Recevoir la newsletter

La survie de René entre quatre murs

Article réservé aux abonnés

Notre reporter – toujours pas né en 1968 – termine la série de reportages qu’il aurait pu faire cette année-là. Aujourd’hui, il est allé à la rencontre de René, détenu depuis six mois, un « taulard » qu’on croirait tout droit sorti d’un film d’Audiard, qui raconte sa vie quotidienne dans sa petite cellule au confort pour le moins spartiate, ponctuée par les parloirs où il voit sa femme et ses enfants.
De notre envoyé spécial en… 1968

« Je suis arrivé à la prison Saint-Paul il y a six mois. Autant dire que j’ai déjà un aperçu des conditions de détention ici.

Bon, déjà, le premier truc qu’on te fait quand t’arrives, c’est de te raser la tête. Pour les poux, je suppose. Après, on te file l’uniforme réglementaire en vieille laine grise qui gratte. Pas franchement seyant… Ajoute à ça le fait que les rasoirs sont interdits dans les cellules. Du coup, c’est un collègue détenu qui est préposé au rasage, mais il fait vite et mal. Tout ça explique un peu la tronche de repris de justice qu’on tire sur le dossier de la pénitentiaire…

La cellule n’est pas bien grande. Les murs sont peints à la chaux, ce qui laisse des traces blanches quand tu t’y colles. Par terre, c’est du goudron, mais il paraît que certains détenus ont du parquet. En guise d’utilitaires de toilette, c’est assez simple : un broc d’eau et une tinette. D’ailleurs, j’ose à peine imaginer l’odeur qu’il va y avoir cet été… Autant pas y penser tout de suite. La douche, c’est une fois par semaine. Et il faut faire vite. La première fois, j’ai été surpris du peu de temps qu’on avait, et j’ai même pas pu me rincer.

Pendant la journée, on reste dans notre cellule. On n’a droit qu’à une heure de promenade par jour, dans la cour. Y’a rien d’organisé : pas de travail, pas d’activité. On n’a même pas les journaux, et encore moins la radio. On a par contre le droit à huit timbres par mois pour envoyer des lettres. Mais on ne peut pas faire plus de 60 lignes. Je plains le gardien qui doit compter les lignes de toutes les lettres des taulards.

La dernière fois, ma femme est venue me voir au parloir avec les gamins. Ça fait un peu comme deux cages, séparées par un couloir où marchent les gardiens. On ne peut pas embrasser nos gamins, ni même les toucher, et faut crier pour qu’on puisse s’entendre. C’est plus un gueuloir qu’un parloir…

Le mitard, personnellement, j’essaie d’éviter. De ce que j’ai entendu, les gardiens te foutent à poil dedans. Et t’as droit à un peu de soupe, du pain et de l’eau trois fois par semaine. Certains deviennent dingues après ça. On les entend se taper la tête contre les murs.

Il est presque 21 heures, les lumières vont s’éteindre. Je vais essayer de dormir comme je peux sur ce matelas rembourré de paille qui me sert de lit. Vu qu’on est en mai, on se gèle moins les miches le soir, mais cet hiver a été dur.

Bref, bonne nuit. »

1968-2018

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur