La traînée de poudre du mouvement social continue sa progression. De plus en plus d’entreprises sont en grève, en particulier la plus emblématique de toutes : Renault-Billancourt, le bastion ouvrier par excellence. Mais d’autres entreprises stratégiques sont entrées dans la danse, comme la SNCF, la RATP et Air France, ce qui contribue à paralyser un peu plus le pays.
Les deux grandes forces de gauche – la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) de Mitterrand et le Parti communiste français (PCF) – se rencontrent. Mais, surtout, l’ORTF se met en grève. Les journalistes ne supportent plus la censure quotidienne qui leur impose de soumettre le sommaire du journal télévisé au ministre de l’Information. A compter de ce jour, les reportages sur les manifestations sont entièrement sous contrôle, réalisés par des non-grévistes et des journalistes réquisitionnés. Dans la soirée, un cortège d’étudiants part du Quartier latin en direction de Boulogne-Billancourt, espérant réaliser la fantasmatique alliance « cols blancs-cols bleus ».
Le pays est en apnée. On compte 6 millions de grévistes. De retour de Roumanie, le général de Gaulle dénonce « la chienlit », selon un propos rapporté par Georges Pompidou à sa sortie de l’Elysée.
Pour la première fois de son histoire, le Festival de Cannes est interrompu. Jean-Paul Sartre s’exprime dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Le Syndicat national des instituteurs (SNI) et le Syndicat national des enseignants du second degré (SNES) lancent un appel à la grève. Après les universités, les lycées et les collèges. A quand les maternelles ?
Des lycées sont occupés à l’appel des comités d’action lycéens. La Fédération de l’Education nationale (FEN) appelle à cesser le travail à partir du 22 mai.
Daniel Cohn-Bendit, de nationalité allemande, est interdit de séjour en France. La grève s’étend à perte de vue : Peugeot, Michelin, EDF-GDF, les grands magasins… 10 millions de grévistes sont recensés.
A l’appel des syndicats d’étudiants et d’enseignants, une manifestation pour dénoncer l’expulsion de Daniel Cohn-Bendit se déroule à Paris. La CGT et la CFDT se rencontrent et élaborent une plateforme commune de revendications sociales.
Une motion de censure déposée par la gauche est rejetée, tandis que des députés gaullistes suscitent la création des comités pour la défense de la République.
Cette troisième semaine marque un basculement. La dimension sociale avec les grèves a pris le pas sur le mouvement étudiant. Les deux évoluent en parallèle. Toute la question est de savoir s’ils vont converger. Face à ces 10 millions de grévistes et ces étudiants en révolte, la Ve République vacille. Va-t-elle chuter ?