. Cette situation suscite l’inquiétude du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGPL) au regard des effets manifestement contraires aux droits fondamentaux de ces enfants qu’un tel traitement entraîne. » Ainsi commence l’avis du CGPL sur la rétention des mineurs.
Derrière les formulations diplomatiques, la colère, voire l’indignation, Adeline Hazan appuie ses affirmations sur des chiffres. En 2013, 41 enfants ont été placés en CRA et, depuis, la progression a été exponentielle. Ils ont été 172 en 2016, 304 en 2017, et pour les quatre premiers mois de 2018, il y en a déjà 77.
Interpellé à plusieurs reprises sur ce sujet, le ministre de l’Intérieur – ou plutôt les ministres qui se sont succédé place Beauvau – s’est toujours retranché derrière le fait que plusieurs lois votées depuis 2012 autorisent le placement d’enfants en CRA. Ainsi de la « la loi du 7 mars 2016, qui précise que les conditions du placement en rétention d’un étranger accompagné d’un enfant mineur sont en parfaite conformité avec les exigences européennes qui ne prohibent pas l’accompagnement d’un étranger retenu par ses enfants mineurs mais imposent des conditions spécifiques en pareil cas ».
Le CGPL est en désaccord tant sur la forme que sur le fond avec cette analyse. D’abord, il considère que, même si des améliorations ont été apportées aux conditions de rétention des enfants, la situation n’est pas satisfaisante. Ensuite, il dénonce le caractère opportuniste de ces rétentions qui sont, estime-t-il, « surtout destinées à faciliter le travail de l’administration en vue de l’éloignement des familles, en ce qu’elle évite un déplacement au petit matin au domicile de la famille. L’examen des statistiques montre que son utilisation n’est pas liée au comportement des étrangers enfermés. La durée d’enfermement des enfants en CRA est le plus souvent brève mais elle a pu parfois se prolonger jusqu’à deux semaines. »
Enfin, le CGPL est, par principe, hostile à l’enfermement des enfants, rappelant que la France a été plusieurs fois condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour cette raison. Il conclut en recommandant que « l’enfermement des enfants soit interdit dans les CRA, seule la mesure d’assignation à résidence pouvant être mise en œuvre à l’égard des familles accompagnées d’enfants ».
Au vu de la politique actuelle de Gérard Collomb, il est clair que l’on s’achemine vers un dialogue de sourds, voire à une absence de dialogue entre le gouvernement et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.