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Pour survivre heureux, survivons cachés

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Les occupants des bidonvilles ont des droits, ce que tout le monde ignore à commencer par les intéressés. Une note « Expulsions de terrain et de squat : sans titre mais pas sans droits », rédigée par la Fondation Abbé-Pierre, Romeurope et le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), les détaille. L’une des contributeurs, Claudia Charles, chargée d’études au GISTI, revient sur les démarches à effectuer pour les faire valoir dans un contexte où beaucoup préfèrent souvent rester à la marge de la société, par crainte de l’expulsion.
Pourquoi avoir produit ce document, et à qui s’adresse-t-il ?

En 2012 est parue une première édition, à une époque où les habitants des bidonvilles étaient pour la plupart des Roms, ou considérés comme tels par l’opinion publique. On les voyait beaucoup en région parisienne et un peu dans le sud de la France, à Aix-en-Provence ou Marseille par exemple.

Les bidonvilles se sont beaucoup développés depuis et concernent plus de populations, parfois demandeuses d’asile. Nous avons fait un groupe de travail pour actualiser notre réflexion, sur les questions de droit comme sur les questions pratiques. Cette note s’adresse à tous les militants qui s’investissent dans les bidonvilles et les squats, ainsi qu’aux avocats qui veulent être informés de l’évolution de la jurisprudence.

Quelles sont les démarches qu’ils doivent mettre en œuvre ?

La première chose à faire est de contacter le propriétaire pour expliquer la situation. Il arrive que certains acceptent que les personnes restent le temps de trouver une solution plus pérenne.

Il s’agit ensuite de se déclarer à l’administration pour pouvoir scolariser les enfants, effectuer les démarches de santé… Pour prétendre à des allocations, il faut solliciter un centre communal d’action sociale pour être domicilier. Il faut aussi solliciter les autorités concernées pour avoir accès à l’eau, à l’électricité, même si, s’agissant d’une propriété privée, il faut l’accord du propriétaire. L’eau peut cependant être distribuée différemment, en bouteille par exemple. Une décision du Conseil d’Etat a d’ailleurs indiqué que ne pas avoir accès à l’eau constitue un traitement inhumain ou dégradant.

De même, concernant la collecte des déchets, on dit souvent que les bidonvilles sont sales, mais c’est parce que la municipalité ne fait rien, alors qu’elle peut installer des bennes à ordures. Le tout est de voir quels sont les aménagements possibles. Aujourd’hui, on reste souvent bloqués car ni la municipalité, ni le département, ni l’Etat ne souhaitent améliorer la situation de ces habitants. La réponse donnée est l’expulsion.

Si un propriétaire, après une première prise de contact, indique ne pas vouloir de squatteurs sur son terrain, que préconisez-vous ?

Il devra saisir le juge en référé pour demander l’expulsion. Pour éviter que le juge ne décide en l’absence des squatteurs, un huissier doit venir sur le terrain et relever l’identité des personnes. La deuxième chose est de réunir tous les éléments nécessaires, en montrant au juge qu’il s’agit d’un habitat précaire mais que tout a été fait pour réduire l’insalubrité et la dangerosité, pour insérer les personnes, et qu’il n’y a pas de solution alternative. Le juge doit alors faire application d’un principe de proportionnalité entre le droit à la propriété privé et le droit à la protection du domicile, en choisissant le moindre mal. Il prend en compte des éléments comme l’abandon du terrain ou le projet auquel il est dédié. L’expulsion peut être décidée, mais en donnant aux personnes un délai plus ou moins important pour trouver une solution en fonction de cette appréciation.

Les habitants des bidonvilles qui se déclarent à l’administration ne devraient-ils pas rester invisibles plutôt que de se mettre en porte-à-faux avec une éventuelle procédure d’expulsion ?

C’est la question qui nous taraude depuis toujours. Toute cette politique d’expulsion fait qu’aujourd’hui les gens ont plus tendance à aller vers des endroits plus reculés et à ne pas faire de démarches pour ne pas que l’administration connaisse leur nombre ou leur position. Nous travaillons de concert avec les bénévoles et les avocats pour essayer de sortir de cet engrenage.

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