Président des riches… Emmanuel Macron aura du mal à se défaire de cette image qui lui colle à la peau depuis la suppression de l’impôt sur la fortune, annoncée presque simultanément à la baisse des aides personnalisées au logement. Il se retrouve, avec ce boulet, dans la même situation que Nicolas Sarkozy, qui a toujours été associé au Fouquet’s – ce célèbre restaurant des Champs-Elysées où il tint réception avec les stars du CAC 40 le soir de son élection – ainsi que François Hollande qui, avec son « président normal », n’a jamais pu véritablement s’imposer comme chef d’Etat.
Ces accroches médiatico-politiques sont les « sparadraps du capitaine Haddock » des présidents. Malgré tous leurs efforts, ils ne peuvent pas s’en débarrasser. Et ce n’est pas la dernière sortie de Gérald Darmanin qui va aider Emmanuel Macron. En déclarant que le coût de la prime à l’emploi avait explosé et qu’il fallait revoir le dispositif, le ministre du Budget n’a fait qu’entretenir la flamme, à la grande fureur – si l’on en croit les gazettes – du Président.
Le ministre a-t-il voulu apparaître comme celui qui lave plus blanc que l’autre, en l’occurrence Bruno Le Maire, qui, sur la base d’une note des services de Bercy (voir ASH n° 3062), veut remettre à plat tout le dispositif social.
Ces calculs politiciens ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les dépenses sociales sont lourdes, mais c’est un choix de société pour deux raisons.
D’abord, parce que c’est un amortisseur de crise. Sans ce filet de protection, la situation de la France serait encore plus difficile qu’elle ne l’est, et ce ne sont pas 6 millions de pauvres que compterait le pays, mais beaucoup plus.
Ensuite, parce que c’est un facteur de cohésion sociale. Toutes les études montrent que, même s’il s’accroît, l’écart de revenus reste relativement plus faible en France qu’ailleurs. La redistribution sociale limite les effets ravageurs de la fracture sociale.
A partir de là, l’enjeu n’est pas de savoir s’il faut faire des économies pour être dans les clous des traités européens, mais de déterminer quelle société nous souhaitons. Une société libérale où les publics les plus fragiles sont laissés seuls face au choc des mutations technologiques lié à l’intelligence artificielle, ou une société inclusive accompagnant ou tentant d’accompagner tout le monde dans le vent du changement.
S’il veut se débarrasser de son sparadrap, Emmanuel Macron devrait faire un discours fondateur sur son choix de société. Le « en même temps » a atteint ses limites.