« Finalement, les seules personnes qui ne peuvent pas manger les œufs pondus dans le poulailler attenant à la maison de retraite, ce sont les résidents qui en meurent d’envie, après s’être si bien occupés des poules !”, confiait une directrice un peu dépitée. Elle avait bien choisi ses mots : “mourir d’envie”, ou encore d’“ennui”, n’est-ce pas l’un des plus grands risques en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ? Tandis qu’aujourd’hui les règles de sécurité vétérinaire nous obligent à recenser les produits à allergènes ? Produits qui n’ont commis aucune catastrophe pour les convives depuis leur naissance, depuis 85 à 90 ans…
L’accentuation des moyens de soins et d’accompagnement dans les EHPAD est nécessaire, et les annonces ministérielles sont très bienvenues. Mais nous devons tous ensemble aussi savoir nous interroger sur notre perfectionnisme normatif, immobilier et hôtelier, chaque fois qu’il écarte nos pratiques des habitudes de vie des personnes âgées que nous accueillons. Car toutes les activités du quotidien menées encore à domicile avant l’admission en EHPAD – certes parfois avec une grande lenteur – sont autant d’ancrages dans la réalité, dans le plaisir de faire soi-même tout ce qui est encore possible.
Notre recherche collective de perfectionnisme hôtelier reste inscrite dans un schéma de substitution – faire tout “à la place de”. Alors que nous pouvons sans doute nous inscrire dans un principe de participation qui mobilise, et donc entretient, les capacités des résidents. Il en va de l’autonomie psychique et sociale comme de l’autonomie physique et de la musculature : elle ne s’use que lorsque l’on ne s’en sert pas ! Tel est le cas aussi de la mémoire. L’animation ne doit pas être la parenthèse : elle ne doit pas résumer les moments où la capacité de faire des résidents est recherchée, soutenue et valorisée, par les professionnels comme par leurs proches.
Bref, la simplification et la révision des normes, comme la réflexion sur les pratiques, doivent être mises à l’ordre du jour pour viser, chaque fois que possible, le “comme à la maison”. Cela sonne presque comme un label ou une future norme ISO, ou du moins comme un cap, une nouvelle direction. Mais gardons-nous bien, encore une fois, de ne pas la penser et l’écrire “à la place de”. Et puis cela nous permettra d’identifier de nouvelles dénominations pour ces “lieux de vie accompagnée” à concevoir. Car on n’ose plus écrire “maison de retraite”, cela fait vieillot et pas très “techno” (quoique l’expression soit comprise par tous). Mais on comprend bien aussi que le développement de l’acronyme EHPAD n’est plus en phase avec ce que nous devons imaginer pour demain avec nos concitoyens âgés. Ce n’est plus le bon drapeau. »
David Causse. Coordonnateur du pôle santé-social de la FEHAP, délégué général adjoint de la FHF, directeur général de l’Elan retrouvé, directeur des établissements sanitaires et médico-sociaux du Groupe Pro BTP, assistant de direction au CH de Saint-Germain-en-Laye, directeur adjoint au CHU d’Angers et chargé d’enseignements au CNAM et à l’Institut Leonard de Vinci (92).
Maryse Duval. Fondatrice de Domicile Famille et du réseau Domaliance, directrice opérationnelle chez DomusVi Domicile jusqu’en 2012, cofondatrice de la Compagnie des aidants, elle a reçu en 2015 le trophée « Femmes de l’économie » dans la catégorie « Femme dirigeante » pour son investissement en faveur des seniors et du bien vieillir.