La pénurie de médecins et les déserts médicaux sont devenus des thèmes récurrents du débat sur notre système de santé. Pour certains politiques, c’est devenu une sorte de commerce qu’ils développent par le dépôt récurrent de propositions de loi visant à restreindre la liberté d’installation des médecins.
Or il y a un côté « fake news » dans cette idée d’une pénurie de médecins. Un nouveau rapport (voir page 13) vient de confirmer qu’il n’y a jamais eu autant de médecins en exercice, leur nombre ayant progressé de 10 000 depuis 2012.
Quant aux déserts médicaux, ils ne sont pas là où l’on croit. En effet, ce n’est pas tellement au fond de nos belles campagnes que la carte sanitaire est perforée, mais plutôt dans la périphérie des villes, voire dans les centres-villes eux-mêmes. Paris, oui, la Capitale, la Ville Lumière, est menacée d’être un désert médical parce que les médecins sont rebutés par les prix de l’immobilier. La Seine-Saint-Denis – le fameux « 9-3 » – est le département le moins médicalisé du pays parce que les médecins redoutent l’insécurité et l’impossibilité de se constituer une patientèle… intéressante.
Le nœud du problème est la médecine générale, relativement boudée par les jeunes médecins. Il est vrai que cette spécialité – car c’en est une à part entière depuis 2004 – est au cœur de toutes les contradictions de la politique de santé.
Le médecin généraliste-médecin traitant est censé être le gestionnaire de la santé de sa patientèle, l’orientant dans le dédale du système et orchestrant les intervenants dans le cadre d’un réseau de soins. L’ennui est que ce chef d’orchestre n’a pas d’orchestre, et encore moins de baguette magique. Il n’a pas les moyens de sa fonction, avec ses consultations à 25 €, son absence de système d’information et son impossibilité d’organiser des échanges avec ses « musiciens ».
Relativement moins nombreux, concentrés géographiquement, accueillant toute la misère médicale, les médecins généralistes sont débordés. L’urgence est de desserrer cet étau. Plusieurs pistes peuvent être envisagées, à commencer par celle consistant à libérer du temps de cerveau disponible des médecins. Ils effectuent des actes qui pourraient parfaitement être délégués à d’autres professionnels de santé. Il existe d’ailleurs un accord national dans ce sens, mais il peine à se mettre en place. Depuis cette année, les pharmaciens peuvent pratiquer la vaccination, notamment contre la grippe. Un projet créant un statut d’infirmier de pratique avancée, leur permettant d’effectuer certains actes, est en cours de négociation.
Mais il faudrait aller plus loin, en créant des métiers de santé à bac + 4 et + 5 pour suppléer les médecins dans certaines situations. Célèbre urologue et auteur de plusieurs rapports, le professeur Guy Vallancien explique que, dans 99 % des cas, le médecin applique un protocole et qu’il n’y a que dans 1 % des situations que son expertise est indispensable.
L’enjeu est de recentrer les médecins sur leur cœur de métier, et non de chercher à en implanter dans tous les cantons, car l’objectif est d’avoir un égal accès à la médecine, et non au médecin, les nouvelles technologies comme la télémédecine permettant d’atteindre cet objectif en s’affranchissant de la présence physique.