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CNSA : le couteau suisse

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Alors que le 21 mai, lundi de Pentecôte – Journée nationale de solidarité – devrait faire entrer plus de 2 milliards d’euros dans la caisse de la CNSA, il nous est apparu utile de plonger dans ses entrailles pour en comprendre le fonctionnement. Structure atypique, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie remplit un rôle de financeur en centralisant les crédits destinés aux personnes âgées et handicapées tout en menant une réflexion sur la transformation du modèle de protection sociale. Lancée en 2004, cette instance, sorte de couteau suisse, rattachée au ministère des Solidarité et de la Santé et au secrétariat chargée des personnes handicapées a su, au fil des ans, faire la preuve de son efficacité.

Créée en 2004 sous l’impulsion de Jean-Pierre Raffarin alors Premier ministre, à la suite de la canicule meurtrière de 2003 qui avait fait 15 000 victimes en France, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) est dotée d’une double casquette : centraliser et redistribuer les aides aux personnes âgées en perte d’autonomie et aux personnes handicapées mais aussi épauler les départements, les agences régionales de santé (ARS) et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) en assurant un rôle d’expertise et de recherche sur les questions liées au vieillissement et à la prise en charge du handicap.

En plus de sa participation, en appui aux départements, au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), la CNSA a donc également une fonction d’agence. Si lors de sa création sa fonction de « caisse » semblait prépondérante, la loi « handicap » de 2005 et la loi « ASV » (relative à l’adaptation de la société au vieillissement) de 2015 sont venues élargir ses missions. « En treize ans, la caisse a gagné en reconnaissance et a pu apporter de nombreux éléments pour nourrir les réflexions des différents gouvernement. L’efficacité de la CNSA tient en cet équilibre », se targue sa présidente, Marie-Anne Montchamp, auparavant secrétaire d’Etat aux personnes handicapées sous la présidence de Jacques Chirac puis secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale sous celle de Nicolas Sarkozy. Dans sa tâche, elle est appuyée par Anne Burstin, ancienne inspectrice générale des affaires sociales (IGAS), nommée directrice de la caisse par le conseil des ministres.

Placée sous la tutelle d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarité et de la Santé, ainsi que de Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, la CNSA joue le rôle d’entremetteur entre les financeurs et les professionnels. A la différence de l’organisation classique qui régie les caisses de sécurité sociale, la CNSA est dotée d’un conseil composé des différents acteurs du secteur. Une originalité qui a son importance dans le mode de gouvernance bien que son pouvoir décisionnel soit limité, l’Etat étant le décisionnaire majoritaire s’agissant des priorités d’action via la convention d’objectifs et de gestion (COG).

Un conseil hétéroclite

Parmi les 48 membres du conseil, 12 représentent les personnes âgées et handicapées, regroupées en associations. Les conseils départementaux, chargés de la mise en œuvre des politiques de l’autonomie, comptent 3 membres. Les fédérations gestionnaires d’établissements et d’autres institutions sont également présentes ainsi que les partenaires sociaux, des parlementaires et des représentants de l’Etat. Une pluralité qui permet à l’institution publique d’enrichir sa réflexion et de disposer de données émanant de ces différents réseaux. « D’ordinaire, nous sommes très mal représentés en tant que retraités car nous n’appartenons plus au monde du travail. Ce n’est pas le cas au conseil et ce qui en fait sa force », se félicite Sylvain Denis, l’un des trois vice-présidents de la CNSA représentant de la Fédération nationale des associations de retraités et préretraités.

Etablissement public, la grande majorité de ses crédits, qui atteignent 26 milliards d’euros pour l’exercice 2018, sont décidés par les parlementaires à l’occasion du vote de l’objectif national des dépenses d’assurances maladie. A cela s’ajoute d’autres contributions, dont les 2,4 milliards d’euros de recettes de la Journée de solidarité du 21 mai (voir encadré ci-contre).

Reconnue pour son expertise médico-sociale, l’institution à aussi une mission d’information auprès du grand public. En 2015, la caisse a mis en place un site dédié aux personnes âgées et leurs proches sur les aides, les démarches et les interlocuteurs à contacter. Pour Olivier Peraldi, membre du conseil et directeur général de la Fédération du service aux particuliers (FESP), la CNSA « permet une analyse des pratiques et une approche pragmatique » citant, pour étayer son propos, la publication de fiches pratiques sur la PCH, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou encore sur la carte mobilité inclusion (CMI).

En 2005, la CNSA a été chargée du pilotage et de l’animation des MDPH, devenues le guichet unique pour les personnes en situation de handicap. La caisse s’attaque désormais à l’étape suivante : l’harmonisation des pratiques à l’aide d’un système d’information commun. Un dossier complexe et très attendu qui devrait être opérationnel d’ici 2020. Le but ? Permettre la remontée d’informations en provenance des différents territoires et ainsi articuler une meilleure équité des aides. « Au niveau national, concernant le champ du handicap, les réponses ne sont pas adaptées aux besoins », détaille Marie-Anne Montchamp qui compte sur ce nouvel outil pour régler, à terme, ces insuffisances.

