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« L’EHPAD est un lieu de vie et non de soin »

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Près d’Amsterdam, la petite ville Hoogewey a vu naître en son sein un « village Alzheimer », un EHPAD d’un nouveau genre qui permet à ses 150 résidents de se sentir chez eux. Le projet qui existe depuis une vingtaine d’années pourrait bientôt faire des émules en France. Rencontre avec Fabienne Noé, docteure en droit et directrice d’EHPAD associatifs, qui a décidé de s’en inspirer au sein de ses établissements.
Sur quels principes repose le « village Alzeimer » ?

Le village est divisé en quartiers qui représentent la sectorisation de la société hollandaise – on a dans les pays du Nord un rapport au communautarisme totalement différent du nôtre. On y retrouve donc des quartiers indonésien, bourgeois, protestant, ouvrier, artiste. C’est un modèle basé sur une étude de la société hollandaise qui date d’une vingtaine d’années, et ils réfléchissent d’ailleurs à le faire évoluer car la société a changé. Ainsi, chaque résident retrouve dans le quartier qu’il intègre des références morales, sociales, culturelles et un rythme de vie et des activités propres. Le principe du chez-soi est poussé à l’extrême, avec seulement sept résidents par maison. L’établissement n’accueille que des personnes ayant des troubles cognitifs sévères, des troubles de désorientation et du comportement et il les accompagne jusqu’à la fin de vie. Et leur manière de concevoir l’accompagnement des derniers moments est très différente, on ne les laisse pas dans leur chambre, on continue à les faire participer à la vie en communauté. L’organisation est également intéressante notamment sur la surveillance de nuit : les professionnels sont très axés sur les traitements non médicamenteux, le relationnel, et ils ne gèrent médicalement que les urgences.

Comment s’intègre-t-il dans la ville ?

L’établissement, qui se situe dans une banlieue d’Amsterdam, propose des services qui le lient à l’extérieur. On compte au sein du village un restaurant, un coiffeur, un kiné, une salle de concert… Des animations et des commerces destinés non seulement aux résidents mais aussi aux habitants du quartier. Le village fait 20 000 m2 et il est construit de telle sorte pour que l’on puisse facilement oublier qu’on est dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Avec les commerces, les espaces de jeux pour enfants, les ruelles entre les quartiers, on n’a pas le sentiment d’enfermement qu’on peut ressentir dans un établissement classique.

Est-il adaptable dans un contexte français ?

D’un point de vue juridique, tout pouvait être copié. D’un point de vue architectural, c’était également possible. C’est plutôt du point de vue culturel que cela bloque : sur les normes, les métiers, la notion de « chez-soi ». Il fallait remettre en cause le libre choix du médecin traitant, que les résidents hollandais n’avaient plus en entrant dans le village car les médecins y sont salariés pour assurer une continuité dans les soins. Le personnel ne porte pas de tenues professionnelles, ce qui peut être assez mal vu par les professionnels français qui ont à cœur de se distinguer d’un métier à l’autre.

Des établissements ont-ils pourtant fait ce choix ?

Dans les Landes, le conseil départemental a pour projet d’ouvrir un village. La première pierre du chantier sera posée début juin. Tout ne sera probablement pas transposé, même s’ils comptent organiser le village par des quartiers « plage », « campagne ». Dans mon EHPAD, on a répercuté ces éléments avec des rez-de-chaussée entièrement sécurisés qui offriront une liberté totale d’aller et venir de jour comme de nuit autour de patios. Nous avons pour projet de supprimer les tenues professionnelles et nous réfléchissons au fait de créer des ambiances comme à la maison en évitant le tout hospitalier. Quelques structures en France pensent la question du chez-soi, c’est quelque chose qui va évoluer dans les années à venir. Mais paradoxalement, au moment où on réfléchit à un chez-soi du résident, à son implication dans la vie de l’établissement, on va avoir de plus en plus de mal à l’appliquer. On a vingt ans de retard, ce modèle est presque dépassé par rapport aux résidents qu’on reçoit aujourd’hui, qui ont des dépendances physiques très lourdes. C’est tout le problème des structures françaises, qui sont souvent dans l’incapacité de s’adapter : quand on crée quelque chose en France, on le garde ensuite pendant vingt ans alors qu’on devrait être dans une démarche évolutive. C’est un modèle qui nous permet en tout cas de repenser la place de la personne âgée, du trouble du comportement dans la société et la liberté qu’on peut encore laisser à ces personnes. Aujourd’hui, il faut voir l’EHPAD comme un lieu de vie et non comme un lieu de soin. C’est un combat qu’on mène tous les jours avec les professionnels mais aussi avec les familles, notamment sur la gestion du risque.

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