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Le défi lancé aux médecins coordonnateurs

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De notre envoyée spéciale à Montpellier.

La nécessité de faire évoluer les pratiques, la formation, et finalement le modèle tout entier de prise en charge du grand âge, a été au cœur des réflexions du 3e Congrès national des médecins coordonnateurs d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui s’est tenu à Montpellier les 17 et 18 mai.

Après deux rapports parlementaires, rendus publics début mars, et un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est à son tour saisi de la question de la prise en charge des personnes âgées en France. Le constat particulièrement sévère dressé dans son avis « Enjeux éthiques du vieillissement », publié le mercredi 16 mai, n’a pas manqué de faire réagir les organisateurs du congrès.

« Notre modèle est à bout de souffle mais tout n’est pas à jeter, estime Pierre Jeandel, directeur médical de l’Association des foyers de province, invité à se prononcer sur l’EHPAD de demain. La situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui n’est que le résultat de mesures contraintes par des considérations budgétaires. Une évolution est nécessaire et elle se fera progressivement. Nous savons qu’une adaptation est possible : la luminothérapie a fait son entrée dans certains établissements mais l’initiative n’a pas été suffisamment suivie ailleurs car elle n’a pas été portée par les pouvoirs publics. »

A l’instar du CCNE, le tableau que dresse Pierre Jeandel de la situation en EHPAD n’est guère positif : le placement en établissement, censé être un lieu de vie, est souvent vécu comme une rupture importante pour les résidents. Ce lieu de vie, qui a dérivé en lieu de soins « sans en avoir les moyens », permet peu de contact avec l’extérieur, et rares sont les établissements qui ont intégré des nouveautés dans leurs pratiques. Pourtant, des expérimentations se mettent en place : les EHPAD hors les murs obtiennent des résultats positifs mais peinent à trouver des financements pérennes. « Ces expérimentations peuvent durer parfois quatre ou cinq ans et sont relativement peu évaluées, souligne la députée Monique Iborra, corapporteuse du texte portant sur la prise en charge des personnes âgées, rendu public le 14 mars(1). Et quand le financement est terminé, l’expérimentation s’arrête, qu’elle ait été validée ou non. Ce n’est pas acceptable, ce qui marche devrait pouvoir être pérennisé et reproduit dans les autres établissements », dénonce-t-elle.

Un taux d’encadrement très faible

« Les moyens alloués sont globalement insuffisants, poursuit la députée, notamment au niveau du personnel : en comparant les ratios de personnel qui se pratiquent en France et ceux qu’on trouve aux Pays-Bas et au Danemark, je me suis dit qu’il y avait réellement un problème. » Le taux d’encadrement moyen est aujourd’hui de 60 salariés – tous personnels confondus – pour 100 résidents. Mais si l’on s’intéresse au ratio concernant les personnels soignants, dont les infirmiers, celui-ci tombe à 24 pour 100 résidents dans le meilleur des cas. Un problème que soulève également Xavier Gervais, vice-président de la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en EHPAD (FFAMCO) : « Nous avons mené une étude en 2006 sur les traitements non médicamenteux en EHPAD avec la direction générale de la santé et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, il en ressortait qu’en dessous d’un taux d’encadrement de 0,25, on aura beau former les professionnels aux bonnes pratiques, ils ne seront pas en mesure de les appliquer. »

« La question de la prise en charge du financement n’a jamais été tranchée »

Et loin de régler la question financière des EHPAD, la réforme de la tarification a été à l’origine des deux manifestations historiques dans le secteur, en janvier et en mars. Si des mesures de neutralisation des effets négatifs de la réforme ont été avancées par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, à la suite du rapport du médiateur Pierre Ricordeau(2), elles ne devraient pas suffire à pallier le manque, selon Monique Iborra. « Personne n’a jamais tranché la question de la prise en charge du financement de la dépendance, qui est pourtant inéluctable. Le 5e risque a souvent été évoqué mais personne ne l’a jamais mis en place. » D’autant que la situation pourrait bien devenir critique dans les années à venir. Si la population française compte aujourd’hui 1,5 million de personnes de plus de 85 ans, elle en comptera 5 millions à l’horizon 2050, selon les chiffres de l’INSEE. Les estimations qui concernent la dépendance sont également à la hausse : 1,12 million de personnes étaient dépendantes en 2010, elles seront 2,26 millions en 2060. « Les financements publics n’ont pas augmenté en rapport avec l’augmentation de la dépendance, malgré la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (dite loi “ASV”) », souligne de son côté le CCNE.

La crise qui traverse les EHPAD pourrait également trouver une porte de sortie avec la revalorisation de ses métiers. Selon Michel Mondain, doyen de la faculté de médecine de Montpellier-Nîmes, le diplôme universitaire de gérontologie créé par la réforme du 3e cycle peine à susciter des vocations. Si on compte en moyenne entre 75 et 85 % de postes pourvus chez les médecins coordonnateurs, ils pourraient être plus fortement impactés à l’avenir dans le contexte général d’une pénurie de médecins qui s’accentue chaque année. « Il faut décloisonner les formations, martèle Michel Mondain. Il faut repenser les parcours, les formations, ouvrir un diplôme de santé spécialisé sur le “repérage précoce” des pathologies afin d’anticiper les besoins face à l’augmentation des maladies chroniques et par conséquent de la dépendance chez les personnes âgées. » Autant de chantiers ouverts qui devraient être arbitrés prochainement par la direction générale de la cohésion sociale, qui doit rendre sa copie sur les missions des médecins coordonnateurs le 7 juin, et par Agnès Buzyn, qui prévoit de dévoiler sa feuille de route dans les semaines à venir.

Notes

(1) Voir ASH n° 3052 du 16-03-18, p. 10.

(2) Voir ASH n° 3058 du 27-04-18, p. 11.

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