Autre sujet épineux, celui des écarts constatés pour l’APA qui est versée par les départements. Car si la PCH est régie par une grille tarifaire relativement normée, ce n’est pas le cas pour l’allocation personnalisée d’autonomie qui subit des variations importantes d’un territoire à l’autre. Une épine dans le pied de la CNSA, que n’a pas manqué de relever la Cour des comptes dans son dernier rapport(1). Car si la rigoureuse instance reconnaît que la caisse « s’est efforcée d’harmoniser les pratiques pour l’attribution de la PCH et de l’APA », elle sanctionne cependant le peu de résultats tangibles en la matière en concluant que « la péréquation entre les départements n’a pas progressé ».

« La CNSA peut jouer un rôle d’harmonisation sur ce dossier, elle aurait la compétence et la légitimité de le faire », plaide Olivier Peraldi, qui reproche aux départements la mise en place cacophonique de la loi « ASV » entrée en vigueur en janvier 2016, aboutissant « à des situations aberrantes » d’un bout à l’autre du pays. Et d’ajouter : « Les conseils départementaux ont tout dans les mains : l’autonomie et la gestion. Je trouve curieux qu’une politique qui s’adresse aux personnes fragiles soit laissée à une entité à la fois juge et partie. » Même son de cloche du côté des associations de personnes en situation de handicap. « La caisse nous apporte de l’outillage mais doit être plus incisive sur l’enjeu du financement. Les départements ont toute latitude comme le leur permet la Constitution mais c’est une situation difficile à gérer en termes d’équité », expose Patrice Tripoteau, directeur général adjoint de l’APF France handicap.

Des critiques qui laissent de marbre Gérard Dériot, sénateur (LR) de l’Allier. Pour le vice-président de la caisse représentant les conseils départementaux, s’il est vrai que les plans d’aides sont plus favorables dans les départements plus riches, la péréquation territoriale est complexe. « L’harmonisation peut-être réalisable sur le très long terme mais il faudrait alors donner la possibilité aux collectivités les plus pauvres de financer correctement les plan d’aides. » Leur retirer la libre administration serait une aberration : « Les départements font très bien leur travail avec les moyens qui sont les leurs. Je rappelle que l’APA est financée à hauteur de 70 % par les collectivités. »

Bercy, tout puissant

Mais le véritable talon d’Achille de l’institution est plus sûrement l’hégémonie exercée par le ministère de l’Economie et des Finances sur ses fonds propres. Pour ajuster certains budgets, Bercy a pris la fâcheuse habitude de piocher dans les réserves de la CNSA. Des arrangements comptables qui concernent rarement le secteur des personnes âgées ou le domaine du handicap. Une pratique scandaleuse pour les membres du conseil mais dont l’Etat n’est toutefois pas seul responsable : « Dans la loi de finances 2016-2017, qui a été votée au Parlement, 50 millions d’euros issus des caisses de la CNSA ont été réaffectés aux départements en difficulté pour le fonds d’insertion. Les parlementaires sont aussi responsables que le gouvernement sur cette question », rembobine Sylvain Denis qui regrette qu’autant de crédits dorment dans les caisses et soient ainsi réaffectés. Il cite par exemple le cas des ressources récupérées via la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), une taxe de 0,3 % prélevée sur les pensions de retraite de base et complémentaire. « Les 800 millions d’euros collectés l’année dernière n’ont toujours pas été redistribués », déplore-t-il.

Des anicroches qui ne semblent, pour l’heure, nullement déstabiliser la CNSA. Et bien que la création d’un cinquième risque, nouvelle branche consacrée à la dépendance et rattachée à la sécurité sociale, s’invite de nouveau dans le débat politique, force est de constater que treize ans après sa fondation, la caisse est devenu le fer de lance de la prise en charge de la dépendance et du handicap et un interlocuteur incontournable concernant les politiques à mener dans ces domaines.

Une caisse bien pleine

Pour 2018, le budget de la CNSA est en hausse de 3,5 % et représente 26 milliards d’euros issus de l’ONDAM (20,5 milliards d’euros), de la Journée de solidarité (2,4 milliards d’euros), des cotisations entreprises (1,8 milliard d’euros) et de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) avec 800 millions d’euros.

Répartition des ressources :

• 21,929 milliards d’euros consacrés au fonctionnement des établissements et services médico-sociaux ;

• 129,2 millions d’euros pour leur rénovation (nouveaux plans d’aide à l’investissement) ;

• 2,386 milliards d’euros couvrant les dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie des départements et 593,6 millions d’euros pour les dépenses de prestation de compensation du handicap

Chiffres issus de la CNSA.

Notes

(1) Voir ASH n° 3047 du 9-02-18, p. 16.

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