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Fabienne Quiriau : « 1968-2018, la révolution des esprits »

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La famille et les mœurs ayant changé, confortées par l’instauration de nouveaux droits, la protection de l’enfance a dû s’adapter. Directrice générale de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (CNAPE), Fabienne Quiriau, revient sur le mouvement de Mai 68 et la dynamique que cela a amorcée.
La protection de l’enfance a bien changé depuis cinquante ans… Faut-il y voir un lien avec les événements de Mai 68 ?

Cette période est le point de départ d’une remise en question de l’ancien système. On va se libérer d’un carcan traditionnel où l’on dressait les enfants. La société était alors clivée et très hiérarchisée : le père était le chef de famille et imposait son autorité, comme le faisait d’une certaine manière la protection de l’enfance auprès des familles. Aujourd’hui, on n’imagine pas rédiger un rapport d’évaluation en jugeant et dévalorisant la famille avec des mots comme « vice » ou « tare »… Les décisions de placement étaient durables et non motivées, tout simplement parce que les familles n’avaient pas encore le droit de contester une décision.

Le mouvement de Mai 68 a remis en cause de nombreuses institutions (école, université). La protection de l’enfance y a-t-elle échappé ?

La protection de l’enfance ne fait pas exception, on peut parler de basculement. Après 68, de nouveaux droits ont été instaurés, ce qui a entraîné un changement de rapport entre les administrations et les usagers d’une manière générale. Ce courant va impacter la protection de l’enfance. Il faut dire que, à cette époque, c’est un monde clos avec des maisons d’enfants où les « protégés » arrivent sans trop savoir quand ils vont en sortir… Les décisions de justice étaient durables, personne ne les remettait en question. L’instauration d’un droit de recours avec la loi du 17 juillet 1978 va modifier les habitudes. A l’époque, on n’avait pas le souci du respect des droits, de la place de chacun, de la liberté d’expression. Mai 68 va immanquablement changer cela, pas du jour au lendemain, mais cela va marquer les formations, le travail social, la vision des vulnérabilités, des difficultés familiales. On ne va plus être dans l’œuvre sociale mais dans une exigence de professionnalisation, qui va s’affirmer au fur et à mesure avec les écoles de travail social qui vont se développer.

Quel est, selon vous, le changement le plus marquant depuis cinquante ans ?

A cette époque, l’enfant n’avait pas de droits. Mai 68 va modifier cette vision. Les familles changent, les rapports entre ses membres également. La protection de l’enfance va devoir en tenir compte. La loi va suivre cette dynamique, avec l’instauration de l’autorité parentale en 1970 ou encore avec la loi sur le divorce en 1975. La protection de l’enfance va être beaucoup plus attentive aux difficultés des familles, sans les accabler. La loi de décentralisation, qui donne en 1983 aux départements la charge de la protection de l’enfance, va permettre de considérer l’environnement et les facteurs sociaux qui peuvent expliquer certaines situations. Ce qui va également confirmer ce changement de rapport entre l’administration et les parents, c’est la loi du 17 juillet 1978, qui instaure la possibilité de faire un recours pour contester une décision administrative. A partir de ce moment-là, les décisions seront toutes motivées.

De la protection de l’enfance à l’aide à la famille

En 1972, le rapport « Dupont-Fauville » marque un tournant. Il recommande la mise en place d’équipes pluridisciplinaires. Assistantes sociales, éducateurs spécialisés, psychologues et pédopsychiatres font leur apparition et vont modifier les pratiques, alors que, pendant longtemps, la tutelle de l’enfant avait été confiée à des administratifs.

La loi du 17 juillet 1978 instaure la possibilité de faire un recours pour contester une décision administrative. En conséquence, les décisions seront dès lors toutes motivées.

En 1980, le rapport « Bianco-Lamy » a mis en évidence de graves carences dans le fonctionnement du système de protection de l’enfance. Ce rapport propose de rénover le dispositif en reconnaissant l’importance de la place des familles.

La loi du 6 juin 1984 sur le droit des familles dans leurs relations avec les services chargés de la protection de l’enfance amorce un retournement. Jusqu’ici, on parlait toujours des devoirs des parents. Changement de dogme : ce n’est pas en écartant les parents que ces dernier sortiront de leur défaillance, mais en leur donnant les droits d’être informés, de se faire accompagner, d’être associés aux décisions (avis), en réévaluant régulièrement les décisions, etc.

En novembre 1989, un texte fondateur – la Convention internationale des droits de l’Enfant – va proclamer certains droits à la protection, comme ceux de s’exprimer, de connaître ses parents, le droit au respect, etc.

La loi du 5 mars 2007 qui réforme la protection de l’enfance confirme les droits des familles dans leurs rapports avec les services de l’aide sociale à l’enfance. Elle inscrit l’enfant au cœur du dispositif de protection et insiste sur le fait que l’intérêt de l’enfant doit guider toute décision le concernant.

1968-2018

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