Après plusieurs mois de négociations, les départements ont fini par accepter les propositions du Premier ministre, Edouard Philippe, sur l’accueil des mineurs étrangers isolés. En revanche, celles concernant le financement des allocations individuelles de solidarité ont été rejetées.
Accusé de se désengager sur la question, l’Etat a ainsi proposé, jeudi 17 mai, une aide concentrée sur la phase d’accueil et d’évaluation des mineurs non accompagnés (MNA), avec 500 € par jeune à évaluer et 90 € par jour pour leur hébergement durant 14 jours. Un « forfait » qui passera ensuite à 20 € du 15e au 23e jour de présence sur le territoire.
Des nouvelles modalités qui soulageront à la marge les départements. « Les membres du bureau ont regretté que cette proposition ne soit pas à la hauteur des attentes des départements, et notamment de la charge financière qu’ils assument (1,25 milliard d’euros en 2017) », a nuancé Dominique Bussereau, président du conseil départemental de la Charente-Maritime et de l’Assemblée des départements de France, dans un communiqué.
Une revalorisation insuffisante également pour Jean-Marie Bernard, président du conseil départemental des Hautes-Alpes, un territoire particulièrement sollicité concernant l’accueil des mineurs non accompagnés mais aussi l’un des moins peuplés. Et donc l’un des moins pourvus. « Ces moyens financiers supplémentaires vont permettre l’embauche de plus de personnel pour l’évaluation des MNA. On devrait pouvoir faire face, mais pour combien de temps ? », s’inquiète-t-il.
En 2017, les Hautes-Alpes ont accueilli 1 300 mineurs mais ces chiffres pourraient doublés ou triplés cette année. Ce qui signifie, pour le conseil, autant d’interprètes et d’évaluateurs à trouver. Or, les moyens ne sont pas à la hauteur. « Ce qui est valable aujourd’hui peut vite devenir intenable demain », regrette Jean-Marie Bernard, qui estime que l’évaluation et l’hébergement des mineurs migrants ont coûté 2,5 millions d’euros l’année passée au conseil départemental. Faute de moyens suffisants, certains migrants attendent deux ou trois semaines avant de pouvoir passer l’évaluation statuant sur leur minorité.
L’Etat s’était engagé à rembourser 1,2 million d’euros sur les avances départementales, sauf que la puissance publique n’a toujours pas versé la totalité de la somme aux départements. Il manque encore 1 million d’euros à l’appel. Un retard comptable qui n’est pas pour arranger les finances de Jean-Marie Bernard : « J’ai été obligé d’annuler des dépenses d’investissements comme la réfection des routes pour faire face aux dépenses relatives aux mineurs. On fait le boulot de l’Etat mais il doit nous rembourser à hauteur des moyens qu’on engage », vitupère le président du conseil.
Même son de cloche pour André Viola, à la tête du conseil départemental de l’Aude : « On nous a bien fait comprendre que ces montants étaient à prendre ou à laisser. » Et bien qu’il y ait eu un effort supplémentaire de l’Etat au regard des premières discussions, le résultat est « globalement insuffisant », selon l’élu, présent lors des discussions à Matignon.
Actuellement de 130 millions d’euros, les aides aux départements passeront, avec l’accord, à 180 millions d’euros. « Le financement de l’Etat ne représente que 10 % de ce que cela nous coûte réellement alors que l’accueil et l’hébergement des mineurs devraient être un dispositif de solidarité nationale », s’exaspère André Viola.
Selon l’étude 2018 de l’Observatoire national de l’action sociale, consacrée aux dépenses départementales, l’augmentation du nombre de jeunes pris en charge par les départements s’explique essentiellement par l’afflux de mineurs non accompagnés. En 2017, son taux était de 5,4 %, soit 8 500 jeunes de plus qu’en 2016. Selon les chiffres du ministère de la Justice, 14 908 mineurs sont passés par le dispositif national de mise à l’abri contre 8 054 en 2016. Une augmentation de 85 % en un an.