Sans aucune hésitation, Bruno Gaurier qualifie de « positive » l’évolution sur les cinquante dernières années de la considération politique à l’égard des personnes en situation de handicap. « Progressivement, le handicap devient une véritable cause sociale. On avance vers une inclusion scolaire réelle et l’accessibilité, qui reste un combat important, a quand même fait des progrès, résume-t-il. Enfin, les personnes handicapées peuvent bénéficier d’allocations, même si elles sont insuffisantes. » Il n’est plus imaginable aujourd’hui de créer une station de métro non accessible aux personnes handicapées, ni d’entasser 80 lits dans un hospice – ce qui ne signifie pas pour autant que les EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) soient dans une situation optimale.
« On est dans la “moins-maltraitance” possible, mais on n’est pas dans la bienveillance, qui est la base du pari de l’inclusion », nuance le conseiller politique, qui s’inquiète d’un recul des droits des personnes handicapées dans les années à venir. Il dénonce notamment les licenciements fréquents d’auxiliaires de vie et la récente loi « ELAN » (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique), qui présenterait un risque de « très forte réduction des normes d’accessibilité » selon la Confédération nationale du logement (CNL). Il estime qu’à travers ses choix économiques, le gouvernement se dédouane sur la solidarité. « Ce n’est pas idiot, la solidarité, s’il y a une prise de conscience du voisinage du fait que nous vivons en voisins. Ça existait déjà au Moyen Age, avec les béguinages. On partageait un peut tout, on s’engueulait, mais en même temps on s’occupait des personnes âgées et des enfants. Une solidarité comme ça a du bon, c’est du “vivre ensemble”. » Avant de conclure : « La difficulté est qu’aujourd’hui la solidarité n’est pas conçue comme ça, elle se crée sur un fond de libéralisme. Ce n’est pas pareil. […] Aujourd’hui, le libéralisme, qui induit le progrès technique, peut vite devenir la machine à exclure. » Selon lui, aucun doute : la radicalisation du libéralisme, qu’il attribue à l’après-Mai 68 sur fond de crise du pétrole et à la crise de 2008, induit un déficit de solidarité.