La loi de 2007 n’est pas « à jeter », elle n’est pas remise en question. Il y a une influence « droit-de-l’hommiste » avec l’article 12 de la Convention des Nations Unies sur les personnes handicapées. Est-ce que oui ou non la France est en conformité avec cet article ? Le débat juridique n’est pas tranché. Le groupe de travail interministériel a une vision pragmatique qui consiste à voir comment intégrer les apports de cet article 12 sans se positionner sur le fait de savoir si la France est en conformité ou pas. Cet article porte sur le refus de toute mesure de représentation et pour le renforcement de l’autonomie des personnes. Ces deux principes sont louables mais il y a une vision très idéalisée et qui ne reflète pas ce que l’on rencontre. Toutes les personnes sous tutelle ne sont pas handicapées et toutes les personnes handicapées ne sont pas sous tutelle. Ne perdons pas de vue qu’une mesure de protection est prise avec un certificat médical circonstancié, avec une décision du juge, garant des libertés, qui nous permet de pouvoir intervenir pour aller rechercher l’intérêt supérieur de la personne, même si elle n’en a pas directement conscience. Il faut donc faire attention à ne pas tomber dans l’injonction d’autonomie et à ne pas affaisser la protection. Il est nécessaire de trouver l’équilibre entre vulnérabilité, autonomie et protection.
Les contours ne sont pas encore définis par la mission interministérielle mais cette mesure de protection aurait pour volonté de clarifier, d’individualiser la notion de protection. Le document unique de protection des majeurs (DIPM) est l’outil phare, la traduction concrète de l’individualisation de la mesure de tutelle ou curatelle. Quels seront les liens entre la mesure unique de protection et le DIPM ? Il y a de la clarté à apporter.
Nous avons salué le fait qu’en 2007 la loi place la personne protégée au centre du dispositif, on ne voudrait pas qu’en 2018 l’éventuelle réforme sorte le juge du dispositif. Le juge a toute sa place dans les mesures de protection. Il est le garant des libertés individuelles et lorsque l’on touche à la capacité, il est important que ce soit un juge qui le décide. Il ne faut pas laisser cela uniquement au champ contractuel. Notre système permet ce ressort social, de prendre en charge les plus vulnérables d’entre nous. Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur les tutelles, il faut maintenir un droit à la protection pour les plus vulnérables d’entre nous, il est important de conserver une espèce de mission publique de protection.
La protection juridique des majeurs a grandement besoin d’un pilotage pour mener une réelle politique publique de la protection juridique des majeurs. La FNAT revendique la mise en place d’un délégué interministériel à la protection des majeurs. Très récemment, dans son avis du 16 mai, le Comité consultatif national d’éthique s’est déclaré en faveur de cette désignation.
A la FNAT, nous considérons qu’en matière de vulnérabilité il n’y aura jamais assez de contrôle(1). Avec cette disposition prévue dans le projet de loi de programmation de la justice, l’Etat va permettre aux greffiers de missionner des huissiers de justice, des commissaires aux comptes, des experts comptables pour faire les contrôles sur les comptes rendus de gestion que les mandataires judiciaires produisent en fin d’année des comptes de gestion. Et cela sera à la charge financière par la personne protégée ! C’est scandaleux et il ne faut pas le laisser passer. On ne peut pas monétiser la vulnérabilité. On ne peut pas faire de la protection juridique des majeurs une niche sur laquelle des marchés se développent. La FNAT a proposé que cette mission de contrôle soit confiée aux services fiscaux. La direction des finances publiques de chaque département pourrait effectuer des contrôles de manière aléatoire comme pour les impôts.
Ce transfert de compétences et de responsabilités du juge vers le mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) doit s’accompagner d’un vrai statut pour les professionnels et d’un diplôme. Alors que plus de 1 % de la population française bénéficie d’une mesure de protection, le MJPM n’est pas aujourd’hui classifié au répertoire national des certifications professionnelles. D’autres nouvelles professions comme, par exemple, les médiateurs familiaux y sont inscrits. On demande au MJPM d’être un spécialiste de la finance, du budget, de l’accompagnement, de la protection sociale, de la relation psychique, psychiatrique, psychologique, de l’écrit. Cette reconnaissance doit passer par un diplôme.
(1) La FNAT organise le 28 septembre 2018 à Paris un colloque « Contrôle interne, cartographie et gestion des risques des MJPM » – Tél. 01 42 81 46 11.