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« On fait de l’humanitaire renforcé »

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Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin et président de la commission solidarité et affaires sociales de l’ADF (Assemblée des départements de France), analyse les résultats de l’enquête annuelle de l’Observatoire national de l’action sociale (ODAS).
Etes-vous d’accord avec les conclusions de l’enquête annuelle de l’ODAS ? Faites-vous la même analyse à savoir qu’il y a un « effritement inquiétant des marges de manœuvre » des départements ?

Globalement, je suis plutôt en phase avec les conclusions de l’observatoire notamment quand il évoque le poids croissant des allocations dans nos dépenses ou le poids administratif de plus en plus lourd pour les allocataires, et ce au détriment de l’accompagnement humain. Ce qui a pour conséquence effectivement un effritement des marges de manœuvre des départements. Celui-ci est essentiellement dû à l’augmentation des allocations individuelles de solidarité et le poids croissant des mineurs non accompagnés dans la protection de l’enfance. A cela il faut ajouter un élément que l’ODAS n’a pas relevé : les personnes à droit incomplet.

Il s’agit des déboutés du droit d’asile. In fine, très peu d’entre eux sont renvoyés dans leur pays d’origine. A partir du moment où ils restent sur le territoire, il faut les prendre en charge. Nos équipes sociales de proximité sont donc embolisées par un nombre de plus en plus important de personnes qui se retrouvent sans rien. On fait donc de l’humanitaire renforcé. Par exemple, les protection maternelle et infantile, qui devraient être dans une action de prévention au quotidien, se retrouvent aujourd’hui à gérer des situations d’urgence sociale avec des femmes seules ayant des enfants en bas âge.

En réaction à cet effritement des marges de manœuvre, constatez-vous, vous aussi à l’ADF, que les départements font de plus en plus preuve d’inventivité ?

Oui, nous partageons ce constat. Si aujourd’hui certaines dépenses ont moins augmenté que prévu, c’est justement parce que les départements continuent à faire preuve d’inventivité en diversifiant par exemple les modes d’accueil sur les mineurs non accompagnés avec du logement coaché, des réseaux d’accueil solidaire de familles qui sont prêtes à s’impliquer… On est toujours en train de diversifier les outils alors même que nous sommes dans un contexte toujours plus contraints. En effet, la précarité continue d’augmenter, donc le nombre d’allocataires continue d’augmenter. Que ce soit dans le secteur du handicap, de la protection de l’enfance, chez les personnes âgées ou au RSA, les personnes les plus éloignées de l’emploi ne retrouvent pas d’emploi. Les problématiques sociales continuent donc malheureusement d’augmenter.

Pour y répondre, on avait pour habitude d’essayer d’investir mais aujourd’hui on a une contrainte supplémentaire avec la contractualisation de l’Etat qui nous interdit d’augmenter nos dépenses de fonctionnement de plus de 1,2 %. On est déjà proche de ce seuil avec la seule hausse de la masse salariale, c’est-à-dire sans avoir fait quoi que ce soit. Il faut donc innover, trouver d’autres solutions pour continuer à bien nos politiques sociales.

A plusieurs reprises dans l’enquête de l’ODAS, les CPOM [contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens] sont valorisés. En quoi sont-ils une bonne nouvelle pour le déploiement de l’action sociale par les départements ?

Je pense que cela peut-être une bonne nouvelle si cela laisse aux départements de la souplesse, si cela permet d’être plus sur le qualitatif que sur le quantitatif. Notre enjeu est d’être dans l’humain mais l’on sait très bien que l’on marche sur deux jambes : celle, nécessaire, des moyens publics et celle du sens de l’action publique. Pour le moment, il est encore trop tôt pour dresser un bilan des CPOM. S’il s’agit d’une démarche plutôt positive, il faudrait peut-être parfois lui donner une dimension encore plus multipartenariale. Pourquoi ne pas faire, par exemple, des CPOM agence régionale de santé-département-organisme médico-social ou sanitaire ? En tout cas, ça laisse des perspectives.

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