« Ghettoïsation des personnes âgées » dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendants (EHPAD), « ségrégation » qui équivaut à une « maltraitance », « exclusion de la société », le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) n’y va pas par quatre chemins et le constat est sévère : « Force est de constater que l’institutionnalisation des personnes âgées dépendantes et leur concentration entre elles génèrent des situations parfois indignes, qui, réciproquement, sont source d’un sentiment d’indignité de ces personnes. Leur exclusion de fait de la société a probablement trait à une dénégation collective de ce que peut être la vieillesse. »
Mercredi 16 mai, le CCNE a rendu public un avis intitulé « Enjeux éthiques du vieillissement » qui remet en cause la prise en charge des personnes âgées en France et qui pose la question de leur inclusion dans la société.
Si la forme et les mots employés interpellent les associations, le constat est partagé. Ainsi, l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) se félicite que le Comité consultatif national d’éthique rejoigne ses analyses. « Il met à son tour en évidence les retards français : manque de professionnels en établissement et à domicile, prix payé en établissement par les personnes âgées et les familles trop élevé. […] Pour autant, la forme du rapport, parlant de “ghettoïsation” et de “concentration” est inutilement provocatrice. »
Le Comité consultatif national d’éthique ne s’arrête pas au constat dans cet avis, présenté comme « résolument politique », il fait également de nombreuses propositions. Ainsi pour « contribuer à la dé-ghettoïsation des personnes âgées », le comité d’éthique appelle à réfléchir à « l’EHPAD hors l’EHPAD ». Il suggère par exemple d’imposer aux immeubles nouveaux d’intégrer un ou deux étages pour un EHPAD. Jean-Pierre Riso, président de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa), ne pense pas que cela soit un remède miracle à l’inclusion des personnes âgées dans la société : « Je doute que cette proposition soit adaptée et adaptable partout et tout le temps. Au-delà des locaux, c’est-à-dire les appartements, qui ne sont que la partie visible de la prise en charge des personnes âgées, la question est de savoir comment l’on fabrique de vraies conditions de vie en collectivité. Nous avons plein d’exemples de résidences services seniors qui étaient vraiment bien construites, pour autant il n’y avait pas de lien entre les uns et les autres, cela ne coule par forcément de source. Ce qui se joue c’est la volonté même des personnes de vivre ensemble et de fabriquer du lien. Le recours à l’obligation légale n’est pas la bonne solution. »
Par ailleurs, pour « rendre la société davantage inclusive vis-à-vis de ses citoyens les plus âgés », le Comité consultatif national d’éthique propose la création d’un cinquième risque de la sécurité sociale, pour permettre une meilleure prévention et un meilleur accompagnement des personnes dépendantes. Un cinquième risque qui a déjà été envisagé mais jamais concrétisé par les précédents gouvernements, alors qu’Emmanuel Macron l’a évoqué en avril dernier. Autre piste du CCNE, l’évolution du droit social, notamment pour permettre à un proche d’aider et d’accompagner une personne malade ou handicapée. A ce titre, la possibilité d’un enrichissement du compte personnel d’activité pourrait être explorée.
Reste à savoir à présent si cet avis du CCNE viendra nourrir la feuille de route d’Agnès Buzyn, la ministre de la Santé promet pour la fin de l’année une « stratégie nationale pour l’accompagnement du vieillissement ».