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La mauvaise réputation

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Depuis quelques années, les formations aux métiers du social attirent moins de candidats. Changement de mentalité des jeunes générations ? Mauvaise image ? Mauvaises conditions objectives de travail ?

Chaque année, la DREES (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) interroge les centres de formation en travail social sur la composition de leurs effectifs étudiants. Ainsi, en décembre 2015, elle comptabilisait 61 700 étudiants inscrits dans les filières préparant aux 14 diplômes de travail social (de niveaux V à I) recensés dans le code de l’action sociale et des familles(1), soit une croissance de 14 % en dix ans. Toutefois, la DREES note que, pour la première fois depuis le début des années 1980, le nombre d’inscrits en première année a diminué entre 2010 et 2011. Des distinctions existent par ailleurs entre les métiers. Par exemple, outre les formations menant à l’encadrement (Cafdes et Caferuis), entre 2010 et 2015, seuls ont connu une augmentation les effectifs des formations d’éducateur de jeunes enfants (+ 13 %), de conseiller en économie sociale et familiale (+ 5 %) et de moniteur-éducateur (+ 3 %). Dans la même période, le nombre total de nouveaux inscrits et d’étudiants dans la filière sociale diminuait de 7 %. Plus récemment, la DREES enregistrait une baisse de 7 % du nombre d’étudiants en formation d’assistant de service social entre 2006 et 2016, et une baisse de 47 % du nombre de candidats à cette formation(2).

Sur le terrain, cette réalité statistique n’est pas toujours ressentie. Par exemple, Julien Parent, de l’Association interrégionale des formatrices et formateurs en travail social (L’IRE), a constaté dans son établissement de Maubeuge (Nord) une baisse des candidatures aux formations de niveau III (futur niveau II) à la rentrée 2017 et une forte hausse pour la prochaine rentrée. Anne Crequis, directrice de l’institut régional du travail social (IRTS) de Nouvelle-Aquitaine (membre de l’Unaforis), affirme de son côté qu’il y avait « peu d’évolution ces dernières années, mais qu’à la rentrée prochaine certaines filières enregistrent une baisse sensible des candidats ». « La situation n’est pas la même pour toutes les filières, confirme Chantal Cornier, directrice de l’institut de formation en travail social d’Echirolles (Isère). Les formations d’assistant de service social et celles du domicile sont, très clairement, celles qui souffrent le plus. »

Pourquoi ? Julien Parent y voit le reflet d’une « société de plus en plus individualiste ». « Ce sont des métiers qui ne collent pas à l’injonction du “premier de cordée” et de la “start-up nation”. » Formatrice en institut universitaire technologique et engagée dans L’IRE, Christine Gruson nuance toutefois : « Je suis très étonnée de voir à quel point les jeunes que nous avons reçus cette année sont engagés. Ils sont bénévoles dans des associations, ont fait des voyages humanitaires… » Anne Crequis confirme : « Les candidats restent portés par une quête de sens dans leur quotidien professionnel, un attachement à l’aide aux autres. »

Le traitement médiatique

Quoi qu’il en soit, les causes de la désaffection des métiers du social sont ailleurs. « Peut-être que l’architecture des diplômes, complexe et peu lisible, peut l’expliquer en partie ? s’interroge Anne Crequis. Mais je pense que nos filières souffrent surtout d’un manque de communication et d’un déficit d’image. » Il faut dire que le positionnement d’une partie de la classe politique n’a en rien favorisé la bonne image du travail social, estime Didier Dubasque, membre du Haut Conseil du travail social (HCTS). « A partir de 2007, nous avons assisté à une chasse aux “mauvais” pauvres. L’assistance s’est transformée en assistanat, analyse-t-il. Et, finalement, cela a déteint sur l’image des professionnels qui aident les populations stigmatisées. » S’ajoute à cela le traitement médiatique des services sociaux, qui se retrouvent régulièrement au centre d’« affaires », soit qu’ils se seraient montrés trop interventionnistes, en « enlevant » par exemple un enfant à ses parents, soit qu’ils ne seraient pas intervenus assez tôt pour éviter un drame.

Or, « dans le même temps, les contenus des métiers restent peu ou mal connus par le public », note Chantal Cornier. « C’est un problème ancien, déjà pointé par l’ancien Conseil supérieur du travail social [devenu le HCTS], confirme Marcel Jaeger, sociologue au Conservatoire national des arts et métiers (voir page 24). Actuellement, je suis moi-même en train de travailler à des projets de “mooc” pour contribuer à faire mieux connaître le travail social. » Quant au cadre dans lequel ce dernier s’exerce, tous ces professionnels décrivent la même chose : des métiers difficiles par nature et du fait d’un contexte institutionnel en transformation permanente, qui sont mal payés. De quoi limiter leur attractivité… Pour autant, conclut Chantal Cornier, « l’intérêt de ces métiers reste exceptionnel, et il faut faire parler les professionnels passionnés pour les défendre ».

Notes

(1) Etudes et résultats n° 986 (DREES, déc. 2016).

(2) Etudes et résultats n° 1044, (DREES, déc. 2017).

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