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Christophe Trivalle : « Vous avez dit concentration ? »

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Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) vient de publier un avis sur les enjeux éthiques du vieillissement. Christophe Trivalle, chef de service à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, s’interroge sur l’image négative que ce texte donne des structures d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes.

« Le Comité consultatif national d’éthique vient de rendre public son avis n° 128 sur les enjeux éthiques du vieillissement. La description qui y est faite des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ainsi que l’utilisation du mot “concentration” dans le titre et de celui de “dé-ghettoïsation” pour évoquer le fait de sortir les résidents de ces institutions posent question.

Une « dénégation collective » de la vieillesse

Pour les auteurs de cet avis, “l’institutionnalisation de personnes âgées dépendantes, leur concentration entre elles, dans des établissements d’hébergement, les excluant du reste de la société, est probablement le fruit d’une dénégation collective de ce que peut être la vieillesse, la fin de la vie et la mort. […] Nos sociétés, en confiant finalement la vieillesse et la fin de vie à la médecine, ont confiné des personnes en raison de leur âge et de ses contingences, dans des ’lieux de vie’ souvent violents et parfois même maltraitants. […] La surmédicalisation de la fin de vie serait à interroger lorsqu’elle contribue à maintenir la personne dans une vie de souffrance à la fois physique et mentale (comparable à une obstination thérapeutique).” Ceci aboutit à “une situation parfois indigne qui génère en miroir un sentiment d’indignité des personnes. […] Il n’est pas admissible que l’état de vulnérabilité des personnes les contraigne à finir leur vie dans des conditions et des lieux qui ne peuvent pas leur apporter le sentiment de dignité et de respect qu’elles sont en droit d’attendre.”

Alors, quelles sont les solutions proposées ? Tout d’abord, changer le regard porté sur la vieillesse en modifiant les normes verbales : enlever “hébergement” et “dépendantes” dans EHPAD, remplacer “neurodégénérative”, éviter “institutionnalisation”, faire disparaître le terme “démence”… Ensuite, apprendre aux enfants à aimer les vieux et à cultiver l’assistance à autrui et l’altruisme. Encourager les médias (sources de “déformation ou de désinformation”) à développer une vision positive du vieillissement. Mettre en place des actions culturelles et inclusives. Revoir la formation des professionnels de santé (singularité et écoute active). Créer de nouveaux métiers (coordonnateurs, gestionnaires de cas, référents d’accompagnement de l’aidant) et penser des transferts de tâche. Mettre en place un cinquième risque de la sécurité sociale. Mieux aider les aidants et reconnaître un droit au répit. Favoriser la solidarité, le bénévolat et le mécénat. Développer une culture préventive et une dynamique intergénérationnelle. S’appuyer sur la silver économie, la révolution numérique, la domotique et la robotique solidaires (sic) pour favoriser le maintien à domicile “sans mettre en danger la personne, ni atteindre à sa dignité”. Revaloriser les personnels en EHPAD (et à domicile), qui sont “à la fois débordés et souvent insuffisamment formés à l’accompagnement moral des résidents”. Adapter le logement des personnes âgées et poursuivre la désinstitutionalisation : habitats intergénérationnels, autogérés, intermédiaires (résidence-autonomie) et EHPAD “hors l’EHPAD” (dans les nouveaux immeubles, on réservera un ou deux étages pour les vieux…).

Des lieux dont on ne peut pas se passer…

Alors, bien sûr, les EHPAD ne sont pas des lieux de rêve, même s’ils se sont beaucoup améliorés depuis vingt ans. Il est utopique, pour les deux ans et demi à trois ans de grande dépendance qui nous attendent tous, de pouvoir imaginer que l’on peut se passer de structures spécialisées adaptées. S’il faut tout faire pour favoriser le soutien à domicile, avec l’aide de la famille et des amis, le plus longtemps possible, c’est dans les limites du raisonnable et de ce qui est humainement possible. Actuellement, il y a plus de situations de maltraitance à domicile qu’en institution. Il faut aussi voir que seulement 15 à 20 % des plus de 80 ans sont en institution, ce qui veut dire que la majorité d’entre eux sont à domicile. Est-ce que si l’on réserve des étages aux vieux dans les nouveaux immeubles, on ne va pas recréer une forme de ghetto ? Quel est l’intérêt des logements intermédiaires, puisqu’ils servent simplement de transition entre le domicile et l’institution ? Enfin, est-ce que l’on peut former à l’altruisme, ce qui est finalement la solution principale proposée par cet avis ? »

Repères

Chef de service des soins de suite et de réadaptation Alzheimer à l’hôpital Paul-Brousse (Villejuif, AP-HP), responsable de deux unités de SLD et assurant une consultation mémoire hebdomadaire, le docteur Christophe Trivalle est aussi rédacteur en chef de la revue « NPG » (Neurologie-Psychiatrie-Gériatrie). Il a publié plusieurs ouvrages sur le vieillissement.

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