Des dépenses en hausse, des marges de manœuvre moindres mais des départements de plus en plus inventifs. Voici les principales informations à retenir de la dernière étude annuelle de l’Observatoire national de l’action sociale (ODAS), publiée mercredi 23 mai, à propos des dépenses départementales d’action sociale. Précisément, les résultats de cette enquête, réalisée sur un échantillon de 43 départements de France métropolitaine, montrent, en 2017, une hausse des dépenses (+ 1,6 % par rapport à 2016) pour s’établir à 37,43 milliards, mais « un effritement des marges de manœuvre ».
Dans le détail, comme en 2016, les dépenses en faveur des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes représentent chacune environ 20 % de la dépense sociale totale des départements, le revenu de solidarité active (RSA) 27 %, et les dépenses de personnel et autres moins de 15 %. En ce qui concerne la charge nette, c’est-à-dire une fois déduites les contributions financières de l’Etat pour les diverses allocations (allocation personnalisée d’autonomie [APA], prestation de compensation du handicap [PCH] et RSA), son montant est de 29,15 milliards d’euros, soit une hausse de 1,7 % par rapport à 2016.
Ces faibles augmentations s’expliquent d’abord par la baisse du nombre d’allocataires du RSA (– 11 000 en un an), premier poste de dépense pour les départements avec 10,3 milliards d’euros pour 2017 avant la contribution de l’Etat. Elles proviennent également d’une hausse modérée (+ 1,4 %) des « dépenses d’aide sociale à l’enfance, malgré la nouvelle charge que constitue l’accueil croissant des mineurs non accompagnés (MNA) ».
Ainsi, selon l’étude, la part des MNA pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) est passée de 12,6 % en 2016 à 16,7 % en 2017. En parallèle, les départements ont « poursuivi leur politique de désengagement auprès des jeunes majeurs sortant de l’ASE ». La preuve : le nombre de contrats jeunes majeurs, qui permettent de prolonger la prise en charge après 18 ans pour éviter les ruptures, a diminué de 1 300 en 2017.
Selon Jean-Louis Sanchez, fondateur et délégué général de l’ODAS, « si cette enquête laisse à penser que la situation est presque normalisée, en réalité, il y a de fortes inquiétudes, non pas pour les départements en tant que tels mais plus pour la solidarité, et au-delà pour la démocratie locale ». Et de déplorer : « En quatre ans, le poids des allocations est passé de 26 % à 34 %, ce qui a pour effet de neutraliser les investissements dans les autres postes de dépenses (établissements et services, insertion, prévention, développement social). »
« Pourquoi sommes-nous inquiets à l’ODAS ?, interroge Didier Lesueur, directeur général de l’observatoire. Certes, nous pouvons être satisfaits d’un point de vue comptable mais quid des besoins ? Car, ce que ne disent pas les chiffres, c’est que fondamentalement, nous avons à nouveau une illustration du changement de métier des départements. En 2001, les allocations représentaient 10 % de la dépense nette. En 2017, c’est presque 47 %. »
« Cela veut dire que pratiquement la moitié de la dépense est constituée d’une obligation, d’une responsabilité sur laquelle les départements n’ont aucun pouvoir politique, enchérit Jean-Louis Sanchez. Dès lors, à quoi sert la démocratie locale ? Normalement, quand il y a décentralisation c’est pour donner une plus-value politique, adapter les solutions aux caractéristiques du territoire : l’Alsace ne fonctionne pas comme la Bretagne, le Rhône pas comme la Loire-Atlantique. Désormais, on tend de plus en plus vers une extinction du pouvoir d’initiative des départements. »
Si on ajoute que les dépenses d’hébergement des personnes âgées ou handicapées représentent, pour leur part, 37,4 % du total, on voit bien que plus de 80 % des dépenses sociales des départements sont devenues des dépenses « contraintes » : « Pour pouvoir boucler leur budget, les départements sont contraints de rogner sur les autres dépenses et pas seulement les dépenses d’action sociale », précise Didier Lesueur.
Le tableau n’est pas tout noir pour autant. « Il y a des motifs d’espoir, confirme Jean-Louis Sanchez. Du fait d’une certaine vulnérabilité, les départements font preuve d’inventivité qui ressurgit dans les collectivités territoriales et dans le mouvement associatif. » « Et c’est dans le domaine de la protection de l’enfance que les départements sont les plus inventifs, détaille Claudine Padieu, directrice scientifique à l’ODAS. Et ce, peut-être en raison du coup de massue supplémentaire qu’a été l’arrivée des mineurs non accompagnés. En effet, les départements ont été obligés de faire face à cela. Il a fallu qu’ils trouvent des réponses innovantes, qu’ils fassent preuve d’imagination pour ne pas laisser ces jeunes dans la rue. »
« Cette inventivité se traduit aussi dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM). Enfin, on ose prendre des risques et c’est une vraie surprise. Les départements laissent un peu le principe de précaution en matière sociale pour innover, ajoute-t-elle. Cette démarche CPOM est excellente car elle permet de reconnaître que l’association est un partenaire de la construction de la politique d’action sociale et non un prestataire. » Selon Jean-Louis Sanchez, « les CPOM favorisent l’innovation, en permettant de sortir du cadre ». De quoi retrouver une certaine marge de manœuvre finalement…